La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2013 | FRANCE | N°12BX00662

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 07 mars 2013, 12BX00662


Vu la décision n° 341409 en date du 7 mars 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt n° 09BX01075 du 11 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant la requête de la SA Poujoulat tendant à l'annulation du jugement n°s 0701029, 0701161 du 11 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions des 11 et 26 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement autorisant la SA Poujoulat à licencier M. A...et d'autre part, a renvoyé l'affaire à la cour ;

Vu la

requête enregistrée au greffe de la cour le 11 mai 2009, présentée...

Vu la décision n° 341409 en date du 7 mars 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt n° 09BX01075 du 11 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant la requête de la SA Poujoulat tendant à l'annulation du jugement n°s 0701029, 0701161 du 11 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions des 11 et 26 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement autorisant la SA Poujoulat à licencier M. A...et d'autre part, a renvoyé l'affaire à la cour ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 11 mai 2009, présentée pour la SA Poujoulat, dont le siège est BP 01 à Saint-Symphorien (79270), par Me Lachaume, avocat ;

La SA Poujoulat demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° s 0701029, 0701161 du 11 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande de M. B...A..., les décisions en date des 11 et 26 avril 2007 par lesquelles le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement l'avait autorisée à licencier ce dernier ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de condamner M. A...à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2013 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Leeman, avocat de la société Poujoulat et celles de Me de la Coste, avocat de M. A...;

1. Considérant que M. B...A...a été engagé par la société Poujoulat le 28 juin 1993, en qualité de vendeur représentant placier (ci-après VRP) ; que le 29 août 2005, il a été désigné délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise ; qu'il a été élu membre du comité d'entreprise en novembre 2006 et était également depuis cette date représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que suite à une altercation l'ayant opposé au représentant d'une société cliente de la SA Poujoulat au cours d'une réunion tenue le 4 juillet 2006, cette dernière a sollicité, le 28 juillet 2006, auprès de l'inspecteur du travail, l'autorisation de le licencier ; que cette autorisation lui a été refusée le 21 septembre 2006 ; que le 4 octobre, la société Poujoulat a présenté un recours gracieux contre cette décision, complété le 2 novembre 2006 ; qu'elle a également formé, le 10 novembre 2006, un recours hiérarchique ; que le 11 avril 2007, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement l'a autorisée à licencier M. A...; que le 26 avril 2007, le ministre a substitué une décision ayant le même objet à la décision du 11 avril 2007 qui ne s'était pas prononcée sur l'existence d'un lien entre la mesure de licenciement prise à l'encontre de M. A...et les fonctions de représentant du personnel qu'il exerçait ; que la SA Poujoulat a prononcé le licenciement de M. A... le 2 mai 2007 ; que par un jugement n°s 0701029, 0701161 du 11 mars 2009, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions ministérielles des 11 et 26 avril 2007 ; que par un arrêt n° 09BX01075 du 11 mai 2010, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la SA Poujoulat ; que par une décision n° 341409 du 7 mars 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a d'une part, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux au motif qu'elle avait inexactement qualifié les faits de l'espèce en retenant que les griefs n'étaient pas de nature à justifier un licenciement, et d'autre part, renvoyé cette affaire à la cour ;

2. Considérant que pour annuler les décisions des 11 et 26 avril 2007 par lesquelles le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé le refus de l'inspecteur du travail et accordé à la société Poujoulat l'autorisation de licencier M.A..., le tribunal administratif de Poitiers a retenu que les griefs reprochés à l'intéressé n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué syndical, de membre du comité d'entreprise et représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec leurs fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exercice des fonctions dont il est investi ;

4. Considérant que si le tribunal a estimé que la société avait abandonné le grief tiré de la tenue vestimentaire du salarié dans son recours hiérarchique, il ressort cependant de la lettre adressée au ministre le 10 novembre 2006 que la société avait rappelé les trois motifs avancés lors de la saisine de l'inspecteur du travail, et critiqué en particulier les motifs de refus opposés par ce dernier ; que ce faisant, et alors qu'elle concluait en soulignant que les faits étaient établis, elle n'a pas abandonné expressément, ni même implicitement, son grief tiré de la tenue vestimentaire négligée de M. A...lors d'une réunion tenue le 4 juillet 2006 ; que toutefois, il n'est pas contesté que la période de canicule pouvait expliquer un polo et des chaussures ouvertes, et que la réunion se tenait avec des interlocuteurs connus de longue date ; que si la tenue du salarié n'en était pas moins inappropriée, ce grief ne pouvait à lui seul justifier un licenciement ;

