Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer, sous astreinte, une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2204004 du 4 août 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre 2022 et le 22 novembre 2023, M. B... C..., représenté par Me Baudard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont applicables aux ressortissants algériens ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant interdiction de retour :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- M. C... a été condamné à de nombreuses reprises ; compte-tenu du caractère répété de ces délits d'une gravité croissante et du risque élevé de récidive, il représente une grave menace pour l'ordre public ;
- il n'a pas de communauté de vie avec son épouse et est soumis à une interdiction de communiquer avec elle ;
- il ne démontre pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants mineurs ;
- aucun des autres moyens invoqués par M. C... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 2 juillet 1985 à El Biar (Algérie), est entré en France le 11 janvier 2015, muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités maltaises, accompagné de son épouse et de leur enfant mineur né le 29 mars 2013. Son épouse, Mme A..., a obtenu la nationalité française par filiation le 13 juillet 2017. Le couple a eu deux autres enfants nés en France les 6 janvier 2017 et 19 février 2019. Par un arrêté du 20 septembre 2019 pris à la suite de son interpellation pour des faits de vol, M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avant le 1er novembre 2019, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an, lequel arrêté a été annulé par la présidente du tribunal administratif de Montpellier le 16 décembre 2019. M. C... a bénéficié d'un titre de séjour valable un an à compter du 16 janvier 2020 en qualité de parent d'enfants français, qui a été renouvelé jusqu'au 15 janvier 2022. Le 18 mai 2022, alors qu'il était incarcéré au centre pénitentiaire de Béziers, M. C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 26 juillet 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande. Par ordonnance du 2 août 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Par arrêté du 28 juillet 2022, le préfet de l'Hérault a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français sans délai, et lui a interdit de retourner sur le territoire pendant une durée de deux ans. Par un jugement du 4 août 2022 dont M. C... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 juillet 2022.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dont serait entachée la décision, qui est invoqué sans élément nouveau ni critique utile du jugement, par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 3 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est le père de trois enfants mineurs de nationalité française en vertu des certificats délivrés par le tribunal d'instance de Béziers le 21 octobre 2019, nés de son mariage avec Mme A... célébré le 2 novembre 2011 à Casbah (Algérie). Ainsi qu'il a été exposé au point 1, son épouse a obtenu la nationalité française par filiation le 13 juillet 2017. Toutefois, M. C... a été condamné à une peine d'emprisonnement délictuel de deux ans par le tribunal correctionnel de Béziers le 11 janvier 2021, pour des faits de violence aggravée par trois circonstances, suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours sur conjoint commis le 13 octobre 2020, ainsi que pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours également sur son conjoint commis du 4 au 5 août 2019. Par un arrêt du 6 mai 2021, la cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité et a condamné le requérant à une peine de deux ans d'emprisonnement dont six mois assortis d'un sursis probatoire. Le requérant a été incarcéré à compter du 11 janvier 2021 et était libérable à compter du 5 août 2022. Il ne ressort d'aucune pièce produite et il n'est d'ailleurs pas allégué qu'il aurait continué de contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants depuis janvier 2021. Si son épouse a, par une attestation succincte établie le 2 août 2022, indiqué que son conjoint a contribué à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance, elle n'a assorti ses déclarations d'aucune précision utile, alors que selon le rapport de liaison établi le 16 décembre 2021 par le service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Hérault, M. C... n'a reçu aucune visite depuis son incarcération. Si, après avoir indiqué lors de la procédure pénale qu'elle souhaitait divorcer en raison des violences conjugales subies depuis 2014, l'épouse du requérant a exposé devant la cour d'appel et dans son attestation succincte du 2 août 2022 qu'elle avait décidé " de lui donner une chance avec des conditions de soins et de travail ", il ressort des dernières écritures produites que la communauté de vie des époux C... n'a pas repris postérieurement à la sortie de détention. S'il soutient avoir repris sa place en tant que père auprès de ses enfants qu'il accompagne au quotidien, il se borne à produire des attestations sommaires des directeurs des écoles dans lesquelles ses trois enfants sont scolarisés, en date des 14 et 15 novembre 2023, lesquelles ne font aucune mention de faits antérieurs à la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser le séjour à un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet de plusieurs obligations de quitter le territoire français prises le 21 décembre 2016 par le préfet de l'Essonne, le 8 juin 2018 par le préfet de Seine-et-Marne et le 20 septembre 2019 par le préfet de l'Hérault, en raison des condamnations prononcées à son encontre pour la première fois le 6 novembre 2015 pour des faits de vol, puis de vol en réunion en récidive, de vol par effraction dans un local d'habitation ou lieu d'entrepôt. Si la mesure d'éloignement prononcée le 20 septembre 2019 a été annulée par un jugement n°1905321 du tribunal administratif de Montpellier du 16 décembre 2019, M. C... a ensuite été condamné à trois autres reprises pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, de vol avec destruction ou dégradation en récidive et de nouveau pour vol en récidive, outre la condamnation pour violences conjugales évoquée au point 4. Ainsi, au regard des dix condamnations prononcées à son encontre entre le 6 novembre 2015 et le 6 mai 2021, dont sept comportent des peines d'emprisonnement allant de trois mois à deux ans, la présence de M. C... sur le territoire français représente une menace pour l'ordre public, ainsi qu'il a été retenu dans l'arrêté contesté du préfet de l'Hérault. M. C... soutient que le centre de ses intérêts familiaux se trouve sur le territoire français dès lors que son épouse ainsi que ses trois enfants détiennent la nationalité française. Toutefois, eu égard au comportement particulièrement répété et à la gravité des faits commis par l'intéressé durant son séjour sur le territoire français depuis l'année 2015, alors, en outre, que M. C... n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident sa mère, son frère et sa sœur et où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans, le préfet de l'Hérault n'a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale aucune atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Est à cet égard sans incidence la circonstance qu'il serait employé par le centre communal d'action sociale de Béziers depuis le 1er juillet 2023 en vertu d'un contrat à durée déterminée d'une durée de six mois. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
7. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. C... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans.
8. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dont serait entachée la décision, qui est invoqué sans élément nouveau ni critique utile du jugement, par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 17 de son jugement.
9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... à mener une vie privée et familiale normale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL21927 2