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29/09/2016 | FRANCE | N°16BX01686

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 16BX01686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de renvoi et la décision du 15 avril 2016 ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n°s 1601607 et 1601720 du 20 avril 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 15 avril 2016 ordonnant le placement en rétenti

on administrative et a rejeté le surplus des demandes de M.A....

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de renvoi et la décision du 15 avril 2016 ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n°s 1601607 et 1601720 du 20 avril 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 15 avril 2016 ordonnant le placement en rétention administrative et a rejeté le surplus des demandes de M.A....

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mai, 2 juin et 23 août 2016 sous le n° 16BX01686, M. B...A..., représenté par Me C...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 20 avril 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 1er avril 2016 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de reconduite à la frontière est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour, qui ne comporte pas de visas et qui ne se réfère ni à sa situation professionnelle ni à sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance durant sa minorité, n'est pas suffisamment motivé tant en droit qu'en fait, ce qui révèle d'ailleurs un défaut d'examen approfondi de sa situation ;

- avant d'opposer son refus, le préfet n'a pas examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation et a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreurs de fait dans la mesure où il n'a pas commis de crime et n'a séjourné en prison que durant un an et cinq mois et non deux ans et un mois. Cette dernière erreur est substantielle car il en résulte qu'il a effectivement séjourné en France pendant dix ans déduction faite des périodes où il était incarcéré ;

- en se fondant uniquement sur ses deux condamnations pénales, le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur manifeste d'appréciation de la menace qu'il représenterait pour l'ordre public, alors qu'il a eu un comportement exemplaire en détention et que sa capacité de réinsertion ne fait aucun doute car il doit subvenir à l'entretien et à l'éducation de son enfant. La préfecture a fait obstacle à sa sortie de détention en ne lui délivrant aucun récépissé, ce qui l'a empêché d'obtenir des aménagements de peine ;

- il réside régulièrement et habituellement en France depuis plus de dix ans, déduction faite des périodes de détention, ce qui le protège de l'éloignement en application de l'article L.521-2 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est marié depuis août 2014 et a un enfant âgé de moins d'un an. Il maîtrise la langue française et a travaillé avant son incarcération. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de titre de séjour l'empêche de subvenir à l'entretien et à l'éducation de son enfant, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet de la Haute-Garonne, qui n'a pas assorti le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français qui lui aurait permis de disposer d'un délai lui permettant d'organiser son départ, a tenté d'organiser son éloignement dès la levée d'écrou avant qu'il ne soit statué sur son recours contre la mesure de reconduite à la frontière, laquelle est ainsi entachée d'un détournement de procédure et d'une erreur de droit ;

- pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, la reconduite à la frontière est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la menace à l'ordre public, d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte atteinte à l'intérêt de son enfant en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant car l'exécution de cette décision le séparera de son enfant ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière n'est pas suffisamment motivé en fait car la seule mention des condamnations pénales n'est pas suffisante pour caractériser une menace à l'ordre public, le préfet devant examiner le comportement de l'intéressé. Le préfet avait d'ailleurs renouvelé son titre de séjour après sa condamnation pénale ;

- le jugement attaqué a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2016.

Par un mémoire enregistré le 2 août 2016, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la reconduite la frontière ayant été prononcée pour un motif d'ordre public, le refus de séjour n'en est pas le fondement, ce qui rend inopérants les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité du refus de séjour pris le même jour. M. A...est en situation irrégulière depuis le 15 octobre 2015, soit plus de trois mois à la date de la décision attaquée, et la disposition restrictive de l'article L.533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon laquelle " Le présent article ne s'applique pas à l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois " ne lui est donc pas applicable ;

- l'arrêté, qui énonce les condamnations pénales dont l'intéressé a fait l'objet pour en déduire que son comportement constitue une menace à l'ordre public et vise l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivé ;

- la menace à l'ordre public n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où l'intéressé a non seulement fait l'objet d'une condamnation prononcée le 11 mars 2014 par le tribunal correctionnel de Tarbes mais aussi d'une condamnation du tribunal correctionnel de Toulouse du 2 juin 2015, confirmée le 23 septembre 2015 par la cour d'appel, pour blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur avec deux circonstances aggravantes ;

- le jugement attaqué répond au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans son huitième considérant ;

- la demande de frais irrépétibles n'est pas justifiée dans son montant.

Par ordonnance du 3 août 2016, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 août 2016 à midi.

