La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2015 | FRANCE | N°13BX02808

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 05 mars 2015, 13BX02808


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 octobre 2013, présentée pour la Sarl Foncière de la Plaine dont le siège social est 7 rue Saint-Louis BP 159 à Saint-Pierre-de-la-Réunion (97454), représentée par son gérant en exercice, par Me Diot, avocat ;

La société Foncière de la Plaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1200055 - 1200056 - 1200057 du 30 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé, à la demande de MmesC..., B...etA..., l'arrêté du maire de Saint-Pierre du 28 novembre 2011 lui ayant accordé

un permis de construire un complexe cinématographique sur les parcelles cadastré...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 octobre 2013, présentée pour la Sarl Foncière de la Plaine dont le siège social est 7 rue Saint-Louis BP 159 à Saint-Pierre-de-la-Réunion (97454), représentée par son gérant en exercice, par Me Diot, avocat ;

La société Foncière de la Plaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1200055 - 1200056 - 1200057 du 30 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé, à la demande de MmesC..., B...etA..., l'arrêté du maire de Saint-Pierre du 28 novembre 2011 lui ayant accordé un permis de construire un complexe cinématographique sur les parcelles cadastrées DT n° 765, 767 et 769 situées sur le territoire de la commune ;

2°) de rejeter la demande de MmesC..., B...et A...;

3°) de mettre à la charge solidaire de MmesC..., B...et A...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2015 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Diot, avocat de la société Foncière de la Plaine, celles de Me Valdes, avocat de Mme C...et consorts et celles de Me Philippe, avocat de la commune de Saint-Pierre ;

Vu la note en délibéré, enregistrée à la cour le 10 février 2015, présentée pour la Société Foncière de la Plaine par Me Diot ;

Vu la note en délibéré, enregistrée à la cour le 12 février 2015, présentée pour la commune de Saint-Pierre par la SCP Charrel ;

1. Considérant que le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé, par un jugement n° 0800781 du 23 avril 2009 devenu définitif, la décision du 2 avril 2008 par laquelle la commission départementale d'équipements cinématographiques avait accordé à la société Foncière de la Plaine l'autorisation de création d'un complexe cinématographique comportant sept salles et 1 488 fauteuils d'une surface totale de 3 974 mètres carrés sur le boulevard Hubert Delisle sur la commune de Saint-Pierre, sur des parcelles en friche utilisées comme stationnement sauvage en centre ville, au motif que le projet n'avait pas suffisamment pris en compte le stationnement ; que la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique a confirmé, par une décision du 12 janvier 2011, l'autorisation accordée le 26 août 2010 à la même société par la commission départementale d'aménagement cinématographique de la Réunion, en vue de la création d'un complexe agrandi de dix salles sous l'enseigne " Ciné Grand Sud " sur la commune de Saint-Pierre ; que la société Foncière de la Plaine a sollicité le 29 avril 2011 du maire de la commune un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment de deux étages d'une surface hors oeuvre nette de 7 420 mètres carrés abritant un multiplexe cinématographique de dix salles comprenant 1 876 fauteuils, deux restaurants, des commerces et un parking souterrain sur les parcelles cadastrées section DT n° 765, 767 et 769 situées à l'angle de la rue François Isautier et du boulevard Hubert Delisle ; que la société Foncière de la Plaine relève appel du jugement n° 1200055 - 1200056 - 1200057 du 30 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé, à la demande de MmesC..., B...etA..., l'arrêté du maire de Saint-Pierre du 28 novembre 2011 ayant accordé ce permis de construire ;

Sur la recevabilité des conclusions d'appel de la commune de Saint-Pierre :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Pierre s'est vue notifier le jugement dont elle relève appel le 11 septembre 2013 ; qu'elle a présenté un mémoire le 15 juillet 2014, soit après l'expiration du délai d'appel contre ce jugement ; que, par suite, les conclusions de la commune tendant à l'annulation de ce jugement sont tardives et, dès lors, irrecevables ;

Sur l'appel de la société Foncière de la Plaine :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) " ; que la société Foncière de la Plaine soutient que le jugement est irrégulier dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public n'a été mis en ligne que peu de temps avant l'audience, ne laissant plus un délai suffisant à son conseil pour apprécier l'opportunité ou non d'assister à cette audience et de se rendre à La Réunion ; qu'il ressort des pièces du dossier que le rapporteur public a communiqué le sens de ses conclusions le 3 juillet à 14 heures alors que l'audience s'est déroulée le lendemain à 9 heures ; que, dans ces conditions, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ; que, par suite, le jugement est irrégulier et doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par MmesC..., B...et A...devant le tribunal administratif de Saint-Denis tendant à l'annulation du même arrêté ;

Sur la recevabilité du mémoire du 29 octobre 2012, commun aux trois requérantes :

5. Considérant que les requérantes ont déposé dans les trois dossiers des mémoires identiques ; que la circonstance que l'un des mémoires porte le numéro 1200055 alors qu'il est présenté par les trois requérantes est sans incidence sur la recevabilité du mémoire déposé dans chacun des trois dossiers même s'il porte le nom des trois requérantes ;

Sur la fin de non-recevoir opposée aux demandes :

