Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2012, présentée pour la société Travaux Aquitains, dont le siège est avenue du Phare BP 222 à Mérignac (33700), représentée par son président directeur général en exercice, par le cabinet Rivière et Fagniez, avocats ;
La SAS Travaux Aquitains demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1003545 du 24 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Jean-d'Illac à l'indemniser à hauteur de 503 000 euros du préjudice résultant d'une faute dans l'instruction de la demande de permis de construire délivré à la SCI Aupa par arrêté du 27 juin 2006 ;
2°) de condamner la commune de Saint-Jean-d'Illac à lui verser une somme de 503 000 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-d'Illac une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2013 :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
- les observations de Me Guérin, avocat de la SAS Travaux Aquitains et de la compagnie Axa France Assurance et celles de Me Pagnoux, avocat de la commune de Saint-Jean-d'Illac ;
1. Considérant que par arrêté du 27 juin 2006, le maire de Saint-Jean-d'Illac a délivré à la SCI Aupa un permis de construire un immeuble à usage de bureaux et de stockage sur un terrain situé dans le lotissement Labory Baudan ; que par un marché de travaux conclu le 27 juillet 2006, la SCI Aupa a confié à la SAS Travaux Aquitains la réalisation de ce projet en lui déléguant en outre une mission de maîtrise d'oeuvre, l'établissement des plans d'exécution et des notes de calcul ainsi que le suivi des travaux de cette construction ; qu'un certificat de non-conformité a été émis par la commune de Saint-Jean-d'Illac le 2 mars 2007 au motif que la construction ne respectait pas la cote de seuil du permis de construire ; que la SCI Aupa a alors assigné la SAS Travaux Aquitains devant le tribunal de grande instance de Bordeaux ; que le 22 juin 2010, cette juridiction a condamné la SAS Travaux Aquitains, au vu d'un rapport d'expertise, à verser la somme de 500 000 euros à la SCI Aupa en raison de l'erreur d'implantation altimétrique de cet immeuble et la somme 3 000 euros au titre des frais de l'instance ; que par un courrier du 21 juillet 2010, la SAS Travaux Aquitains a demandé à la commune de Saint-Jean-d'Illac de lui rembourser cette somme en lui reprochant d'avoir commis une faute dans l'instruction du permis de construire délivré à la SCI Aupa ; que le maire a rejeté cette demande par décision du 8 septembre 2010 ; que par un arrêt du 25 avril 2013, la Cour d'appel de Bordeaux a reconnu la SAS Travaux Aquitains responsable du défaut d'implantation altimétrique du bâtiment et l'a condamnée solidairement avec la compagnie Axa France Assurance à verser à la société Aupa, maître d'ouvrage une somme de 800 000 euros, sur le fondement de la garantie décennale, en réparation du coût de la démolition et reconstruction de l'immeuble, regardée comme seule de nature à mettre un terme à son impropriété à sa destination, et une somme de 2 500 euros au titre des frais de l'instance ; que la SAS Travaux Aquitains relève appel du jugement n° 1003545 du 24 mai 2012 du tribunal administratif de Bordeaux en demandant, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de la commune de Saint-Jean-d'Illac à lui verser la somme de 7 082,17 euros restée à sa charge au titre de la franchise ; que la compagnie Axa Assurance France demande la condamnation de la commune à lui verser la somme de 798 534,65 euros correspondant au montant qu'elle a réglé à la SCI Aupa suite à la condamnation prononcée par la cour d'appel de Bordeaux ;
Sur la recevabilité :
2. Considérant en premier lieu, que la commune de Saint-Jean-d'Illac soutient que la requête de la SAS Travaux Aquitains est irrecevable à défaut d'avoir été accompagnée du jugement attaqué comme le prescrit l'article R.421-1 du code de justice administrative ;
3. Considérant que s'il est constant que la requête présentée par la SAS Travaux Aquitains n'était pas accompagnée d'une copie du jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse le 24 mai 2012, alors que la notification de ce jugement mentionnait cette obligation, le dossier de première instance demandé par le greffe de la cour incluait une copie du jugement attaqué, au demeurant joint à deux reprises par la requérante à ses productions d'appel ; que, dans ces conditions, la fin de non recevoir tirée de l'absence de production dudit jugement ne saurait être accueillie ;
