Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2015, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me Ducos- Mortreuil, avocat ;
Mme C...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403794 du 19 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 à New-York ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 2015 :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeC..., ressortissante marocaine, a épousé un ressortissant français le 10 février 2010 ; qu'elle est entrée sur le territoire français le 9 janvier 2011 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjointe de français ; que son titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 1er décembre 2012 ; qu'elle a sollicité, le 29 novembre 2012, le renouvellement de ce titre sur le fondement de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puis a demandé, à la suite de son divorce intervenu le 12 décembre 2012, le changement de son statut en sollicitant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du même code ; qu'elle s'est alors prévalue de sa relation avec M.B..., ressortissant algérien, titulaire d'une carte de résident, avec lequel elle a eu un fils le 21 janvier 2012, puis s'est mariée le 25 février 2014 ; qu'elle relève appel du jugement n° 1403794 du 19 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
Sur la légalité de l'arrêté :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que selon l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
3. Considérant qu'en application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient à l'autorité administrative statuant sur la demande de délivrance d'un titre de séjour d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'attestation de la mère de M. B...dont les allégations sont corroborées par des lettres de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, des bulletins de salaire de la requérante et le rapport émanant de son médecin obstétricien et daté du mois de septembre 2011, que la requérante réside chez les parents de M. B...depuis le mois de septembre 2011 et qu'ainsi, elle partageait une communauté de vie avec ce dernier depuis près de trois ans à la date de l'arrêté attaqué ; qu'il ressort également des pièces du dossier que de sa relation avec M. B...est né un enfant en janvier 2012 ; que la requérante a épousé M. B... au mois de février 2014, soit quatre mois avant l'édiction de la décision en litige, et qu'à la date de cette décision, elle était enceinte de leur second enfant ; qu'il est constant que M. B... est également père de deux enfants de nationalité française dont il contribue à l'éducation et à l'entretien ; qu'en effet, sa fille, née en 2007 d'une précédente union, vit avec lui-même et la requérante ; que si son fils, né en 2006, est pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en raison de difficultés relationnelles avec sa mère, il est constant que M. B...en a régulièrement la garde en fin de semaine ; qu'ainsi, M. B...ne pourrait rejoindre la requérante au Maroc, pays dont lui-même et leur fils n'ont pas la nationalité ; qu'en outre, il est constant que M. B...n'exerce plus d'activité professionnelle et qu'il perçoit uniquement l'aide au retour à l'emploi ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposerait de ressources suffisantes lui permettant d'obtenir, de manière certaine, le regroupement familial au bénéfice de son épouse ; que, dans ces conditions, l'arrêté refusant à Mme B...le titre de séjour qu'elle avait sollicité et lui faisant obligation de quitter le territoire français a porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, cet arrêté aurait également pour conséquence de séparer leur enfant de l'un de ses parents et de le priver le cas échéant, s'il devait repartir avec sa mère au Maroc, de son demi-frère et de sa demi-soeur avec laquelle il grandit depuis sa naissance ; que cet arrêté porte ainsi à l'intérêt supérieur de leur fils une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
6. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de MmeB..., d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1990 :
7. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à son avocat, Me Ducos Mortreuil, une somme de 1 000 euros en application de ces dispositions, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1403794 du 19 décembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 19 juin 2014 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme C...épouse B...un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ducos Mortreuil la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...épouse B...est rejeté.
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No 15BX00139