Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 30 avril 2009, la requête présentée pour la SELARL CABINET LADET, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est résidence Place Foch, rue du Bal à Rodez (12000), représentée par son gérant en exercice, par Me Baudouin ; la SELARL CABINET LADET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0303051 du 23 février 2009 du Tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 1996 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2010 :
- le rapport de Mme Viard, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;
Considérant que la SELARL CABINET LADET, qui a pour activité l'exercice libéral de la profession d'avocat et pour gérant et associé unique M. Ladet, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998 ; qu'elle a contesté devant le Tribunal administratif de Toulouse les redressements procédant de ce contrôle au titre de l'exercice 1996 ; que le tribunal administratif a prononcé la réduction des impositions correspondant à la réintégration dans ses bénéfices de la valeur nette comptable des travaux d'agencement et de menuiserie effectués dans les locaux qu'elle occupait ainsi que la décharge des pénalités de mauvaise foi ; que la SELARL CABINET LADET relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ; qu'elle demande également la réduction de sa base d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1996 à raison de la valeur nette comptable des travaux susmentionnés qu'elle aurait dû déduire de son résultat ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat forme pour sa part un recours incident par lequel il demande le rétablissement des pénalités de mauvaise foi ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales alors en vigueur : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, la paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ;
Considérant que l'administration a fait valoir, dans la notification de redressements du 12 août 2002, qu'elle a substituée à celle du 30 septembre 1999, que la convention de commodat conclue le 8 décembre 1995 entre la SELARL CABINET LADET et M. Ladet avait eu pour objet non de prêter à M. Ladet le droit de présentation de la clientèle mais de le lui céder afin de lui permettre d'en faire l'apport à la SCP notariale Gourceaud-Clergue dont il devenait membre ; qu'elle a ainsi requalifié le contrat de prêt en contrat de cession, lequel, à défaut de contrepartie pour la SELARL CABINET LADET, revêt le caractère d'un acte anormal de gestion ; que ce faisant, elle ne s'est pas placée sur le terrain de l'abus de droit, nonobstant la circonstance qu'elle a estimé que l'acte anormal de gestion ainsi effectué révélait l'intention du contribuable d'éluder l'impôt et justifiait l'application à son encontre des pénalités de mauvaise foi ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, que par un acte notarié en date du 8 décembre 1995, M. Ladet a fait apport du droit de présentation de la clientèle de son cabinet d'avocat, que lui avait prêté, par convention de commodat en date du même jour, la SELARL CABINET LADET, à la SCP Gourceaud-Clergue, titulaire d'un office notarial, ainsi que des biens corporels garnissant son cabinet ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de l'acte d'apport, que, contrairement à ce que soutient la SELARL CABINET LADET, la SCP notariale a acquis non seulement la jouissance des éléments apportés mais la propriété de ces éléments ; qu'il s'ensuit que la SELARL CABINET LADET en avait nécessairement cédé à M. Ladet la propriété ; que, dès lors, l'administration était fondée à requalifier la convention de commodat en acte de cession et à estimer que les biens corporels du cabinet apportés à la SCP notariale avaient également été cédés par la SELARL CABINET LADET à M. Ladet ; que la SELARL CABINET LADET ne justifie pas qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; que, par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve que la SELARL CABINET LADET, en se privant du produit résultant du transfert dans le patrimoine privé du gérant du droit de présentation de la clientèle ainsi que des biens corporels du cabinet dont elle était propriétaire, a commis un acte anormal de gestion ; que l'administration était ainsi fondée à réintégrer dans les bénéfices de la société le produit de la cession de ces biens en se référant à leur valeur indiquée dans l'acte d'apport à la SCP notariale ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) 2° Sauf s'ils sont pratiqués par une copropriété de navires, une copropriété de cheval de course ou d'étalon, les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, y compris ceux qui auraient été différés au cours d'exercices antérieurs déficitaires, sous réserve des dispositions de l'article 39 B ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts qu'une société ne peut pratiquer des amortissements sur des immobilisations qu'elle a cédées ; que, par suite, l'administration a pu légalement réintégrer dans les bénéfices de la SELARL CABINET LADET de l'année 1996 les amortissements qu'elle avait pratiqués sur les biens corporels garnissant le cabinet d'avocat cédés par M. Ladet à la SCP notariale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a déchargé la SELARL CABINET LADET des impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge à raison de la réintégration dans ses bénéfices de la valeur nette comptable des travaux d'agencement et de menuiserie effectués dans les locaux qu'elle occupait en estimant qu'elle n'avait pu céder ces travaux dès lors qu'ils étaient indissociables des locaux dont elle était locataire ; que la SELARL CABINET LADET demande en appel que les travaux d'agencement et de menuiserie effectués dans les locaux qu'elle occupait soient déduits de son résultat à hauteur de la valeur nette comptable de ces immobilisations arrêtée par l'administration au 30 décembre 1995 aux sommes respectives de 20 465 F pour l'agencement et 10 015 F pour les menuiseries ; qu'elle doit être ainsi regardée comme demandant la correction d'une erreur comptable qu'elle a commise en s'abstenant de comptabiliser cette perte dans son bilan de clôture de l'exercice 1996 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment de la déclaration de cessation et de mise en sommeil faite par la SELARL CABINET LADET le 25 juillet 1996, que celle-ci a continué son activité jusqu'au 30 avril 1996 ; que la perte alléguée, à supposer même que le bail ait pris fin à cette date, ne pouvait donc être constatée lors de l'ouverture de l'exercice 1996 ; que, par suite, le bilan de clôture de cet exercice ne peut être corrigé ; que la société requérante ne peut dès lors utilement faire état de la perte correspondant à ladite valeur ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, comme il vient d'être dit, que la SELARL CABINET LADET a cessé son activité à la date du 30 avril 1996 ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que la convention de commodat et l'acte notarié d'apport par M. Ladet à la SCP notariale Gourceaud-Clergue ont été signés le 8 décembre 1995, la cession du droit de présentation de la clientèle et des biens corporels garnissant le cabinet par la SELARL CABINET LADET au profit de M. Ladet n'a pu intervenir avant cette date ; que, par suite, l'administration était fondée à rattacher les impositions résultant de cette cession à l'année 1996 ; que, par suite, le délai de reprise institué par les dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré à la date du 30 septembre 1999 à laquelle l'administration a notifié à la SELARL CABINET LADET les redressements correspondant aux impositions en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SELARL CABINET LADET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant que, pour décharger la SELARL CABINET LADET des pénalités de mauvaise foi, le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que l'administration n'apportait pas la preuve qui lui incombe de la mauvaise foi du contribuable ; qu'en appel, par la voie du recours incident, l'administration fait valoir à juste titre que la SELARL CABINET LADET s'est volontairement appauvrie au profit de son gérant et associé unique dans le but d'éluder l'impôt résultant d'une cession soumise au régime des plus-values ; qu'elle établit ainsi la mauvaise foi de la société ; que, par suite, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est fondé, par la voie du recours incident, à demander le rétablissement des pénalités de mauvaise foi dont le Tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la SELARL CABINET LADET au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 23 février 1989 est annulé en tant qu'il a déchargé la SELARL CABINET LADET des pénalités de mauvaise foi.
Article 2 : Les pénalités de mauvaise foi afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle audit impôt mises à la charge de la SELARL CABINET LADET au titre de l'année 1996 sont rétablies.
Article 3 : Les conclusions de la requête présentée par la SELARL CABINET LADET sont rejetées.
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N° 09BX01021