II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai et 2 juin 2016 sous le n° 16BX01688, M. B...A..., représenté par Me C...demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du 20 avril 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 1er avril 2016 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué permet l'exécution de la mesure d'éloignement, ce qui l'expose à des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens invoqués à l'encontre de cette mesure d'éloignement paraissent sérieux en l'état de l'instruction et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière n'est pas suffisamment motivé en fait car la seule mention des condamnations pénales n'est pas suffisante pour caractériser une menace à l'ordre public, le préfet devant examiner le comportement de l'intéressé. C'est donc à tort que le premier juge a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la menace à l'ordre public ;

- le jugement attaqué a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 2 août 2016, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'intéressé ne justifie pas que l'exécution du jugement emporterait des conséquences difficilement réparables. La requête ne présente aucun moyen sérieux, le fils deM.A... n'étant pas, contrairement à ce qu'il soutient, de nationalité française ;

- la reconduite la frontière ayant été prononcée pour un motif d'ordre public, le refus de séjour n'en est pas le fondement, ce qui rend inopérants les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité du refus de séjour pris le même jour. M. A...est en situation irrégulière depuis le 15 octobre 2015, soit plus de trois mois à la date de la décision attaquée, et la disposition restrictive de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon laquelle " Le présent article ne s'applique pas à l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois " ne lui est donc pas applicable ;

- le jugement attaqué répond au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans son huitième considérant. De même le premier juge a également répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en indiquant que la mesure n'implique nullement la division de la cellule familiale ;

- par ailleurs, la demande de frais irrépétibles n'est pas justifiée dans son montant.

Par ordonnance du 3 août 2016, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 août 2016 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et de l'emploi ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant marocain né le 14 novembre 1990, est, selon ses déclarations, entré en France en 2004 et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du 30 août 2004 au 27 novembre 2006 puis du 31 mai 2007 jusqu'à sa majorité, soit le 14 novembre 2008. Il a bénéficié à compter de cette date et jusqu'au 15 octobre 2015 de cartes de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Le 11 mars 2014, le tribunal correctionnel de Tarbes l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement pour acquisition, transport, détention, offre non autorisée de stupéfiants et, à la suite d'un accident de la route où lui a été reproché un délit de fuite, il a de nouveau été condamné à 6 mois d'emprisonnement ferme le 2 juin 2015 par le tribunal correctionnel de Toulouse pour blessures involontaires. En raison de son incarcération, M. A...n'a sollicité le renouvellement de son titre de séjour que postérieurement au terme de la validité de sa carte de séjour temporaire. En conséquence, le préfet de la Haute-Garonne a, par une décision du 1er avril 2016, refusé de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'il ne remplissait pas la condition d'entrée régulière sur le territoire national prévue par l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé la reconduite à la frontière de M. A...et a fixé le pays de renvoi. Enfin, le préfet de la Haute-Garonne a décidé le 15 avril 2016 de placer M. A...en rétention administrative pour une durée de cinq jours. Ce dernier a alors saisi le tribunal administratif de Toulouse afin d'obtenir l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2016 et de la décision du 15 avril 2016. Après avoir joint les deux requêtes, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 20 avril 2016, annulé la décision de placement en rétention administrative du 15 avril 2016 et rejeté le surplus des demandes de M.A.... Par deux requêtes, respectivement enregistrées sous les numéros 16BX001686 et 16BX01688, M. A...relève appel de ce jugement et sollicite son sursis à exécution en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 1er avril 2016.

2. Les requêtes susvisées numéros 16BX01686 et 16BX01688 présentées par M. A...sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si M. A...reproche au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse de ne pas avoir statué sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas des écritures de première instance du requérant que ce moyen ait été invoqué à l'encontre de l'arrêté du 1er avril 2016. L'omission à statuer alléguée manquant ainsi en fait, elle ne saurait révéler une irrégularité du jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière du 1er avril 2016 :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour du même jour :

4. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour se réfère à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et au 4° de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision précise que le renouvellement du titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain n'a été sollicité que plus de trois mois et demi après le terme de validité du titre de séjour et la demande de M. A...doit donc être regardée comme une nouvelle demande de titre de séjour, ce qui implique de justifier des conditions requises pour l'entrée sur le territoire national, et que faute de remplir ces conditions un titre de séjour ne peut lui être accordé sur ce fondement. La décision ajoute que son ancienneté de séjour ne lui ouvre droit à aucun titre de séjour dans la mesure où les années d'incarcération ne sont pas prises en compte dans la durée de présence en France. La décision précise enfin qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale car il n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie ailleurs qu'en France accompagné de son épouse et de son enfant, tous deux de nationalité marocaine, notamment au Maroc où résident ses parents et cinq frères et soeurs. Le préfet de la Haute-Garonne, qui n'est pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances constituant la situation de fait du requérant, a ainsi énoncé les circonstances de droit et de fait fondant le refus, qui est donc suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, si M. A...soutient qu'avant d'opposer un refus, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation, il ressort au contraire de la motivation du refus de titre de séjour que le préfet a procédé à un tel examen pour en conclure qu'aucun élément n'est apparu de nature à justifier l'intervention d'une mesure de régularisation. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

6. En troisième lieu, si le préfet de la Haute-Garonne fait référence à " un comportement criminel et délictuel " alors que M. A...n'a commis aucun crime, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette erreur de qualification des infractions commises par le requérant ait eu une incidence sur l'appréciation par le préfet de la menace que représente M. A...pour l'ordre public, laquelle a été examinée au regard de la nature des infractions commises, qui sont expressément rappelées dans le refus de titre de séjour, la circonstance que le dernier renouvellement d'un titre de séjour soit postérieur à la date du jugement de condamnation étant sans incidence.

