Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligée de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2200353 du 6 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Carole Boy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime lui délivrer un titre au séjour ou de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle peut bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en sa qualité de conjoint de français conformément à l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des liens qu'elle a tissés en France et de son état de santé ;
- la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée compte tenu du fait que sa présence ne constitue pas une menace à l'ordre public, de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son état de santé ;
- le signalement dans le système d'information Schengen n'a pas fait l'objet d'un examen dans les autres Etats membres ;
- l'obligation de quitter le territoire français sans délai de délai de départ volontaire étant illégale, l'interdiction de retour doit être annulée par voie de conséquence, ainsi que son signalement dans le système d'information Schengen.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime s'en remet à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 31 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2023
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine, née le 15 décembre 1971, est entrée en France le 7 avril 2019. Par arrêté du 1er décembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjointe de français, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement n° 2200868 du 4 octobre 2022 du tribunal administratif de Rouen, devenu définitif. Le 26 janvier 2023, l'intéressée a été convoquée au commissariat du Havre pour des faits de vérification de droit de séjourner ou de circuler sur le territoire français et de suspicion de mariage de complaisance. Par un arrêté du 27 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de sa destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 6 février 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'est pas mariée avec son compagnon, de nationalité française, rencontré au cours du mois de novembre 2022, le procureur de la République du Havre ayant formé une opposition à leur mariage par décision du 31 janvier 2023. L'intéressée, qui n'a pas contesté la légalité de cette décision, n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle pourrait bénéficier de plein droit du titre de séjour prévu par les dispositions précitées de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort en outre des pièces du dossier que si Mme A... vit en France depuis plus de trois années à la date de l'arrêté attaqué, elle n'a pas mis à exécution la mesure d'éloignement du 1er décembre 2021. Par ailleurs, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc où réside son fils et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 49 ans. Enfin, il résulte des énonciations de la décision du 31 janvier 2023 que sa première union du 21 juin 2019, avec un homme âgé de plus de trente ans qu'elle, constituait un mariage de complaisance. Dès lors, l'appelante n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. En deuxième lieu, si Mme A... fait part d'un état de santé psychologique " préoccupant ", elle ne produit qu'un bulletin d'hospitalisation du 1er mars 2023, sans autre justification et postérieur à l'arrêté attaqué. Compte tenu de ce qui précède et de ce qui a été dit au point 3, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
5. En troisième lieu, pour fixer la durée de l'interdiction de retour de Mme A... d'une année, l'autorité préfectorale a tenu compte de sa durée de présence sur le territoire français de trois années, de la nature de ses liens avec la France, de la circonstance qu'elle a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public. Compte tenu de ces éléments, l'appelante n'établit pas que la durée de cette interdiction de retour serait disproportionnée et que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur d'appréciation en la fixant à une année. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. En quatrième lieu, l'obligation de quitter le territoire français sans délai n'étant pas entachée des illégalités invoquées, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour serait privée de base légale.
7. En dernier lieu, lorsqu'elle prend à l'égard d'un ressortissant étranger une interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il suit de là que les moyens tirés de ce qu'une telle " décision " serait illégale, d'une part, au motif que le droit au séjour de Mme A... dans les autres Etats de l'espace Schengen n'aurait pas été examiné, et, d'autre part, en raison de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, ne peuvent, dès lors et en tout état de cause, qu'être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de la formation de jugement,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
Anne-Sophie VILLETTE
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N°23DA00427