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13/10/2016 | FRANCE | N°14BX02686

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 14BX02686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société d'investissements immobiliers des Landes a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération par laquelle le conseil d'administration de l'établissement public foncier local Landes Foncier a, le 31 octobre 2013, décidé d'exercer le droit de préemption urbain délégué par la commune de Vieux-Boucau sur un ensemble immobilier constitué sur les parcelles cadastrées à Vieux-Boucau n°s 14 à 16.

Par un jugement n° 1400030 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif

de Pau a rejeté la demande de la Société d'investissements immobiliers des Landes.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société d'investissements immobiliers des Landes a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération par laquelle le conseil d'administration de l'établissement public foncier local Landes Foncier a, le 31 octobre 2013, décidé d'exercer le droit de préemption urbain délégué par la commune de Vieux-Boucau sur un ensemble immobilier constitué sur les parcelles cadastrées à Vieux-Boucau n°s 14 à 16.

Par un jugement n° 1400030 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la Société d'investissements immobiliers des Landes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 septembre 2014 et le 24 juin 2015, la Société d'investissements immobiliers des Landes, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 11 juillet 2014 ;

2°) d'annuler la délibération du 31 octobre 2013 par laquelle le conseil d'administration de l'établissement public foncier local Landes Foncier a exercé le droit de préemption urbain sur un ensemble immobilier, constitué d'un groupe d'habitation et d'un local à usage de restaurant-bar, figurant au cadastre section AM sous les numéros 14 et 16, sur le territoire de la commune de Vieux-Boucau ;

3°) d'enjoindre à l'établissement public foncier local Landes Foncier de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté et de lui proposer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 1 000 € par jour passé ce délai, d'acquérir le bien illégalement préempté au prix d'un million cinq cent deux mille cinq cent cinquante euros (1 502 550 €), ou à défaut d'enjoindre à l'établissement public foncier local Landes Foncier de proposer l'acquisition du bien à l'association Entraide coopérative et, à défaut d'acceptation par celle-ci, à la Société d'investissements immobiliers des Landes, en laissant à la juridiction compétente en matière d'expropriation le soin de fixer le prix, à défaut d'accord amiable ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public foncier local Landes Foncier la somme de 5 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que le premier mémoire en défense de l'établissement public foncier local Landes Foncier ne lui a été communiqué que le 26 juin 2014 à 15h42, alors que la clôture de l'instruction était fixée au 1er juillet 2014 à 12 heures, lui laissant ainsi seulement 36 heures ouvrables pour prendre connaissance de ces écritures et apprécier l'éventualité d'y répliquer ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la délibération attaquée, qui n'avait d'autre objet que de maintenir dans les lieux le locataire actuel, méconnaissait la règle selon laquelle l'exercice du droit de préemption urbain ne pouvait avoir pour objet le seul maintien dans les lieux des locataires d'un immeuble autre qu'à usage d'habitation ;

- la délibération attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'opération réalisée par l'établissement public foncier local Landes Foncier pour le compte de la commune de Vieux-Boucau devait être précédée de la conclusion d'une " convention opérationnelle ", ainsi que le prévoit le 5ème alinéa de l'article 6-1 des statuts de l'établissement public, qui présentent un caractère réglementaire et dont elle peut se prévaloir ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'exercice du droit de préemption ayant été en l'espèce réalisé au prix et conditions de la déclaration d'intention d'aliéner, la délibération attaquée n'était pas antérieure au transfert de propriété, mais matérialisait au contraire celui-ci ; la personne publique qui se soumet à une procédure est tenue de la respecter à peine d'illégalité ; aucune convention opérationnelle n'a été conclue entre l'établissement public foncier local Landes Foncier et la commune de Vieux-Boucau ;

