Vu la décision n° 352826 en date du 23 décembre 2011, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a d'une part, annulé l'arrêt n° 10BX02284 du 18 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la demande du directeur de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFHLOR) tendant à l'annulation du jugement n° 0600763 du 29 juin 2010 du tribunal administratif de Bordeaux annulant le titre exécutoire d'un montant de 1 222,53 euros émis le 13 décembre 2005 à l'encontre de la société Vertfeuille et, d'autre part, renvoyé l'affaire à la cour ;
Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2010, présentée pour l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) venant aux droits de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (VINIFLHOR) venant lui-même aux droits de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR), dont le siège est au 12 rue Henri Rol-Tanguy à Montreuil-sous-Bois Cedex (93555), par Me Pigassou, avocat ;
L'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600763 du 29 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre de recettes émis le 13 décembre 2005 à l'encontre de la société Vertfeuille, pour un montant de 1 222,53 euros ;
2°) de rejeter la demande de la société Vertfeuille tendant à l'annulation de ce titre ;
3°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de deux questions préjudicielles ;
4°) de condamner la société Vertfeuille à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section " garantie ", et abrogeant la directive 77/435/CEE ;
Vu le règlement (CE Euratom) du Conseil n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers de la Communauté ;
Vu le règlement (CE) du Conseil n° 2200/96 du 28 octobre 1996 relatif aux programmes opérationnels, aux fonds opérationnels et à l'aide financière communautaire des organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes ;
Vu le règlement (CE) de la Commission n° 411/97 du 3 mars 1997 portant modalités d'application du règlement (CE) du Conseil n° 2200/96 en ce qui concerne les programmes opérationnels, les fonds opérationnels et l'aide financière communautaire ;
Vu le règlement (CE) n° 1474/97 de la Commission des Communautés européennes du 28 juillet 1997 ;
Vu l'ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 relative à la création de l'Agence de services et de paiement et de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;
Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 13 juin 2013, FranceAgriMer, rendu dans les affaires C-671/11 à C-676/11 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2014 :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;
- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle réalisé en septembre 2002 par l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) sur le fondement du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section garantie, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR) a émis le 13 décembre 2005 à l'encontre de la société Vertfeuille, organisation de producteurs de fruits, un titre de recettes d'un montant de 1 222,53 euros correspondant au reversement d'indemnités communautaires au retrait du marché de pommes, perçues au titre de la campagne 1999/2000 ; que, par un jugement n° 0600763 du 29 juin 2010, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ce titre de recettes ; que par un arrêt n° 10BX02284 du 18 juillet 2011, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel interjeté par FranceAgriMer, venu aux droits de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (VINIFLHOR), lui-même venu aux droits de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture ; que par une décision n° 352826 en date du 23 décembre 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a d'une part annulé cet arrêt au motif que la cour avait méconnu le paragraphe 4 de l'article 2 du règlement n°4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989, et d'autre part, lui a renvoyé l'affaire ;
Sur la légalité du titre exécutoire :
2. Considérant que FranceAgriMer reproche au tribunal administratif d'avoir estimé que la période contrôlée par l'ACOFA était prescrite et que le contrôle de cette agence ne pouvait porter sur une période s'achevant avant la période de douze mois précédant celle au cours de laquelle les opérations dudit contrôle ont été engagées ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le FEOGA, section garantie, dans sa rédaction issue du règlement (CE) n° 3094/94 du Conseil du 12 décembre 1994 : " 1. Les États membres procèdent à des contrôles des documents commerciaux des entreprises en tenant compte du caractère des opérations à contrôler. Les États membres veillent à ce que le choix des entreprises à contrôler permette d'assurer au mieux l'efficacité des mesures de prévention et de détection des irrégularités dans le cadre du système de financement du FEOGA, section "garantie ". La sélection tient notamment compte de l'importance financière des entreprises dans ce domaine et d'autres facteurs de risque. (...) 