Vu la requête, enregistrée le 29 août 2011, présentée pour la SCI AMF, dont le siège est 3 rue Pierre Brossolette à Mérignac (33700), par Me Visseron ;
La SCI AMF demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805710 du 16 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en date du 14 octobre 2008 du maire de Talence lui délivrant un permis de construire ;
2°) de mettre à la charge des Epoux X une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;
- les observations de Me Corbier-Labasse, avocat de la SCI AMF, celles de Me Letessier avocat de M. et Mme X et celles de Me Guedon, avocat de la commune de Talence ;
- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
1. Considérant que, par un arrêté du 14 octobre 2008, le maire de Talence a accordé à la SCI AMF un permis de construire l'autorisant à réhabiliter un bâtiment ancien et à le transformer en un immeuble collectif comprenant quatre logements ; que M. et Mme X, voisins de ce projet, ont sollicité l'annulation de cet arrêté ; que la SCI AMF relève appel du jugement n° 0805710 du 16 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté ;
2. Considérant que le mémoire de la commune de Talence du 26 janvier 2012 ayant été enregistré après l'expiration du délai d'appel, la requête de cette commune est tardive et, par suite, irrecevable ;
Sur la légalité de l'arrêté du 14 octobre 2008 :
3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R.423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...). " ; qu'aux termes de l'article R.431-5 de ce code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R.423-1 pour déposer une demande de permis " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation d'occupation du sol n'a pas à vérifier le titre donnant au pétitionnaire qualité pour la déposer ; qu'il appartient seulement au pétitionnaire, qui n'a pas à produire de documents justificatifs, d'attester lui-même avoir qualité pour présenter la demande sur la parcelle constituant le terrain d'assiette du projet ; que les articles R.431-5 et R.431-34 du même code fixent de façon limitative les pièces que comprend le dossier joint à la demande de permis de construire, au nombre desquelles ne figure pas l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires d'effectuer les travaux ;
4. Considérant que, quand bien même le bien, objet de ce permis, aurait fait partie d'une copropriété régie par la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le maire était fondé à estimer que le pétitionnaire avait qualité pour présenter une demande de permis de construire, dès lors qu'il attestait remplir les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer cette demande, sans exiger la production des autorisations auxquelles la loi subordonne le droit, pour chacun des copropriétaires, de réaliser certains travaux et, en particulier, sans vérifier si les travaux faisant l'objet de l'autorisation affectaient des parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble et nécessitaient ainsi l'assentiment de l'assemblée générale des copropriétaires ;
5. Considérant, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SCI AMF, en attestant remplir les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, ait procédé à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur et que le permis de construire ait ainsi été obtenu par fraude ; que cette décision ayant été prise sous réserve des droits des tiers, elle ne dispense pas la SCI AMF d'obtenir une autorisation en application de la loi du 10 juillet 1965 si cette autorisation est requise pour réaliser la construction projetée ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI AMF est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que ce permis avait été accordé en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;
7. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens de M. et Mme X ;
8. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal (...) " ; que l'arrêté contesté du 14 octobre 2008 a été signé par M. Jestin, adjoint au maire ; que par un arrêté n° 571/08 du 8 avril 2008 régulièrement affiché durant une période de deux mois à compter du 9 avril 2008, le maire de Talence avait confié à M. Jestin une délégation à l'effet de signer toutes les décisions intervenant en matière d'urbanisme ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire de cet arrêté manque en fait ;
9. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R.431-24 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur la construction, sur le même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par un plan de division et, lorsque des voies ou espaces communs sont prévus, le projet de constitution d'une association syndicale des acquéreurs à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l'entretien de ces voies et espaces communs à moins que l'ensemble soit soumis au statut de la copropriété ou que le demandeur justifie de la conclusion avec la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent d'une convention prévoyant le transfert dans leur domaine de la totalité des voies et espaces communs une fois les travaux achevés. " ; qu'il ressort du plan de masse et de la notice descriptive joints au dossier de demande de permis de construire, que la SCI AMF a sollicité une autorisation aux fins de réhabiliter un bâtiment ancien en créant quatre logements ; que ce projet n'emportant pas la construction de plusieurs bâtiments, le pétitionnaire n'avait pas à produire un plan de division parcellaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le dossier de demande de permis ne comporterait pas le plan de division exigé par les dispositions précitées de l'article R.431-24 du code de l'urbanisme doit être écarté ;
10. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 3.a du règlement du plan local d'urbanisme de Talence : " 2. Voies existantes : Les terrains doivent être desservis par des voies, ou des chemins en zones A et N, dont les caractéristiques techniques sont suffisantes au regard de l'importance et de la nature du projet, et permettent notamment d'assurer la circulation et l'utilisation des engins et matériels de lutte contre l'incendie conformément à la règlementation en vigueur. " ;
11. Considérant d'une part, que le règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Talence n'impose la création d'une aire de retournement que lorsque la voie de desserte du projet est une voie nouvelle ; que la parcelle d'assiette du projet étant desservie par la rue de Suzon, déjà existante, M. et Mme X ne sauraient utilement reprocher au pétitionnaire de n'avoir pas aménagé d'aire de retournement ;
12. Considérant d'autre part, qu'il ressort des plans joints au dossier de demande de permis de construire que la rue de Suzon a une largeur de 8,5 mètres au droit de l'accès menant au terrain d'assiette du projet ; que les caractéristiques de cette voie sont conformes aux exigences de l'article 3.a du règlement du plan local d'urbanisme de Talence ;
13. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3.b du règlement du plan local d'urbanisme de Talence : " Tout accès doit permettre d'assurer la sécurité de ses utilisateurs ainsi que celle des usagers des voies. / Cette sécurité est appréciée compte tenu, notamment, de la position de l'accès, de sa configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic (...) / Dans le cas d'un terrain existant desservi par une bande d'accès ou une servitude de passage inférieure à 4 m de large ou supérieure à 75 m de long, les constructions existantes peuvent faire l'objet d'une extension n'excédant pas 30 m² de SHOB (...) " ; que selon le formulaire de demande de permis de construire, ce projet consiste en la réhabilitation d'un immeuble à usage professionnel en quatre logements ; que la notice descriptive précise que l'ossature maçonnée de l'immeuble initial sera conservée et que ce projet augmentera de 9 m² la surface de cet immeuble ; que, dans ces conditions et nonobstant le changement de destination du bâtiment, ledit projet peut être regardé comme une extension au sens des dispositions précitées ; que par suite, et quand bien même la largeur de la voie d'accès est comprise entre 3,20 et 4 mètres, l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article 3.b du règlement du plan local d'urbanisme de Talence ;
14. Considérant en cinquième lieu, qu'aux termes du 14ème alinéa de l'article L.123-1 du code de l'urbanisme : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SCI AMF ait été autorisée à déroger aux règles du plan local d'urbanisme relatives à l'accès ; que par suite, M. et Mme X ne sauraient soutenir utilement que ce permis aurait été délivré en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ;
15. Considérant en sixième lieu, que les dispositions de l'article 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Talence imposent la création d'une place de stationnement par logement lorsque celui-ci est inférieur ou égal à 50 m² et 1,5 place de stationnement pour les logements dont la surface est comprise entre 50 et 100 m² ; qu'aux termes de l'article 12 de ce règlement : " B.1 : Pour le calcul du nombre de places de stationnement règlementairement exigé, il convient d'arrondir au nombre supérieur dès que la décimale est supérieure à 5. " ; qu'il est constant que le projet litigieux consiste en la création de trois appartements de deux pièces ayant une superficie inférieure à 50 m² et d'un appartement d'une surface de 57 m² ; qu'en application des règles précitées, le projet devait prévoir la création de quatre places de stationnement ; qu'il ressort du dossier de demande de permis de construire que la SCI AMF a prévu quatre emplacements de stationnement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait ;
16. Considérant en septième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux constructions, aménagements, installations et travaux faisant l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une déclaration préalable ainsi qu'aux autres utilisations du sol régies par le présent code. Toutefois : a) Les dispositions des articles R. 111-3, R. 111-5 à 111-14, R. 111-16 à R. 111-20 et R. 111-22 à R. 111-24-2 ne sont pas applicables dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) " ; que l'article R. 111-2 de ce code, ainsi applicable alors même que la commune de Talence est dotée d'un plan local d'urbanisme, dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " ; qu'il ressort des photographies et plans versés au dossier de demande de permis de construire, qu'au droit de l'accès à la parcelle d'assiette du projet projet en litige, la rue de Suzon est en ligne droite et présente une largeur de 8,50 mètres ; que compte tenu de la configuration des voies d'accès et de desserte de cette construction, les automobilistes et usagers desdites voies disposeront d'une bonne visibilité ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que tant les services techniques de la communauté urbaine de Bordeaux que le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde ont émis un avis favorable au projet ; que dans ces conditions, et compte tenu notamment de la faible importance du projet envisagé, lequel consiste en la création de quatre logements, l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI AMF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 octobre 2008 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant à l'application de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 0805710 du 16 juin 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 11BX02402