- pour apprécier l'existence d'un projet préexistant suffisamment précis pour justifier l'exercice du droit de préemption, les premiers juges ont retenu à tort qu'il existait une politique locale consistant à réhabiliter les centres de vacances à vocation sociale, alors que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de Vieux Boucau, approuvé au début de l'année 2013, n'identifie pas un tel besoin mais privilégie au contraire le développement de l'hébergement hôtelier ; le projet de développement durable présente comme un des objectifs de développement de donner la priorité aux programmes d'habitat permanent par rapport aux programmes d'hébergement saisonnier ; il ressort, en outre, du rapport de présentation du plan local d'urbanisme qu'en matière d'hébergement touristique, le parti pris est de maintenir l'offre existante mais aussi de promouvoir les projets d'hébergement de services hôteliers de qualité ; les documents sur lesquels le tribunal s'est fondé n'étaient pas de nature à établir l'existence d'une politique locale consistant à renouveler l'offre d'hébergement touristique, notamment dans les centres de vacances à vocation sociale ; s'agissant du schéma de cohérence territoriale, l'établissement public foncier local Landes Foncier a produit une page du document d'orientations et d'objectifs, énonçant, sur un plan général, que la politique touristique devait s'appuyer sur les structures d'hébergement existantes et en favoriser la modernisation, toutefois, le projet d'aménagement et de développement durable indiquait aussi que le projet était de " privilégier la qualité des infrastructures touristiques à la quantité " ; le rapport de présentation notait également que l'offre en hébergement touristique collectif, et notamment en villages de vacances, continuait à croître et que la commune de Vieux-Boucau offrait une capacité d'hébergement touristique particulièrement forte ; le projet dit " Re-sources " qui porte, certes sur le secteur de Port d'Albret, concerne le territoire de la commune de Soustons, et non la commune de Vieux-Boucau ; ce projet consiste à faire monter en gamme l'équipement touristique et non à maintenir l'hébergement à vocation sociale ; dans l'hypothèse d'une préemption en vue du maintien d'une activité économique, la réalité du projet doit donc être corroborée par une politique concordante et préexistante de celui qui l'exerce, or, le projet communal invoqué dans la délibération attaquée est en contradiction avec la politique communale en matière d'offre touristique ; le pourvoi en cassation formé par l'établissement public foncier local Landes Foncier à l'encontre de l'ordonnance de référé ayant suspendu la décision de préemption litigieuse pour ce motif n'a pas été admis par le Conseil d'Etat (CE 3 septembre 2014 n° 375845) ; la décision de préemption litigieuse n'est pas spécifiquement motivée par la nécessité du maintien d'une offre touristique sociale, qui ne peut donc être invoquée a posteriori ; les conditions dans lesquelles le président du conseil général, qui a tenu les séminaires d'un courant politique dans les lieux litigieux à cinq reprises, s'est intéressé à substituer le département à la commune dans la reprise de cette vente laissent penser que l'intérêt touristique communal allégué n'était pas le motif réel de la décision. L'opération est constitutive d'un détournement de pouvoir ;

- l'exercice du droit de préemption urbain ne peut avoir pour objet le seul maintien dans les lieux des locataires d'un immeuble autre qu'à usage d'habitation en application des dispositions de l'article L. 210-2 du code de l'urbanisme, or la délibération attaquée a pour seul objet de permettre à la Sarl Albatros, qui avait signé une transaction à la suite de son expulsion pour loyers impayés, de se maintenir dans les lieux et de poursuivre l'exploitation ; la Sarl Albatros s'est maintenue dans les lieux jusqu'au 31 décembre 2015 ;

- l'opération ne présente pas un intérêt général suffisant ; le coût financier de l'opération devra être supporté par la commune de Vieux-Boucau pour le compte de laquelle est exercé le droit de préemption ; le prix de l'acquisition, représentant 90 % de ses ressources d'investissement et 65 % de sa dette, n'était pas financé à la date de la délibération litigieuse ; le montant du premier acompte représente à lui seul 20 % des ressources d'investissement de la commune et 15 % de sa dette ; la circonstance que le département se soit finalement substitué à la commune dans l'opération de portage est postérieure à la date de la délibération litigieuse, et elle démontre que la commune, consciente du poids financier de cette acquisition, a cherché à s'en défaire au plus vite ; pour une commune d'environ 1 500 habitants, l'initiative privée était suffisante en matière de capacité d'accueil touristique ; l'existence d'un portage financier par l'établissement public foncier local Landes Foncier n'enlève rien au coût global de l'opération, le prix de cession du bien par l'établissement public à la collectivité, en fin de portage, étant majoré de divers frais ; le département a décidé de la réalisation de travaux de rénovation, mais ces travaux ne correspondent pourtant qu'à la rénovation intérieure de 28 chambres sur les 120 que compte le site, ce qui démontre le coût important d'une rénovation de la totalité du site ; le montant de la " redevance " perçue par le département est inférieur à celui du loyer commercial qui avait été consenti par le précédent propriétaire en 1996 ; la disproportion entre, d'une part, l'intérêt s'attachant à l'opération et, d'autre part, l'atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle, ainsi que son coût financier, est manifeste ; à supposer que les dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme soient applicables, il conviendrait alors d'enjoindre à l'établissement public foncier local Landes Foncier de proposer l'acquisition du bien à l'association Entraide coopérative et, à défaut d'acceptation par celle-ci, à la société d'investissements immobiliers des Landes, en laissant à la juridiction compétente en matière d'expropriation le soin de fixer le prix, à défaut d'accord amiable ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2015, l'établissement public foncier local Landes Foncier conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la Société d'investissements immobiliers des Landes une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure dès lors qu'en communiquant le mémoire en défense le 26 juin 2014, la société requérante disposait d'un délai de treize jours pour répondre à ce mémoire, la date de l'audience étant fixée au 8 juillet 2014 ;