4. Considérant en deuxième lieu, que la circonstance que la SAS Travaux Aquitains n'ait pas contesté par la voie du recours pour excès de pouvoir la légalité du permis ne fait pas obstacle, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, à ce qu'elle invoque l'illégalité fautive de cet acte à l'appui de conclusions à fin de dommages intérêts ;
5. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. " ;
6. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, le versement par l'assureur de l'indemnité à laquelle il est tenu en vertu du contrat d'assurance le liant à son assuré le subroge, dès cet instant et à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de son assuré contre le tiers responsable du dommage ; que, par suite, l'assureur a seul qualité pour agir et obtenir, s'il l'estime opportun, la réparation du préjudice qu'il a indemnisé ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société Axa France Assurance, venant aux droits de la SAS Travaux Aquitains, a versé à la SCI Aupa, les 18 juin et 19 août 2013, les sommes de 797 734,65 euros et 800 euros que son assurée, la SAS Travaux Aquitains, a été condamnée à lui régler par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 25 avril 2013 ; que la société Axa France Assurance s'est, en application des dispositions précitées du code des assurances, trouvée subrogée dans les droits et actions de la SAS Travaux Aquitains ; qu'ainsi, les conclusions de cette société tendant à ce que la commune de Saint-Jean-d'Illac soit condamnée à lui rembourser la somme versée par elle à la SCI Aupa en sa qualité d'assureur de la SA Travaux Aquitains revêtent le caractère d'une action subrogatoire et doivent, par suite, être regardées comme s'étant substituées à celles, de même objet, de la SAS Travaux Aquitains à hauteur de 798 534,65 euros et sont recevables alors même qu'elles sont présentées pour la première fois en appel ;
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne le principe de responsabilité :
7. Considérant que la SAS Travaux Aquitains reproche au tribunal administratif d'avoir estimé, pour rejeter ses conclusions indemnitaires, que l'implantation de l'immeuble impropre à sa destination était uniquement imputable à un défaut de vérification des cotes et non à la délivrance, par le maire de Saint-Jean-d'Illac, d'un permis de construire puis d'un refus de certificat de conformité illégaux ;
8. Considérant en premier lieu, que le document intitulé " additif au règlement du lotissement ", en vigueur à la date de la délivrance du permis de construire à la SCI Aupa, précisait que " la cote de seuil des constructions sera à + 0,30 m par rapport à la voirie au droit du lot " ; que si, comme l'a relevé l'expert dans son rapport remis en juillet 2008 au tribunal de grande instance de Bordeaux, le dossier de demande de permis de construire comportait des plans peu précis quant à l'implantation altimétrique de la construction projetée, la coupe AA sur terrain, intégrée au volet paysager, mentionnait clairement une cote altimétrique de " -0,10 " au niveau de la chaussée alors que le règlement du lotissement imposait une cote de 30 centimètres ; que dans ces conditions, en délivrant le permis de construire du 27 juin 2006, lequel est réputé approuver les plans de la demande, sans avoir, ni vérifié la légalité du projet envisagé, ni assorti ce permis d'une prescription tendant à assurer le respect de cette cote altimétrique de 30 centimètres, le maire de Saint-Jean-d'Illac a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que de plus, comme l'a relevé l'expert judiciaire dans son rapport du 1er juillet 2008, il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux effectués par la SAS Travaux Aquitains seraient différents de ceux que le permis de construire avait autorisés ; que, dans ces conditions, la circonstance que ce projet méconnaissait le règlement additif du lotissement n'était pas au nombre des motifs qui pouvaient légalement fonder un refus de certificat de conformité au regard des prescriptions de l'article R. 460-3 du code de l'urbanisme ; qu'en refusant de délivrer à la SCI Aupa un certificat de conformité, le maire a également commis une erreur de droit ;