5. Mais considérant qu'il est également reproché au salarié d'avoir dénigré le service " commandes " de l'entreprise devant un client et d'avoir insulté celui-ci ; que le premier grief n'est pas établi, ainsi que l'a relevé le ministre ; que pour examiner le second et apprécier si le comportement injurieux reproché à un salarié protégé est d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, il convient de prendre en compte, notamment, l'ancienneté de ce dernier, les fonctions qu'il occupait, l'existence éventuelle de reproches antérieurs de la part de l'employeur, mais aussi les circonstances dans lesquelles est intervenue l'altercation à l'origine de la procédure de licenciement ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de la réunion de travail précitée du 4 juillet 2006, M. A...a injurié de façon grossière un client de l'entreprise qui l'employait ; que si M. A...soutient qu'il se serait borné à répondre aux attaques dont il faisait l'objet de la part de celui-ci, cette affirmation est contredite par les témoignages concordants produits par la société Poujoulat et par la lettre du 11 juillet 2006 rédigée par la personne victime de ces injures ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que depuis le mois de janvier 2004, M. A...avait reçu de nombreux courriers lui reprochant son comportement désinvolte, l'absence de suivi des projets, le fait qu'il ne rédigeait pas régulièrement de compte rendus d'activité et l'ajout de fausses déclarations sur le planning ; qu'à plusieurs reprises également, des clients de la société Poujoulat s'étaient plaints de l'attitude de M.A..., même si d'autres ont témoigné en sa faveur ; que compte tenu des fonctions de vendeur représentant placier exercées par ce dernier, lesquelles impliquent des exigences particulières dans la qualité de la relation avec la clientèle de l'entreprise qui l'emploie, et alors même que son comportement n'a pas engendré de préjudice commercial à son employeur, les insultes proférées par M .A... à l'encontre d'un client de cette société présentaient, dans les circonstances de l'espèce, un caractère de gravité suffisante de nature à justifier son licenciement ; que par suite la société Poujoulat est fondée à soutenir que c'est à tort que pour annuler l'autorisation de licenciement du ministre, le tribunal a retenu qu'elles ne présentaient pas un tel caractère ;

7. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A...à l'encontre des décisions litigieuses ;

S'agissant de la décision du 26 avril 2007 :

8. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 436-7 du code du travail alors en vigueur : " L'inspecteur du travail et, le cas échéant, le ministre compétent examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par l'intéressé. " ;

9. Considérant que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a estimé, dans cette décision, qu'un " lien entre l'exercice de ses mandats par M. A...et la demande de licenciement n'est pas établi " ; que ce faisant, et dès lors qu'aucun élément du dossier ne pouvait lui laisser présager le contraire, l'inspecteur du travail ayant lui-même exclu un rapport entre cette sanction et le mandat de représentant du personnel dont M. A...était investi, le ministre, qui n'était pas tenu d'auditionner le salarié, a suffisamment motivé cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des exigences énoncées par les dispositions précitées de l'article R. 436-7 du code du travail manque en fait ;

10. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur, devenu notamment l'article L. 2421-3 : " Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical prévu à l'article L. 433-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. " ; qu'il en va de même en vertu de l'article L. 236-11 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, du licenciement envisagé par l'employeur d'un salarié représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'aux termes de l'article L. 122-14 du même code alors en vigueur : " L'employeur ou son représentant qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation (...). " ; qu'enfin, selon l'article R.436-1 de ce code : " L'entretien prévu à l'article L. 122-14 précède la consultation du comité d'entreprise effectuée en application soit de l'article L. 425-1, soit de l'article L. 436-1, ou, à défaut de comité d'entreprise, la présentation à l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement. " ;

11. Considérant que si ces dispositions imposent que la réunion du comité d'entreprise appelé à se prononcer sur le projet de licenciement d'un salarié protégé ait lieu après l'entretien préalable prévu à l'article L. 122-14 du code du travail, elles n'interdisent pas à peine d'irrégularité de la procédure que la convocation des membres de ce comité d'entreprise leur soit adressée antérieurement à cet entretien ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a été convoqué à un entretien préalable par une lettre du 12 juillet 2006 ; que cet entretien s'est tenu le 24 juillet suivant ; que le même jour a été convoqué le comité d'entreprise de la SA Poujoulat lequel s'est prononcé, sur la question du licenciement de M.A..., dans le cadre d'une réunion extraordinaire qui s'est déroulée le 27 juillet 2006 ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie par la SA Poujoulat n'aurait pas respecté les exigences énoncées par les dispositions précitées du code du travail ;

12. Considérant enfin que M. A...n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments de nature à permettre de regarder son licenciement comme en lien avec les mandats qu'il exerçait ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Poujoulat est fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 26 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement l'autorisant à licencier M. A...;

S'agissant de la décision du 11 avril 2007 :

14. Considérant que la décision du 26 avril 2007, dont la légalité vient d'être reconnue, a retiré celle du 11 avril 2007 au motif qu'elle avait omis de se prononcer sur le lien éventuel entre cette mesure de licenciement et les fonctions dont M. A...était investi ; que par suite il n'y a pas lieu de statuer sur la légalité de cette décision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des demandes des parties au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 0701029, 0701161 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement autorisant la SA Poujoulat à le licencier est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 11 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement autorisant la SA Poujoulat à licencier M.A....

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par les parties est rejeté.

''

''

''

''

2

No 12BX00662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX00662
Date de la décision : 07/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Procédure préalable à l'autorisation administrative.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : LACHAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-03-07;12bx00662 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award