- les premiers juges ont répondu à l'ensemble des moyens soulevés et notamment au moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir ;

- aucune disposition statutaire ou du règlement intérieur n'impose la conclusion d'une convention opérationnelle entre l'établissement public foncier local Landes Foncier et la commune de Vieux-Boucau préalablement à l'exercice du droit de préemption ; l'alinéa 5 de l'article 6-1 des statuts ne vaut qu'entre les parties au contrat visé et en raison de l'effet relatif de cette disposition, la Société d'investissements immobiliers des Landes ne peut invoquer sa méconnaissance au soutien de l'illégalité de la délibération contestée ;

- la décision de préemption, motivée par la volonté de préserver la diversité de l'offre d'hébergement touristique en évitant la disparition d'une structure présentant le double avantage d'être, d'une part, à vocation sociale et, d'autre part, très attractive pour la clientèle étrangère et de favoriser le maintien de cette activité économique en ce qu'elle est créatrice d'emplois s'inscrit donc parfaitement dans le champ d'application des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; la réalité du projet de maintien de l'activité économique en cause et des emplois y attachés est attestée par des éléments démontrant son antériorité tels que des courriers, visites sur les lieux et autres réunions, et la commune de Vieux-Boucau avait explicitement manifesté son intention de faire usage de son droit de préemption ;

- l'établissement public foncier local Landes Foncier peut garantir un portage financier du projet dans les conditions des textes régissant son fonctionnement et la commune de Vieux-Boucau n'est donc nullement contrainte de financer l'acquisition du bien préempté à court terme ; pour évaluer le coût de l'opération, la Société d'investissements immobiliers des Landes se borne à fournir un coût de rénovation estimé par son propre architecte qui n'a pas été évalué contradictoirement ;

- le droit de préemption a été exercé pour maintenir l'hébergement touristique à vocation sociale et internationale proposé par l'exploitant précédent, ce qui est conforme à l'intérêt général, et non pas pour permettre à l'exploitant précédent de poursuivre son activité ; l'expulsion prononcée par la justice ne vaut qu'entre les parties au procès concerné et la Société d'investissements immobiliers des Landes ne peut prétendre au bénéfice d'une décision de justice à laquelle elle n'est pas partie, le détournement de pouvoir allégué n'est pas constitué ;

- la Société d'investissements immobiliers des Landes ne peut demander à la cour d'enjoindre de rétrocéder le bien au prix d'acquisition sans tenir compte des améliorations intervenues ; l'injonction demandée est également contraire aux dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, qui privilégie une proposition à l'ancien propriétaire ;

Par ordonnance du 6 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 10 septembre 2015 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour l'établissement public foncier des Landes a été enregistré le 8 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me Coto, avocat l'établissement public foncier local Landes Foncier ;

