Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 9 octobre 2020 par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un agrément d'agent de sûreté aéroportuaire.
Par un jugement n° 2001113 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 août 2021 et 13 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Lobeau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 12 mai 2021 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 9 octobre 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure n'a pas été loyale car il a été convoqué par les services de police, sans avoir eu connaissance au préalable du retrait de la précédente décision de refus datée du 30 octobre 2019 et en vue de la notification d'une décision, qui n'a pas eu lieu ; en outre, la décision évoque plusieurs échecs aux tests de sûreté et le fait qu'il était connu des services de police pour des faits de violence volontaire en 2009, alors que ces éléments ne figuraient pas dans la première décision ;
- la décision, qui doit s'analyser comme une mesure de police et aussi une sanction, a méconnu l'obligation de respecter un contradictoire préalable, prévue notamment par les dispositions des articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ; il n'a pas été informé avant son audition par les services de police des éléments à charge retenus contre lui ; il a été convoqué pour se voir notifier un agrément et présenter ses observations ; la décision en litige était déjà prise au moment de son audition ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de fait : contrairement à ce qui est affirmé, il n'a pas échoué à plusieurs tests, mais à un seul, et l'agent de la police aux frontières qui a rédigé le compte-rendu a fait montre d'une animosité évidente à son encontre ; de même, une seule convocation par un officier de police judiciaire n'a pas eu de suite, et ceci en raison de l'absence du policier ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 6342-4 du code des transports ; alors qu'il a déjà bénéficié d'un agrément, qu'il a obtenu le renouvellement, en 2016 et après enquête administrative, de son habilitation pour accéder aux zones de sûreté à accès réglementé de l'aéroport, prévue à l'article L. 6342-3 du code des transports, les faits qui lui sont reprochés concernent une courte période et ont été commis dans un contexte d'animosité avec son ancien employeur et de partialité des agents du service de la police aux frontières ; bien que figurant au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, sa condamnation en juin 2015 à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et de suspension du permis de conduire pendant six mois pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique ne peut être retenue à son encontre compte tenu de son ancienneté ; les faits de violences datant de 2009 ont donné lieu à un classement sans suite étant donné le caractère raciste de l'agression dont il a lui-même fait l'objet ; en outre, les retards et absences qui lui ont été reprochés par son employeur sur une période de deux mois n'ont pas été caractérisés, la procédure disciplinaire qui avait été engagée pour ce motif a été abandonnée une fois qu'il a pu être entendu, et son nouvel employeur n'a rien à lui reprocher sur sa manière de servir ; les tensions avec les agents de la police aux frontières s'expliquent par son statut de représentant syndical ; il ne peut lui être reproché le fait de relever le matricule d'un des policiers qui l'a auditionné, dès lors que cela ne constitue pas un outrage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la circonstance que le juge des référés ait suspendu l'exécution de la décision en litige ne remet pas en cause le raisonnement suivi par les premiers juges, qui les a conduits à rejeter la demande d'annulation ;
- M. B... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance du principe de loyauté, qui ne trouve pas à s'appliquer en matière de police administrative ; en tout état de cause, le moyen manque en fait, puisque les deux convocations des 15 et 21 septembre 2021 mentionnaient qu'elles avaient pour but de recueillir ses observations ; le procès-verbal d'audition établit que l'objet de la procédure lui a été rappelé et qu'il lui a été indiqué qu'il pouvait mettre fin à l'audition quand il le souhaitait ;
- le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'une procédure contradictoire préalable est inopérant ; les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoient expressément que ce principe ne s'applique pas lorsqu'il est statué sur une demande, quand bien même celle-ci serait présentée par l'employeur ; au demeurant, le contradictoire n'a pas été méconnu, puisque le rendez-vous du 5 octobre 2020 a été l'occasion de recueillir les observations de l'intéressé ;
- la moralité et le comportement de M. B... ne présentent pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de l'ordre public et sont incompatibles avec l'exercice des missions d'agent de sûreté aéroportuaire ; les faits d'absences et de retards, collectés lors de l'enquête administrative, sont établis par plusieurs courriers de son employeur et M. B... ne les avait pas contestés auprès de celui-ci ; le fait que la procédure de licenciement ait été abandonnée en mai 2019 par son employeur, pour un motif inconnu, est sans incidence sur la légalité de la mesure de police administrative ; M. B... ne contredit pas les faits de violences commis en 2009 ; le préfet pouvait valablement se fonder sur les faits commis en 2009 dès lors qu'ils l'ont été lorsque l'intéressé, alors militaire, était tenu à un comportement irréprochable ; l'inspectrice de la sûreté aéroportuaire a constaté le 31 octobre 2018 que l'intéressé avait commis des manquements aux consignes de sécurité, avait persisté dans son erreur lorsqu'elle lui avait été signalée et avait fait montre d'un comportement inadapté ; en outre, il a échoué à plusieurs tests de sécurité dès 2017 ; il a fait preuve d'agressivité le 31 octobre 2018 et le
5 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile, notamment son article R. 213-5 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté à compter du 1er juin 2014 par la société Galea Guyane en tant qu'agent de sûreté aéroportuaire au sein de l'aéroport Félix Eboué de Cayenne. Son contrat de travail a été repris par la SARL Rangers sécurité à compter du 31 mai 2019. Par un courrier reçu le 25 juin 2019, le directeur par intérim de l'aéroport Félix Eboué de Cayenne a sollicité, au profit de M. B..., le renouvellement du double agrément rendu nécessaire pour exercer les fonctions d'agent de sûreté aéroportuaire par l'article R. 6342-4 du code des transports. Deux refus ont été opposés à cette demande, le premier par le préfet de la Guyane le 30 octobre 2019, le second par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne le 15 novembre 2019. Saisie par M. B..., la juge des référés du tribunal administratif de Cayenne a suspendu l'exécution de ces décisions, par des ordonnances du 6 février 2020. Par deux jugements du 29 décembre 2020, le tribunal a donné acte du désistement de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision préfectorale après que le préfet l'a retirée le 18 novembre 2020, et a annulé le refus opposé par le procureur de la République. Par une décision du 9 octobre 2020, le préfet de la Guyane a de nouveau refusé de renouveler l'agrément de M. B.... Par le jugement du 12 mai 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande d'annulation de cette décision préfectorale.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".