9. Considérant en deuxième lieu, que pour s'exonérer de sa responsabilité, le maire de Saint-Jean-d'Illac soutient d'une part, que la délivrance illégale du permis de construire serait imputable à l'Etat dans la mesure où en vertu de la convention conclue le 10 juin 1985, la direction départementale de l'équipement était responsable de l'instruction des demandes de permis de construire, et d'autre part, que le préjudice allégué résulterait exclusivement de la faute commise par la société requérante dans le cadre de ses relations contractuelles avec la SCI Aupa dans la mesure où elle s'est abstenue de vérifier les cotes altimétriques de la construction projetée ;
10. Considérant d'une part, que la commune, qui reste responsable de la délivrance des autorisations d'urbanisme délivrées en son nom et n'a d'ailleurs pas sollicité la garantie de l'Etat, ne peut utilement se borner à soutenir que les conclusions de la SAS Travaux Aquitains auraient dû être dirigées contre l'Etat ;
11. Considérant d'autre part, que la détermination de la responsabilité et l'étendue de la réparation qui peuvent résulter des fautes commises par la commune ne dépendent ni de l'appréciation qui a été faite par l'autorité judiciaire de la responsabilité de la société requérante à l'égard de la SCI Aupa, ni de l'évaluation qu'elle a faite du préjudice subi par celle-ci ; qu'il appartient au juge administratif de rechercher, d'après l'instruction, si et dans quelle mesure la condamnation dont cette société a été l'objet est en lien direct avec la faute commise par le maire en délivrant le permis de construire du 27 juin 2006 ;
12. Considérant que par le marché conclu avec la SCI Aupa le 27 juillet 2006, la SAS Travaux Aquitains s'est vu confier une mission de maîtrise d'oeuvre, l'établissement des plans d'exécution et des notes de calcul ainsi que le suivi des travaux de la construction projetée ; que cette société devait ainsi veiller, comme le lui prescrivait l'article 3 de ce contrat, à ce que les travaux soient exécutés dans le respect des règles de l'art et suivant les normes en vigueur, comprenant donc le règlement du lotissement ; qu'ainsi, la mission de cette société dépassait celle d'un simple exécutant ; que comme l'a relevé l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Bordeaux, la SAS Travaux Aquitains devait d'une part, établir des documents d'exécution faisant apparaître la cote de seuil des bâtiments dans la mesure où les plans du dossier de permis de construire étaient, sur cet aspect, particulièrement imprécis, et d'autre part, respecter les prescriptions du règlement du lotissement et de son additif, dont elle ne peut sérieusement soutenir ignorer l'existence, alors que le règlement du lotissement est visé dans l'arrêté de permis de construire ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la commune de Saint-Jean-d'Illac, en délivrant un permis de construire illégal à la SCI Aupa, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, le préjudice né, pour la SAS Travaux Aquitains, de la condamnation prononcée par la cour d'appel de Bordeaux résulte du fait que cette société n'a pas vérifié la conformité de la construction aux règles du lotissement alors que les plans du permis de construire étaient imprécis sur ce point et que l'arrêté portant permis de construire visait le règlement du lotissement ; qu'ainsi, le préjudice dont se prévaut la SAS Travaux Aquitains trouve son origine dans l'appréciation portée par l'autorité judiciaire sur l'impropriété à destination de l'ouvrage, sur la méconnaissance par cette société des missions qui lui avaient été confiées au titre de la maîtrise d'oeuvre, lesquelles incluaient l'établissement des plans d'exécution et le suivi des travaux, et enfin, sur le calcul de l'indemnité due au titre de la garantie décennale ; que, par suite, la SAS Travaux Aquitains n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a dénié le lien de causalité entre le préjudice causé par cette condamnation et l'illégalité du permis de construire et du refus de certificat de conformité ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède d'une part, que la SAS Travaux Aquitains n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande indemnitaire et d'autre part, que les conclusions présentées par la société Axa France Assurance doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur ce fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Travaux Aquitains est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Axa France Assurance sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Jean-d'Illac au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 12BX01803