Vu la note en délibéré enregistrée à la cour le 28 septembre 2016, présentée pour l'établissement public foncier des Landes Foncier, par Me A...;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte authentique du 15 mai 2013, l'association " Entraide Coopérative " a conclu au bénéfice de la Société d'investissements immobiliers des Landes une promesse de vente portant sur un ensemble immobilier cadastré section AM n°14 et AM n°16, d'une superficie totale d'un 1 hectare 36 ares et 22 centiares situé sur la commune de Vieux-Boucau et sur lequel se trouve un village de vacances, au prix de 1 502 550 euros. Par courrier en date du 10 juillet 2013, le maire de la commune de Vieux-Boucau a informé le notaire chargé de la vente que la commune souhaitait faire valoir un droit de préemption sur ces biens. L'association " Entraide Coopérative ", qui avait obtenu de la juridiction judiciaire l'expulsion du gestionnaire, la société Albatros, à qui elle avait confié la gestion du village de vacances, a adressé à la commune une déclaration d'intention d'aliéner, reçue le 6 septembre 2013. Par délibération du 22 octobre 2013, le conseil municipal de Vieux-Boucau a délégué son droit de préemption à l'établissement public foncier local Landes Foncier pour l'aliénation de l'ensemble immobilier visé dans la déclaration d'intention d'aliéner. Par délibération du 31 octobre 2013, l'établissement public foncier local Landes Foncier a exercé le droit de préemption urbain qui lui avait été délégué aux conditions fixées par la déclaration d'intention d'aliéner, à raison de l'existence d'un risque réel de transformation du village de vacances en résidence secondaire ou en projet immobilier " et aux fins de " maintenir l'offre à finalité touristique dans cette partie de la commune ". La vente du bien immobilier entre l'association " Entraide Coopérative " et l'établissement public foncier local Landes Foncier a été formalisée par acte authentique du 27 décembre 2013. La Société d'investissements immobiliers des Landes, acquéreur évincé, a formé un recours gracieux contre la délibération du 31 octobre 2013, puis a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande de suspension et d'une demande d'annulation de la délibération du 31 octobre 2013. Par ordonnance du 10 février 2014, le juge des référés du tribunal a suspendu la décision de préemption. Mais, par jugement en date du 11 juillet 2014, la demande d'annulation de la délibération du 31 octobre 2013 a été rejetée. La Société d'investissements immobiliers des Landes relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...)". En vertu du principe du contradictoire, le premier mémoire présenté par chaque défendeur avant la clôture de l'instruction doit être communiqué aux parties en leur laissant un délai suffisant afin de pouvoir présenter leurs observations.

3. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense de l'établissement public foncier local Landes Foncier, enregistré au greffe du tribunal le 24 juin 2014, a été communiqué à la Société d'investissements immobiliers des Landes le jeudi 26 juin 2014, alors que la clôture de l'instruction avait été fixée au mardi 1er juillet à midi. Alors même que la société requérante n'a pas sollicité la réouverture de l'instruction, la Société d'investissements immobiliers des Landes est fondée à soutenir, au regard de l'importance des écritures et des pièces produites à l'appui de ce mémoire en défense, qu'elle n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Dès lors, le tribunal a entaché d'irrégularité la procédure au terme de laquelle est intervenu son jugement et par suite, la Société d'investissements immobiliers des Landes est fondée à en demander l'annulation pour ce motif.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Société d'investissements immobiliers des Landes devant le tribunal administratif de Pau.

Sur la légalité de la délibération du 31 octobre 2013 :

5. Aux termes des dispositions de l'article 6-1 des statuts de l'établissement public foncier local Landes Foncier : " Chaque opération ou programme d'acquisition doit comporter la signature d'une convention opérationnelle entre l'EPFL " Landes foncier " et son bénéficiaire. " Si aucun texte législatif ou réglementaire n'impose la signature d'une telle convention, l'établissement public foncier local Landes Foncier a adopté cette règle qui figure dans ses statuts à l'article relatif à ses modalités d'intervention. Ces dispositions, qui peuvent être utilement invoquées à l'encontre de la délibération attaquée, doivent être regardées comme imposant la conclusion d'une convention opérationnelle entre l'établissement public foncier local Landes Foncier et la commune de Vieux-Boucau. Si elles ne précisent pas que la convention opérationnelle doit être signée avant l'exercice du droit de préemption, l'objet même de cette convention, qui consiste notamment à préciser la nature du programme, les conditions d'acquisition et de portage, l'engagement du bénéficiaire à racheter ou garantir le rachat du foncier acquis par l'établissement public foncier local, les délais et les conditions de revente, implique nécessairement qu'elle soit signée avant la décision de l'établissement public foncier local. Il est constant qu'aucune convention opérationnelle n'a été signée entre l'établissement public foncier local Landes Foncier et la commune de Vieux-Boucau relative à cette opération immobilière, cette dernière envisageant alors d'obtenir une substitution par le département des Landes, lequel ne s'était pas encore engagé sur ce point.