3. Dans les cas appropriés, les contrôles prévus au paragraphe 1 sont étendus aux personnes physiques ou morales auxquelles les entreprises sont associées, au sens de l'article 1er, ainsi qu'à toute autre personne physique ou morale susceptible de présenter un intérêt dans la poursuite des objectifs énoncés à l'article 3. / 4. La période de contrôle se situe entre le 1er juillet et le 30 juin de l'année suivante. Le contrôle porte sur une période d'au moins douze mois s'achevant au cours de la période de contrôle précédente ; il peut être étendu pour une période, à déterminer par l'État membre, qui précède cette année calendaire ainsi que sur la période se situant entre le 1er janvier de l'année où la période de contrôle a commencé et la date du contrôle effectif d'une entreprise." ; qu'aux termes de l'article 4 de ce règlement : " Les entreprises conservent les documents commerciaux visés à l'article 1er paragraphe 2 et à l'article 3 pendant au moins trois années, à compter de la fin de l'année de leur établissement. / Les Etats membres peuvent prévoir une période plus longue pour la conservation de ces documents. " ; qu'en vertu de l'article 3 du règlement n° 2988/95 du conseil du 18 décembre 1995 : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans. / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme (...) " ;
4. Considérant en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du règlement n° 4045/89 que chaque Etat membre doit procéder à des contrôles a posteriori des documents commerciaux des entreprises, afin de vérifier la réalité et la régularité des opérations faisant directement ou indirectement partie du système de financement par le FEOGA, section "garantie" ; que l'administration peut, sur le fondement de ces seules dispositions, faire porter son contrôle sur les documents commerciaux d'une période plus étendue que la période minimale définie par le paragraphe 4 de l'article 2 de ce règlement ;
5. Considérant en deuxième lieu, que par une décision rendue le 13 juin 2013, sous les n° C-671/11 à C-676/11, la Cour de justice de l'Union européenne, qui avait été saisie par le Conseil d'Etat d'une question préjudicielle en interprétation le 28 novembre 2012, sur le fondement de l'article 267 du Traité sur l'Union européenne, a indiqué que le paragraphe 4, second alinéa, du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section "garantie ", " se borne à établir des règles organisationnelles dans le but de garantir l'efficacité des contrôles et se limite à gouverner les relations entre les Etats membres et l'Union " et en a conclu qu'il devait être interprété de la manière suivante : " en cas d'usage par un État membre de la faculté d'extension de la période contrôlée, ladite période ne doit pas nécessairement s'achever au cours de la période de contrôle précédente, mais peut également s'achever après cette période. Ladite disposition doit toutefois également être interprétée en ce sens qu'elle ne confère pas aux opérateurs un droit leur permettant de s'opposer à des contrôles autres ou plus étendus que ceux visés à celle-ci. Il s'ensuit que le fait qu'un contrôle porte uniquement sur une période s'achevant avant le début de la période de contrôle précédente n'est pas, à lui seul, de nature à rendre ce contrôle irrégulier à l'égard des opérateurs contrôlés. " ; que la Cour de justice de l'Union européenne a également précisé, au point 31 de cette décision, que le délai de prescription des poursuites fixé à l'article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, lequel est de quatre ans à partir de la réalisation de la violation d'une disposition du droit de l'Union résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget de l'Union, s'applique aux opérations relevant du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ;
6. Considérant d'une part, que le contrôle de la société Vertfeuille effectué en septembre 2002 portait sur son programme opérationnel s'achevant au 31 décembre 2000 ; qu'en application de l'article 3 précité du règlement n° 2988/95 du conseil du 18 décembre 1995, les poursuites n'étaient dès lors pas prescrites lorsque ce contrôle a été diligenté par l'ACOFA ;
7. Considérant d'autre part, qu'il résulte du principe posé par la Cour de justice de l'Union européenne selon lequel le fait qu'un contrôle porte uniquement sur une période s'achevant avant le début de la période de contrôle précédente n'est pas, à lui seul, de nature à rendre ce contrôle irrégulier à l'égard des opérateurs contrôlés, que la société Vertfeuille ne pouvait utilement se prévaloir de la seule circonstance que le contrôle réalisé par l'ACOFA en septembre 2002 portait sur des sommes perçues par la société au titre de la période de juin 1999 à décembre 2000 pour soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularité ; qu'il s'ensuit que FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé, pour annuler le titre exécutoire en litige, sur le motif que le contrôle ne pouvait, en l'absence de dispositions réglementaires nationales postérieures au règlement communautaire, porter sur une période antérieure à la période précédant immédiatement celle du contrôle ; qu'il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par société Vertfeuille à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de ce titre de recettes ;
