Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 1992 au greffe de la cour, présentée par M. ou Mme Jean-Claude X..., demeurant ... (Gironde) ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 mars 1992 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1985 ;
2°) de leur accorder la décharge de cette imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 1994 :
- le rapport de M. BOUSQUET, conseiller ; - les observations de Mme X... ; - et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 30 avril 1993, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Gironde a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 59.361 F, du complément d'impôt sur le revenu auquel M. et Mme X... ont été assujettis au titre de l'année 1985 ; que les conclusions de la requête de M. ou Mme X... sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que M. X... a reçu un avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble le 29 mars 1986 ; que les requérants n'établissent pas que ce contrôle ait commencé avant le 17 avril 1986, date de remise d'une demande d'information à Mme X... ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ladite vérification aurait débuté avant l'envoi d'un avis doit être rejeté ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X..., qui a été avisé le 14 juin 1986 de la vérification de la comptabilité du bar-restaurant qu'il exploitait à Gradignan (Gironde) n'établit pas que ce contrôle ait commencé avant la première intervention sur place, effectuée le 26 juin 1986 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la demande de justifications adressée à M. X... le 16 décembre 1986 comportait le détail des encaissements dont il était invité à justifier l'origine ; qu'ainsi, contrairement aux allégations des requérants, cette demande n'était pas entachée d'imprécision et répondait aux prescriptions de l'article L.16 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L.54 A du livre des procédures fiscales : "Sous réserve des dispositions des articles L.9 et L.54, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre." ; qu'en application de ces dispositions, l'administration a régulièrement pu adresser la demande de justifications concernant les revenus du foyer fiscal, les notifications de redressement et la réponse aux observations du contribuable au seul M. X..., à la maison d'arrêt de Gradignan, où il était alors incarcéré, sans libeller ces documents au nom de "Monsieur ou Madame" X... à l'adresse de leur domicile ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L.76 du livre des procédures fiscales : "Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ..." ; qu'il résulte de l'examen de la notification de redressement du 25 juin 1987, qu'en ce qui concerne la taxation d'office effectuée sur le fondement de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, ce document comporte des explications sur les raisons pour lesquelles certains encaissements ont été regardés comme dûment justifiés et d'autres ont été taxés d'office ; qu'en ce qui concerne les crédits enregistrés sur un compte à la Banque Nationale de Paris, ladite notification se réfère expressément à la liste détaillée des sommes mentionnées sur la demande de justifications du 16 décembre 1986 précédemment reçue par le contribuable ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les prescriptions de l'article L.76 précité n'ont pas été méconnues ;
Considérant, en sixième lieu, que la réponse aux observations du contribuable en date du 7 août 1987 comporte deux mentions, l'une pré-imprimée et l'autre portée de la main du vérificateur, informant le contribuable qu'il a la faculté de soumettre le différend à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que ces mentions n'étaient assorties d'aucune restriction quant à la nature des redressements faisant l'objet de ladite réponse ; qu'ainsi, quels qu'aient été les textes législatifs rappelés pour information sur le dernier feuillet de l'imprimé, ces mentions devaient être regardées comme visant aussi bien les sommes taxées d'office que les redressements de bénéfice et de taxes sur le chiffre d'affaires ; que, dès lors, à supposer même que la faculté de saisir la commission départementale en application de l'article 9.V de la loi du 8 juillet 1987 leur était déjà ouverte à cette date et que l'administration ait été tenue de les en informer, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition était irrégulière à ce titre ;
Considérant, en septième lieu, que si les requérants soutiennent, sans d'ailleurs l'établir à défaut de joindre l'avis d'imposition, que leur impôt sur le revenu de 1985 a été établi au nom de M. X... au lieu de "Monsieur ou Madame", il résulte de l'instruction que cette imposition porte sur la totalité des revenus de leur foyer ; que les erreurs ou omissions, qui pourraient entacher l'avis d'imposition, document à caractère purement informatif, sont, en tout état de cause, sans influence sur la régularité ou le bien-fondé de l'imposition contestée ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