3. La décision de refus de renouvellement de l'agrément nécessaire pour assurer la sûreté aéroportuaire est une décision de police. Si elle fait suite à une demande, de sorte que les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas applicables, elle est prise en considération de la personne de l'agent et est fondée sur des motifs tenant au comportement de M. B..., dont la demande ne faisait pas état. De tels motifs ne pouvaient lui être opposés, pour l'écarter de l'exercice des fonctions dont s'agit, qu'après qu'il ait été mis en mesure de présenter ses observations sur les griefs qui lui étaient ainsi reprochés.
4. En l'occurrence, M. B..., assisté d'un représentant du personnel, a été entendu par les services de la police aux frontières le 5 octobre 2020, et a été mis en mesure de présenter ses observations sur les faits qui lui étaient reprochés, relatifs à des retards, des absences, des échecs aux tests de sûreté, à son comportement irrespectueux ou outrageant notamment envers l'inspectrice de sûreté de la police aux frontières, à sa condamnation pénale de 2015, à des faits de violence de 2009 et à sa non-présentation à un rendez-vous avec le chef du service de la police aux frontières de l'aéroport. Il ressort du procès-verbal de son audition qu'il était parfaitement informé de ces faits puisqu'il s'est borné à s'en remettre aux observations qu'il avait déjà présentées lors de la notification de la précédente décision de refus le 30 octobre 2019. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance d'un principe de loyauté dans la procédure ayant conduit à la décision en litige. Au demeurant, il ressort de la convocation du 21 septembre 2020 qui lui a été adressée en vue de son audition le 5 octobre suivant, qu'il était informé que l'enquête administrative pour le renouvellement de son agrément d'agent de sûreté était défavorable et qu'il pourrait présenter à cette occasion ses observations. L'objet de la procédure lui a également été rappelé en début d'audition ainsi que cela ressort du procès-verbal.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 6342-4 du code des transports : " (...) II. - Les opérations d'inspection-filtrage des personnes, des objets qu'elles transportent et des bagages ainsi que les opérations d'inspection des véhicules peuvent être réalisées, sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents des douanes, par des agents de nationalité française ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, désignés par les entreprises ou organismes mentionnés à l'article L. 6341-2 ou les entreprises qui leur sont liées par contrat. / Ces agents doivent avoir été préalablement agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République. (...) / IV. - Les agréments prévus au II sont précédés d'une enquête administrative donnant lieu, le cas échéant, à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. / (...) / Les agréments sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement ne présentent pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice des missions susmentionnées. (...) ".
7. Il ressort des énonciations de la décision en litige que le refus de renouveler l'agrément de M. B... est fondé sur plusieurs motifs, au nombre desquels ne figure pas sa condamnation pénale de 2015 pour conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique. Cette dernière circonstance est ainsi sans incidence sur le litige. Si le préfet lui reproche des faits de violence volontaire commis en 2009, il n'est pas établi que ceux-ci aient fait l'objet de poursuites pénales. Anciens de plus de onze ans à la date de la décision, ils n'ont en outre pas fait obstacle à la délivrance en 2014 de son premier agrément d'agent de sûreté aéroportuaire, ni au renouvellement en 2016 de sa carte professionnelle. Par ailleurs, la circonstance que M. B... ait échoué à deux tests de sûreté opération (TSO), réalisés le 24 avril 2017 et le 23 juillet 2019, en ne procédant pas à la vérification de la cabine de fouille dans laquelle avait été laissé un couteau et en ne détectant pas un objet soumis à restrictions lors du passage de bagages aux rayons X, n'est pas de nature à révéler une moralité ou un comportement ne présentant pas les garanties requises pour l'exercice de la profession.
8. Toutefois, il résulte également des pièces du dossier, et notamment de l'enquête administrative dont il a fait l'objet, que M. B... a eu un comportement déplacé, lors d'un contrôle du 31 octobre 2018, à l'égard d'un agent du service de la police aux frontières qui lui faisait remarquer, en sa qualité d'inspectrice ciblée locale, qu'il ne respectait pas les règles relatives au positionnement par rapport au point d'inspection filtrage, et qu'il n'a pas davantage modifié son erreur après l'intervention de son chef d'équipe. Il s'est montré à nouveau agressif à l'issue de son audition, le 5 octobre 2020, en vue de présenter ses observations préalables à l'édiction de la décision en litige, ainsi que cela a été consigné dans un rapport établi par les deux agents de police, et s'il a reconnu que la maîtrise de son comportement était incontestablement requise par ses fonctions, il a admis qu'il ne parvenait pas toujours à respecter cette exigence. Au vu de son attitude agressive et déplacée à l'égard des agents de la police aux frontières, le comportement de M. B... est incompatible avec l'exercice des missions susmentionnées. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Guyane aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur ce motif. Par suite, c'est sans entacher sa décision d'erreur de fait et sans méconnaître les dispositions de l'article L. 6342-4 précité du code des transports que le préfet de la Guyane a refusé de renouveler l'agrément d'agent de sûreté aéroportuaire de M. B....
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2020. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane, ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Cayenne.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 décembre 2023.
Le rapporteur,
Olivier A... La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX03553