Vu la décision en date du 26 janvier 1989, enregistrée le 3 mars 1989 au greffe de la cour, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour Mme Paulette X... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 septembre 1988 et 19 janvier 1989 au secrétariat du contentieux de Conseil d'Etat, présentés pour Mme Paulette X..., demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 30 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Issoudun à réparer les conséquences de l'accident dont elle a été victime ;
- déclare la commune d'Issoudun responsable de l'accident ;
- lui alloue une somme de 80.000 F à titre de provision ;
- ordonne une expertise médicale aux fins de constater les séquelles de l'accident ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII :
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 1991 :
- le rapport de M. VINCENT, conseiller ;
- et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité de 150.000 F :
Considérant que les premiers juges, estimant que la responsabilité de la commune d'Issoudun n'était pas engagée, n'ont pas prescrit l'expertise sollicitée ; que, dès lors, Mme X..., qui n'a ainsi pas été mise à même de chiffrer devant eux son préjudice, est recevable à demander pour la première fois en appel, dans le dernier état de ses écritures, l'octroi d'une somme de 150.000 F, en faisant état des énonciations d'un rapport d'expertise amiable qu'elle produit devant la cour ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que le tribunal administratif de Limoges a visé et analysé les moyens et les conclusions des parties ; que, par suite, ledit jugement n'est pas entaché d'irrégularité à raison d'une insuffisance de motivation ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le 16 août 1986 à 17 heures 30, alors qu'elle avait stationné son véhicule en marche arrière sur un parking public de la commune d'Issoudun, Mme X..., en reculant d'un pas en arrière au moment d'ouvrir le coffre de son véhicule, a fait une chute dans une excavation d'environ un mètre de diamètre et 80 centimètres de profondeur, disposée sur le trottoir bordant ledit parking et destinée à la pose d'un lampadaire ; qu'il résulte de l'instruction que cette excavation n'était ni protégée, ni signalée ; qu'à supposer même que la barrière mobile placée derrière celle-ci lors de l'accident venait d'être déplacée, ce dispositif était à lui seul inapproprié au risque encouru par les usagers de l'aire de stationnement ; que, pour dégager sa responsabilité, la commune d'Issoudun ne saurait ainsi soutenir à bon droit que l'ouvrage public était dans un état d'entretien normal ;
Considérant toutefois que l'excavation, bordée par un tas de déblais et par la barrière susmentionnée, était visible par un piéton attentif à ses déplacements ; que Mme X..., qui faisait face au trottoir lorsqu'elle s'est dirigée vers le coffre de son véhicule, a commis une imprudence engageant sa propre responsabilité en effectuant un mouvement de recul sans prêter attention aux obstacles qu'elle pouvait rencontrer ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge de l'intéressée la moitié des conséquences dommageables de l'accident ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges n'a pas déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime, dans la limite susindiquée ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer la nature et l'importance du préjudice corporel subi par Mme X... ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur sa demande d'indemnité ainsi que sur la demande de remboursement de prestations de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne, d'ordonner une expertise médicale ;
Sur la demande de provision :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de provision présentée par Mme X... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 30 juin 1988 est annulé.
Article 2 : La commune d'Issoudun est déclarée responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'accident dont Mme X... a été victime.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de Mme X... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne, procédé par un expert désigné par le président de la cour à une expertise médicale en vue :
a) de procéder à l'examen de Mme X... et décrire son état ;
b) de déterminer la date de consolidation des blessures qu'elle a reçues lors de l'accident du 16 août 1986 ; c) de fixer la durée de l'incapacité temporaire totale et le taux de l'incapacité permanente partielle dont reste atteinte Mme X... ;
d) évaluer l'importance des souffrances subies et éventuellement du préjudice esthétique de la victime.
Article 4 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment.
Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 6 : La demande de provision est rejetée.