6. Considérant qu'il ressort des pièces produites au dossier que Mmes C...et A...habitent à proximité immédiate du projet de multiplexe ; que si l'immeuble de Mme B...est situé un peu plus loin, il n'est néanmoins distant que d'une centaine de mètres du projet qui, par son ampleur et sa taille, sera visible depuis ce bâtiment et impactera les conditions de circulation de l'ensemble du voisinage ; que les requérantes justifient donc d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir contre le permis attaqué ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir doit donc être écartée ;

Sur la légalité du permis de construire :

7. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : " Les règles et servitudes prévues par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. " ; que l'article U1-11-2 du règlement du plan d'occupation des sols applicable au projet dispose que " " les toitures doivent avoir une architecture de toit à pente couvrant au moins 60% du volume bâti, à l'exception des volumes à usages commerciaux à rez-de-chaussée situé dans le secteur U1ce1. (...) les pentes de toit doivent respecter les dispositions suivantes : (...) si la portée est d'une longueur supérieure à 10 mètres, le toit doit avoir une pente théorique comprise entre 20 % et 30 %. (...), dans le secteur U1fm, lorsque la ligne de faîtage est parallèle au boulevard Hubert Delisle le toit doit avoir une pente théorique comprise entre 20 % et 30 % " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans du projet, que 51 % de la surface totale du projet serait recouverte de toitures à pentes et que seulement 30 % des toitures sont conformes à la règle imposant une pente entre 20 % et 30 % ; que le pétitionnaire indique dans la notice présentant le projet de construction " qu'il n'a pas été possible de respecter la règle imposant 60 % des surfaces de couverture avec une pente comprise entre 20 et 30 %, que le projet prévoit 30 % de ces toitures avec une pente de 20 % " ; que le permis de construire autorise toutefois une dérogation à la règle prévue par le plan local d'urbanisme en admettant que la surface couverte par des toitures à pente " ne représente qu'environ la moitié des toitures à pente avec des pentes de 20 % " en se référant à " la nature du projet, son architecture résolument moderne et innovante et des façades commerciales sur rue adaptées au contexte urbain " ; que toutefois, ces considérations d'ordre esthétique, qui sont sans rapport avec la nature du sol, la configuration de la parcelle ou le caractère des constructions avoisinantes, ne pouvaient justifier cette dérogation qui ne peut être qualifiée de mineure ; qu'ainsi, les requérantes sont fondées à soutenir que le permis de construire accordant cette dérogation aux règles du plan local d'urbanisme est entaché d'illégalité au regard des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ;

8. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article U1 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre : " Règle générale / La hauteur maximale des constructions est fixée à R+3+combles (...) sans pouvoir excéder : 13,50 mètres à l'égout du toit ou au sommet de l'acrotère (...) / En secteur U1fm1 (...) 13,50 mètres à l'égout du toit ou au sommet de l'acrotère quelle que soit la largeur du terrain d'assiette du projet " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan de masse des toitures, que la hauteur de la construction à l'acrotère est, pour les salles 1 et 9, supérieure à la limite de 13,50 mètres fixée par ces dispositions ; que l'article U1 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre est ainsi méconnu ;

9. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article U1 12-4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre : " Le stationnement des deux roues / pour toute construction nouvelle, un emplacement aisément accessible d'une surface d'au moins un mètre carré par vélo, doit être aménagé pour permettre le stationnement des deux roues selon les dispositions suivantes : (...) pour les constructions à destination d'activités, un emplacement par tranche de 100 m2 de SHON, (...) pour les autres destinations, le nombre d'emplacements doit être déterminé en fonction des besoins estimés " ;

10. Considérant que le projet de construction d'un cinéma, de boutiques et de restaurants doit être regardé comme ayant une destination d'activités compte tenu de l'activité commerciale qui y est envisagée ; que la surface hors oeuvre nette autorisée par le projet est de 7 420 mètres carrés ; que les dispositions du plan local d'urbanisme imposent donc la création de 74 places de stationnement pour les deux roues : qu'il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé prévoit la création de seulement 19 emplacements de stationnement pour des motos, mais n'a aucunement envisagé celui des vélos ; qu'il ne respecte ainsi pas les dispositions ci-dessus énoncées de l'article U1 12-4 du règlement du plan local d'urbanisme ;

11. Considérant enfin qu'au regard des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier que les vices affectant le projet de construction puissent être régularisés par un permis de construire modificatif, compte tenu de ce qu'ils affectent l'ensemble du bâtiment ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. " ; qu'aucun autre moyen des demandes de MmeC..., Mme A...et Mme B... n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant au prononcé d'une amende pour recours abusif :

13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ; que la faculté ouverte par l'article R. 741-12 du code de justice administrative constitue un pouvoir propre du juge ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que chacune des requérantes soit condamnée sur le fondement de ces dispositions ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de MmeC..., Mme A...et Mme B..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par la commune de Saint-Pierre et la société Foncière de la Plaine sur ce fondement; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Foncière de la Plaine la somme de 1 000 euros chacune à verser à MmeC..., à Mme B...et à Mme A...au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200055-1200056-1200057 en date du 30 juillet 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis est annulé.

Article 2 : Le permis de construire en complexe cinématographique délivré le 28 novembre 2011 par le maire de Saint Pierre à la société Foncière de la Plaine est annulé.

Article 3 : La société Foncière de la Plaine versera à MmeC..., à Mme B...et à Mme A...la somme de 1 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

''

''

''

''

2

No 13BX02808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX02808
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier GOSSELIN
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : DIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-03-05;13bx02808 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award