6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, la convention opérationnelle est une convention qui régit les rapports entre l'établissement public foncier local et la collectivité bénéficiaire. Si par délibération du 22 octobre 2013 le conseil municipal de Vieux-Boucau a délégué son droit de préemption à l'établissement public foncier local Landes Foncier et a autorisé cet établissement à exercer le droit de préemption au prix fixé dans la déclaration d'intention d'aliéner, et si le conseil d'administration de l'établissement public foncier local Landes Foncier a décidé, le 31 octobre 2013, de préempter le bien immobilier pour le même prix, l'absence de convention opérationnelle a privé tant la collectivité qui a délégué l'exercice du droit de préemption que le titulaire du droit de préemption des informations nécessaires à la prise d'une décision, et ainsi d'une garantie. Un tel vice de procédure, qui est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la délibération attaquée, est de nature, contrairement à ce que soutient l'établissement public foncier local Landes Foncier, à entacher d'illégalité la décision de préemption.

8. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. " Pour l'application de cet article, les autres moyens invoqués par la Société d'investissements immobiliers des Landes ne sont pas, en l'état du dossier, susceptibles de fonder l'annulation de la décision de préemption attaquée.

9. Il résulte de ce qui précède que la Société d'investissements immobiliers des Landes est fondée à demander l'annulation de la décision de préemption contestée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la délibération du conseil municipal de la commune de Vieux-Boucau du 11 décembre 2013, que le département des Landes a demandé le 8 novembre 2013 que le bien préempté lui soit rétrocédé à la fin du portage financier et s'est engagé à supporter le prix de vente et les frais liés à cette acquisition, cette circonstance postérieure à la délibération attaquée est sans incidence sur l'application des dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, issu de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, aux termes desquelles : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité/ Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4/ A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition/ Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2. " Ces nouvelles dispositions sont, en l'absence de dispositions expresses contraires, d'application immédiate aux instances en cours, quelle que soit la date à laquelle est intervenue la décision administrative contestée.

11. Il résulte de ce qui précède que les dispositions précitées de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions de la Société d'investissements immobiliers des Landes tendant à ce qu'il soit enjoint à l'établissement public foncier local Landes Foncier de lui proposer directement, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'acquérir le bien préempté au prix figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle proposition aurait préalablement été adressée au propriétaire initial, l'association " Entraide Coopérative ", et que cette dernière l'aurait dûment déclinée. Il y a toutefois lieu d'enjoindre à l'établissement public foncier local Landes Foncier, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, de proposer au propriétaire initial, l'association " Entraide Coopérative " d'acquérir le bien préempté dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt et, le cas échéant, en cas de refus exprès ou tacite de l'association, de proposer à la Société d'investissements immobiliers des Landes en sa qualité d'acquéreur évincé, mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner, d'acquérir le bien préempté à un prix visant à rétablir autant que possible, et sans enrichissement sans cause de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle .

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400030 du 11 juillet 2014 du tribunal administratif de Pau et la délibération du 31 octobre 2013 par laquelle le conseil d'administration de l'établissement public foncier local Landes Foncier a exercé le droit de préemption urbain sur un ensemble immobilier, constitué d'un groupe d'habitations et d'un local à usage de restaurant-bar, figurant au cadastre section AM sous les numéros 14 et 16, sur le territoire de la commune de Vieux-Boucau sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'établissement public foncier local Landes Foncier de proposer dans un délai de trois mois à l'association " Entraide Coopérative " l'acquisition du bien préempté et, en cas de refus exprès ou tacite de cette dernière, de proposer cette acquisition à la Société d'investissements immobiliers des Landes aux conditions indiquées au point 11.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la Société d'investissements immobiliers des Landes devant le tribunal et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de l'établissement public foncier local Landes Foncier présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Société d'investissements immobiliers des Landes, à l'association Entraide coopérative, à l'établissement public foncier local Landes Foncier et à la commune de Vieux-Boucau. Copie en sera adressée à la Sarl Albatros.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 14BX02686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX02686
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-13;14bx02686 ?
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