Considérant, en premier lieu, que la somme de 226.796 F qui a été, en définitive, taxée d'office, a été déterminée sous déduction des revenus fonciers perçus par M. X... et des redressements de chiffre d'affaires qui lui ont été notifiés ; qu'ainsi, l'administration a éliminé le risque de double imposition allégué par les requérants ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. et Mme X... ont produit devant la cour une attestation d'une agence du Crédit Lyonnais, certifiant qu'ils ont vendu des titres de SICAV le 24 avril 1985 pour la somme de 122.144,06 F, ils n'apportent pas la preuve, par ce document, de l'origine du chèque de 160.000 F encaissé le 29 avril 1985 sur leur compte à la Banque Nationale de Paris ;
Considérant, en troisième lieu, que les requérants ont justifié en appel, par une attestation de la société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial, avoir retiré le 25 avril 1985 de leur compte ouvert dans cette banque une somme de 120.000 F, correspondant à la vente de titres de SICAV ; que, dès lors, ils doivent être regardés comme ayant justifié de l'origine des fonds qui leur ont permis d'effectuer le même jour un versement en espèces de 120.000 F sur leur compte ouvert à la Banque nationale de Paris ; qu'ainsi, la preuve étant apportée que ladite somme ne présente pas le caractère d'un revenu, il y a lieu de réduire à due concurrence le montant de la taxation d'office des revenus d'origine indéterminée ;
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui a exploité un bar-restaurant à Gradignan à compter du 15 avril 1985, n'a pas présenté d'inventaire détaillé des marchandises en stock à la clôture de l'exercice 1985 ; que, pour plusieurs catégories de denrées, telles que les vins, l'huile, le café, les achats comptabilisés ont été de faible importance et sans commune mesure avec les besoins de l'entreprise ; que les achats de viandes et de poissons accusaient de fortes variations d'un mois sur l'autre ; que l'exploitant n'ayant fourni aucune explication à ces incohérences et anomalies manifestes, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence d'achats dissimulés ; qu'ainsi, la comptabilité de l'entreprise ne peut être regardée comme probante ;
Considérant qu'à partir d'une évaluation de la consommation moyenne de viandes et de poissons, l'administration a estimé les achats non comptabilisés à 18 % du montant total des factures d'achat présentées ; que le chiffre d'affaires non déclaré a été évalué en appliquant aux achats dissimulés le coefficient multiplicateur 2,375 ressortant de la déclaration de résultat de l'exploitant ; que la méthode d'évaluation ainsi appliquée ne saurait être regardée comme radicalement viciée, ni même comme trop sommaire, dès lors qu'à défaut pour le requérant d'avoir produit ses inventaires, ses menus et cartes ainsi que le double des notes clients, le service ne disposait d'aucun moyen pour vérifier et évaluer avec davantage de précision les achats effectués et les recettes perçues ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à contester le redressement de bénéfice qui lui a été assigné ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'en se bornant à faire état du nombre et de l'importance des versements sur comptes bancaires, dont l'origine n'a pu être justifiée, l'administration n'établit pas la mauvaise foi des redevables, alors surtout qu'une partie de ces sommes ont été reconnues non imposables par le juge de l'impôt ; que, par suite, les intérêts de retard doivent être substitués aux majorations appliquées aux droits en principal sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ; qu'en revanche, en se fondant sur la dissimulation d'achats et l'insuffisance de déclaration de recettes, l'administration justifie, dans les circonstances de l'espèce, du bien-fondé de l'application des pénalités de mauvaise foi au complément d'imposition résultant du redressement de bénéfice ;
Article 1er : A concurrence de la somme de cinquante neuf mille trois cent soixante un francs (59.361 F), en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. et Mme X... ont été assujettis au titre de l'année 1985, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. ou Mme X....
Article 2 : le revenu imposable de M. et Mme X... au titre de l'année 1985 est réduit de la somme de cent vingt mille francs (120.000 F).
Article 3 : M. et Mme X... sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Dans la limite des pénalités assignées à M. et Mme X..., les droits supplémentaires auxquels l'intéressé reste assujetti à raison de la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée seront assortis des intérêts de retard calculés selon les dispositions des articles 1728 et 1734 du code général des impôts.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 26 mars 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. ou Mme X... est rejeté.