Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le SCI Sami a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 4 mai 2021 par laquelle le maire de Poissy a exercé son droit de préemption sur la parcelle AZ95, située 91 boulevard Robespierre.
Par un jugement n° 2104007 du 18 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2022, la commune de Poissy, représentée par Me Rivoire, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Sami devant le tribunal administratif de Versailles ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Sami la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision de préemption querellée n'est pas intervenue postérieurement à l'expiration du délai d'exercice du droit de préemption et n'a donc pas été communiquée tardivement au contrôle de légalité et qu'aucun autre moyen de la requête présentée par la SCI Sami n'était par ailleurs susceptible de fonder l'annulation de la décision de préemption en cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, la SCI Sami, représentée par Me Agostini, avocat, conclut au rejet la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Poissy la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en faisant valoir que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme A... B... qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 30 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Santangelo, pour la commune, et de Me Buonomo, substituant Me Agostini, pour la SCI Sami.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 janvier 2021, Mme A... B... a déposé en mairie de Poissy une déclaration d'intention d'aliéner son bien cadastré section AZ n° 95 situé 91, boulevard Robespierre, à Poissy. Par un arrêté du 4 mai 2021, le maire de Poissy a décidé d'exercer son droit de préemption sur ce bien. Par la présente requête, la commune de Poissy relève appel du jugement du 18 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision sur demande de la SCI Sami, acquéreur évincé.
2. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. (...) Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. (...) / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. Le notaire la transmet aux titulaires de droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage, aux personnes bénéficiaires de servitudes, aux fermiers et aux locataires mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. (...) " .
3. Il résulte de ces dispositions que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, le cas échéant suspendu par une demande unique de communication de documents ou une demande de visite du bien, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Si les dispositions précitées n'interdisent pas à l'autorité titulaire du droit de préemption de formuler à la fois une demande de communication de documents ainsi qu'une visite du bien, ces demandes ne sont susceptibles de suspendre le délai de deux mois d'exercice du droit de préemption qu'à condition d'avoir été formées elles-mêmes dans ce délai. Dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, le cas échéant suspendu, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé, ou à son mandataire, et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé, ou son mandataire, et par le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, éventuellement suspendu, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner portant sur la parcelle litigieuse a été reçue par la commune de Poissy le 13 janvier 2021. La communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, alors titulaire du droit de préemption urbain, avant de déléguer celui-ci à la commune de Poissy par délibération du 25 mars 2021, a formulé, par un courrier du 5 mars 2021 notifié le 12 mars suivant au notaire de la propriétaire du bien, une demande de pièces complémentaires. Ces documents ont été transmis par lettre recommandée avec accusé de réception, et reçus par la communauté urbaine le 15 mars 2021. Ainsi, le délai d'exercice du droit de préemption, qui avait été suspendu à compter du 12 mars 2021, alors que le délai restant était inférieur à un mois, a repris à compter du 15 mars 2021 pour expirer le 15 avril 2021 à minuit. Si la commune de Poissy a ensuite adressé à la propriétaire de la parcelle, par courrier du 29 mars 2021 reçu le 2 avril suivant, une demande de visite du bien, celle-ci, intervenue postérieurement au délai initial de deux mois, n'a pu avoir pour effet de suspendre à nouveau le délai de préemption. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la décision attaquée, datée du 4 mai 2021 et notifiée le 11 mai suivant à Mme B..., Me Aujay et à la SCI Sami, puis transmise au préfet le 6 mai 2021, était intervenue après expiration du délai d'exercice du droit de préemption, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Poissy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 4 mai 2021.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Sami, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la commune de Poissy demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Poissy la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Sami et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Poissy est rejetée.
Article 2 : La commune de Poissy versera à la SCI Sami la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la commune de Poissy, à la SCI Sami et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P.-L. ALBERTINI
La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE00861