8. Considérant que la société Vertfeuille soutient que le titre exécutoire émis à son encontre est insuffisamment motivé dans la mesure où il n'est pas possible de comprendre certaines des données chiffrées sur lesquelles s'est fondé l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture pour mettre à sa charge le versement de la somme de 1 222,53 euros ;
9. Considérant qu'en vertu de l'article 24 du règlement n° 2200/96 du conseil, est appliquée une réfaction de 10% du montant de l'indemnité communautaire de retrait lorsque les fruits retirés proviennent d'exploitants indépendants qui ne sont affiliés à aucune structure collective ; que l'ACOFA reproche à la société Vertfeuille de n'avoir pas mis en place un système d'identification des fruits mis au retrait, ce qui la plaçait ainsi dans l'impossibilité de distinguer la quantité de pommes retirées provenant des adhérents de celle issue de producteurs indépendants ;
10. Considérant que si par une lettre du 20 décembre 2005 jointe au titre exécutoire litigieux, le directeur de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture a indiqué les principaux éléments du calcul du reversement demandé à la société Vertfeuille, ni cette lettre, ni le rapport de l'ACOFA notifié antérieurement à la société requérante, ne permettent de comprendre l'ensemble des données chiffrées à partir desquelles a été déterminé le montant du titre de recettes, alors pourtant que la société Vertfeuille avait fait part, dans une lettre du 17 novembre 2004, de son incompréhension sur le tonnage mentionné dans les conclusions de l'office ; qu'en effet, si le chiffre retenu concernant les pommes de variété " Gala " correspond au volume total des pommes de cette variété que la société Vertfeuille a déclaré avoir retiré dans sa lettre du 17 novembre 2004, le volume retenu concernant les pommes de variété " Granny Smith " ne correspond cependant à aucun élément chiffré identifiable ; que selon la lettre du directeur de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, le chiffre de 94 133 kilogrammes correspondrait à la quantité de pommes " Granny Smith " qui aurait été apportée par des producteurs tiers au centre de retrait Pentygrade et qui aurait pu faire l'objet d'un retrait ; que toutefois, ce volume de pommes Granny retirées ne peut être déterminé au regard des éléments chiffrés du dossier ; qu'en effet, selon la lettre de la société Vertfeuille, le centre de retrait de Pentygrade aurait acheté 261 278 kilogrammes de pommes gala et granny confondues à des non-adhérents ; qu'en soustrayant à ce poids celui correspondant aux pommes gala, à savoir 28 860 kilogrammes, il en résulte que la SARL Pentygrade aurait acheté 223 418 kilogrammes de pommes granny à des non-adhérents ; que les retraits de pommes granny correspondant à 287 430 kilogrammes, à supposer même que la totalité des pommes granny des non-adhérents aurait fait l'objet d'un retrait, le chiffre de 94 133 kilogrammes correspondant selon l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture à la production de granny des non-adhérents susceptible d'avoir été retirée reste inexpliqué ; que le titre en litige, qui retient un volume de 94 133 kilogrammes, ne permet donc pas de comprendre le montant que la société Vertfeuille a été condamnée à reverser ; qu'ainsi, cette société est fondée à soutenir que le titre de recettes en litige est entaché d'une insuffisance de motivation et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que FranceAgriMer n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le titre exécutoire d'un montant de 1 222,53 euros émis le 13 décembre 2005 à l'encontre de la société Vertfeuille ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Vertfeuille quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par FranceAgriMer et non compris dans les dépens ;
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 1 500 euros à verser à la SCP Pimouguet et Leuret, liquidateur judiciaire de la société Vertfeuille, en application de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de FranceAgriMer est rejetée.
Article 2 : FranceAgriMer versera la somme de 1 500 euros à la SCP Pimouguet et Leuret, liquidateur judiciaire de la société Vertfeuille au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
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No 12BX00590