7. M. A...soutient également que le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur sur la durée de son incarcération, laquelle a eu une incidence sur le calcul de la durée de son séjour en France pour l'application de l'article L. 511-4 qui énonce que ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement " (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) ". Toutefois les années passées en détention au titre d'une peine privative de liberté ne peuvent s'imputer dans le calcul des dix ans mentionnés par les dispositions précitées. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du volet 5 de la fiche pénale de M. A...qu'il a été incarcéré du 25 juin 2013 au 21 novembre 2013 puis du 8 janvier 2015 jusqu'à la date du refus de titre de séjour, soit une durée d'un an sept mois et vingt-quatre jours, alors que le refus de titre de séjour fait mention d'une durée de deux ans et un mois. Cependant, cette erreur est sans influence sur le sens de la décision dès lors qu'elle n'a pas eu d'incidence notable sur la durée de séjour en France qui demeure, déduction faite des périodes d'incarcération alors même qu'une partie a été effectuée sous le régime de la semi-liberté, inférieure à dix ans, le requérant étant, selon ses déclarations, entré en France le 24 septembre 2004. Par suite, ces erreurs, pour regrettables qu'elles soient, sont sans influence sur la légalité du refus de titre de séjour.

8. En quatrième lieu, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger remplissant les conditions énumérées aux 1° à 11° de cet article a droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sous la seule réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration lui oppose ce motif pour refuser de faire droit à sa demande, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du bulletin numéro 2 du casier judiciaire de M.A..., que ce dernier a notamment fait l'objet le 11 mars 2014 d'une condamnation à deux ans et six mois d'emprisonnement, dont la moitié avec sursis, pour acquisition, transport, détention et offre ou cession non autorisée de stupéfiants entre le 1er janvier 2012 et le 16 juin 2013. Il a également causé des blessures involontaires à un tiers alors qu'il roulait sans permis et sans assurance. A supposer même que le comportement de l'intéressé aurait été exemplaire durant son incarcération, eu égard à la gravité des faits commis par l'intéressé et à leur caractère relativement récent, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que le séjour en France de M. A...constituait une menace pour l'ordre public.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

11. Si M. A...se prévaut de la durée de son séjour en France, il ressort de ce qui a été énoncé au point 7 qu'elle est inférieure à dix ans. En outre, s'il se prévaut également de la présence en France de son épouse et de leur enfant né le 2 mai 2015, il n'est pas contesté ni que son épouse réside irrégulièrement en France ni qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où résident ses parents et cinq frères et soeurs. Dans ces conditions, et alors même qu'il bénéficiait d'un contrat à durée déterminée comme plongeur dans un restaurant, eu égard au motif d'ordre public sur lequel repose la décision, à l'absence d'impossibilité de reconstituer la cellule familiale au Maroc et au caractère récent du mariage qui a été célébré le 30 août 2014, le refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été opposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

13. Si M. A...soutient que ce refus de titre de séjour l'empêche de travailler et donc de pouvoir subvenir aux besoins de son enfant, il n'établit ni même n'allègue être dans l'impossibilité de travailler dans son pays d'origine. Or il ressort de ce qui a été énoncé au point 11 que son épouse est également en situation irrégulière et que rien ne fait obstacle à ce que leur enfant et elle-même repartent avec lui. Dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le refus litigieux méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

En ce qui concerne la mesure de reconduite à la frontière :

15. En premier lieu, l'arrêté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application. L'arrêté rappelle la situation administrative et familiale de l'intéressé et précise qu'il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et que son comportement délictuel constituant une menace à l'ordre public, il doit être reconduit à la frontière en application du 1° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté énonce ainsi les circonstances de droit et de fait fondant la mesure de reconduite à la frontière. Par ailleurs si M. A...soutient que le simple énoncé des condamnations prononcées à son encontre ne permet pas de caractériser une menace à l'ordre public, cette critique des motifs, au demeurant non fondée pour les raisons exposées au point 9, ne saurait révéler un défaut de motivation.

16. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation de la menace à l'ordre public, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de M. A...doivent être écartés pour les motifs exposés lors de l'examen de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) ". M. A...ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la mesure de reconduite à la frontière en litige des dispositions du 4° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne concernent que les mesures d'expulsion.

18. En dernier lieu, si M. A...soutient que le préfet de la Haute-Garonne a prononcé sa reconduite à la frontière au lieu d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans le seul but de ne pas lui laisser de délai lui permettant d'organiser son départ volontaire, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est nullement établi.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 1er avril 2016. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

20. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de M.A..., les conclusions de ce dernier tendant au sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans la requête numéro 16BX01688.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Nos 16BX01686, 16BX01688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01686
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MARTIN-CAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-09-29;16bx01686 ?
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