Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 6 mai 1991, présentée par M. Georges X..., boucher-charcutier, demeurant au lieu-dit Le Caillaud à Isle (Haute-Vienne), qui demande que la cour :
1°) annule le jugement en date du 21 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des bénéfices agricoles réalisés en 1981, 1982 et 1983 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 1993 :
- le rapport de M. ROYANEZ, conseiller ;
- les observations de Maître SAUTEREAU, avocat de M. X... ;
- les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 69 bis repris à l'article 69-C du code général des impôts : "Les personnes qui effectuent des opérations commerciales d'importation, de vente, de commission et de courtage portant sur des animaux vivants de boucherie et de charcuterie, ainsi que celles qui effectuent des opérations commerciales d'achat portant sur des animaux de boucherie et de charcuterie, sont soumises au régime d'imposition d'après le bénéfice réel pour les profits qu'elles réalisent, à titre personnel ou comme membre d'une société ne relevant pas de l'impôt sur les sociétés, à l'occasion de l'exercice de leurs activités agricoles, quel que soit le montant des recettes tirées de ces activités." ; qu'il ressort de ces dispositions que les exploitants agricoles sont soumis à un régime réel lorsque l'activité de négoce d'animaux de boucherie est complémentaire de leur activité agricole ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., d'une part exerçait l'activité de boucher-charcutier, et d'autre part, exerçait l'activité agricole d'éleveur de chiens de race ; que l'administration ne soutient ni même n'allègue que ces deux activités sont complémentaires l'une de l'autre ; que dans ces conditions, l'activité agricole d'éleveur de chiens exercée par le contribuable n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 69-C du code général des impôts, et que, par suite, c'est à tort que l'administration a estimé qu'elle pouvait, du fait de cette activité, l'assujettir à l'impôt sur le revenu pour les années 1981 à 1983 au titre du bénéfice réel agricole ;
Considérant, cependant, que l'administration qui est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, soutient à titre subsidiaire que les sommes perçues par M. X... en qualité d'éleveur de chiens de race, initialement imposées comme bénéfices selon le régime réel d'imposition des bénéfices agricoles, doivent être imposés selon le régime du forfait ; que cette substitution ne peut toutefois priver le contribuable d'aucune des garanties prévues par la loi en matière d'imposition ;
Considérant que l'administration, qui indique le montant évalué forfaitairement des bénéfices agricoles qu'auraient procuré à M. X... ses activités agricoles n'a privé, eu égard aux modalités de détermination des bénéfices agricoles relevant du régime du forfait, le requérant d'aucune des garanties prévues par la loi en matière d'imposition ; que, dès lors, le ministre est fondé à demander que le requérant soit imposé, au titre des années litigieuses, selon le régime forfaitaire des bénéfices agricoles ;
Considérant toutefois que M. X... soutient qu'il n'exploite aucune parcelle affectée à la polyculture ; que l'administration, qui fait état de ce type de culture pour la première fois en appel dans le cadre de la substitution de bases légales n'apporte, en se bornant à soutenir, que dès lors que la propriété qu'il possède à Bosmie-l'Aiguille (Haute-Vienne) n'est affectée à aucune culture spécialisée elle relève de la polyculture, aucune précision sur la nature et la réalité de cette exploitation permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, il y a lieu de limiter la compensation demandée par le ministre aux seuls bénéfices agricoles procurés par l'élevage des chiens de race ;
Considérant, à cet égard, que pour l'année 1980, le bénéfice agricole forfaitaire réalisé par M. X..., au titre de son activité d'éleveur de chiens, a été fixé à 21.000 F, alors que le montant du bénéfice selon le régime réel d'imposition avait été évalué par le service à 13.340 F ; qu'il y a lieu dès lors de limiter le montant du bénéfice agricole forfaitaire à cette somme, que pour les deux autres années, le bénéfice agricole forfaitaire du requérant résultant de l'élevage de chiens, a été fixé à 23.310 F en 1982 et 7.400 F en 1983, au lieu de respectivement 31.342 F et 16.128 F selon le régime réel ; qu'ainsi pour ces deux dernières années le montant du bénéfice agricole à retenir pour l'évaluation de l'impôt sur le revenu doit être limité à 23.310 F et 7.400 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander que les impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre des bénéfices agricoles des années 1982 et 1983 soient ramenées respectivement à 23.310 F et 7.400 F, et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Article 1ER : Les bénéfices agricoles réalisés par M. X... au titre des années 1982 et 1983 sont ramenés à 23.310 F et 7.400 F.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre les impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre des bénéfices agricoles des années en litige et celles résultant des dispositions de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 21 février 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.