Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2012, présentée pour M. Abdullah X, demeurant ..., par Me Georges ;
M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200017 du 14 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Gironde du 1er décembre 2011 portant refus de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 1er décembre 2011 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour provisoire sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification du jugement ;
4°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer un titre de séjour ;
5°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;
- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
1. Considérant que M. Abdullah X, d'origine kurde, déclare être entré en France en mai 2002 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en juillet 2003 puis par la Commission de recours des réfugiés en avril 2004 ; que le préfet de la Gironde a pris, par arrêté du 7 décembre 2005, une mesure d'éloignement à son encontre et a fixé la Turquie comme pays de renvoi ; que cet arrêté a été annulé par la cour de céans le 17 juillet 2006 en tant qu'il fixait la Turquie comme pays de renvoi ; que M. X a sollicité, le 9 juillet 2008, un titre de séjour portant la mention vie " privée et familiale " ; que par un jugement en date du 10 février 2010, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du préfet rejetant implicitement sa demande de titre de séjour ; que M. X a, le 20 juillet 2011, présenté une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il relève appel du jugement n° 1200017 du 14 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 1er décembre 2011 refusant de l'admettre au séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi ;
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Considérant que par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 22 octobre 2012 M. X a été admis à l'aide juridictionnelle totale ; que dès lors, les conclusions de M. X tendant à ce que la cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet ;
Sur la légalité de l'arrêté du 1er décembre 2011 :
3. Considérant en premier lieu, que l'arrêté vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique que la demande d'asile présentée par M. X a été rejetée le 19 septembre 2006 et mentionne que l'intéressé n'établit pas qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Turquie ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté;
4. Considérant en deuxième lieu, que M. X soutient que l'arrêté méconnaît l'autorité de la chose jugée dans la mesure où la cour avait annulé, le 17 juillet 2006, la décision fixant le pays de renvoi en raison des risques qu'il encourrait en Turquie compte tenu de ses origines kurdes et d'une condamnation pour avoir participé au financement d'une organisation illicite ; que toutefois, à la date à laquelle le préfet de la Gironde a pris la décision en litige, M. X avait bénéficié d'un nouvel examen de sa demande d'asile au terme duquel, par une décision du 19 septembre 2006, la Commission de recours des réfugiés avait refusé de lui reconnaître le statut de réfugié politique en mettant notamment en doute l'authenticité des documents présentés ; que cet élément constituant une circonstance de droit nouvelle, M. X ne saurait se prévaloir d'une méconnaissance, par l'arrêté, de l'autorité de la chose jugée par la cour en 2006 ;
5. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ; qu'enfin, selon l'article R. 313-21 de ce code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;
6. Considérant que si M. X soutient qu'il a, depuis neuf ans le centre de ses attaches personnelles et familiales en France, il ne produit toutefois, à l'appui de cette allégation, aucun document probant de nature à établir l'intensité des liens qu'il aurait noués sur le territoire national ; qu'en outre, il est constant que M. X ne serait pas isolé en cas de retour en Turquie où résident son épouse et ses enfants ; que dès lors, et nonobstant la circonstance que l'intéressé séjournait en France depuis neuf ans à la date de l'arrêté, le préfet de la Gironde n'a pas, en refusant l'admission au séjour de l'intéressé et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par ces décisions ; qu'il n'a ainsi méconnu ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. X ;
7. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.311-7." ;
8. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable ; qu'un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; que M. X n'établit pas la réalité des risques qu'il encourrait en cas de retour en Turquie où séjournent son épouse et ses enfants ; qu'ainsi, l'intéressé qui, à l'appui de ce moyen, se prévaut principalement d'une promesse d'embauche, ne justifie pas de motifs exceptionnels qui lui permettraient de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite il n'est pas fondé à soutenir que la décision méconnaît ces dispositions ;
9. Considérant en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'à l'appui de ce moyen, M. X se borne à indiquer qu'en raison de ses origines kurdes, il encourrait des risques de persécutions en Turquie ; que toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a été rejetée le 19 septembre 2006 par la Commission de recours des réfugiés, ne produit aucun élément nouveau de nature à établir la réalité et la gravité des menaces auxquelles il serait personnellement exposé en Turquie ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à ce que la cour enjoigne au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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No 12BX00936