Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Gaillères à lui verser la somme de 10 088,37 euros au titre de rappels de salaire afférents à la période du 20 mars 2009 au 31 décembre 2009, la somme de 1 833 euros pour privation partielle de ses droits du 12 juin 2009 au 8 juillet 2010, la somme de
20 000 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive de son contrat de travail et la somme de
10 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1300151 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2015, M. A...C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 octobre 2014 ;
2°) de condamner la commune de Gaillères à lui verser la somme de 41 921,37 euros en réparation des différents chefs de préjudices liés à son licenciement pour inaptitude physique prononcé le 12 juin 2009 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gaillères une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande est bien recevable, le contentieux est lié par la demande indemnitaire adressée à la commune par son conseil en date du 4 février 2013 ;
- la procédure de licenciement est irrégulière ;
- le constat de son inaptitude physique ne pouvait intervenir qu'après son placement en congé pour accident du travail, l'agent non titulaire a droit à un congé pendant toute la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès ; ce n'est que le 20 mars 2009 que lui a été notifié son placement en congé pour accident du travail à effet du 22 septembre 2008 ; l'arrêté de licenciement du 12 juin 2009 lui a été notifié le 9 septembre 2009 avec une date d'effet au 27 avril 2009 alors que la commune lui a fait régulariser un nouveau contrat de travail le 19 mars 2009 couvrant la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2009 ;
- le licenciement n'a pas été précédé d'un entretien préalable ni de la communication de l'intégralité de son dossier individuel ;
- la décision de licenciement n'est pas suffisamment motivée ;
- alors que la commune avait procédé à une augmentation de son indice, le 4 Mars 2009, elle ne l'a jamais mis en application si ce n'est à titre rectificatif pour le calcul de son indemnité de licenciement ; ce n'est qu'à partir du mois de janvier 2008 que ses bulletins de salaire ont mentionné la charge patronale au titre des accidents du travail ;
- il n'a pas bénéficié du droit au reclassement pour inaptitude physique en méconnaissance du principe général du droit applicable aux agents non-titulaires ; la commune n'a pas examiné la possibilité d'un aménagement de poste ou d'un changement d'affectation ;
- le préjudice financier est important, il a été privé de certains revenus pendant de longs mois et ne peut exercer une profession en raison de son âge et de sa formation ;
- il souffre de lombalgies séquellaires de hernie discale et est reconnu travailleur handicapé depuis le 8 juillet 2010 ;
- il a droit à la réparation intégrale de ses préjudices, qui sont bien en lien avec l'illégalité fautive du licenciement ;
- il a perçu une indemnité de licenciement sous-évaluée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2015, la commune de Gaillères, représentée par Me D...conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de M. C...une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande est irrecevable en l'absence de réclamation préalable indemnitaire, prévue par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, et le contentieux n'est pas lié par une simple lettre d'information non datée et ne contenant aucune argumentation juridique ;
- l'arrêté de licenciement n'a pas été contesté et son annulation constituait un préalable obligatoire à une indemnisation ;
- M. C...est inapte à tout emploi depuis le 27 avril 2009 et n'apporte pas la preuve que son état de santé lui permettrait de reprendre son service ;
- M. C...ne peut prétendre, en l'absence de service fait, au versement de rappels de salaire alors même qu'il a déjà été indemnisé des conséquences de son incapacité en termes de gain professionnel par l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle supérieur de 3 points aux conclusions de l'expert ;
- l'absence de proposition de reclassement n'est pas fautive dès lors que son état de santé ne lui permet plus d'effectuer un travail dans une collectivité ; il n'est pas démontré, au surplus, qu'elle disposait de postes de reclassement disponibles ;
- l'inaptitude totale à tout poste a été constatée par le médecin du travail et non contestée par le requérant ;
- la commune était en situation de compétence liée et ne pouvait que le licencier en l'absence de poste disponible correspondant aux compétences du requérant ;
- le préjudice allégué n'est ni justifié, ni établi ;
- le préjudice de " privation partielle des droits " du 12 juin 2009 au 8 juillet 2010 est inexistant dès lors que le requérant a été licencié à compter du 27 avril 2009, et n'apporte aucune précision sur les fondements juridiques et factuels de sa demande ;
- le préjudice moral allégué est inexistant alors que M. C...a été pris en charge financièrement conformément aux textes applicables et que son licenciement était inévitable.
Par ordonnance du 26 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C...a été recruté par la commune de Gaillères (Landes) en qualité d'agent d'entretien à partir du 28 avril 2006. Le contrat de travail à durée déterminée, passé depuis le 10 novembre 2007 en application de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, a été renouvelé plusieurs fois et en dernier lieu, jusqu'au 31 décembre 2009. M. C...a été victime, le 22 septembre 2008, d'un accident du travail. Son état de santé a été consolidé à la date du 27 avril 2009 avec une incapacité permanente partielle de 18 %. Par un avis en date du 7 mai 2009, le médecin du travail compétent a conclu à l'inaptitude de M. C..." à tout poste pour une durée de 365 jours à son poste de travail. " Par un arrêté du 12 juin 2009, le maire de Gaillères a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 27 avril 2009. M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 30 octobre 2014 rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gaillères à lui verser la somme totale de 41 921,37 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'irrégularité de son licenciement et de l'absence de reclassement.
Sur la recevabilité de la demande :
2. Ainsi que l'admet la commune dans ses écritures en défense, elle a reçu un courrier du conseil de M.C..., qu'elle a produit devant les premiers juges à l'appui de ses écritures enregistrées au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 2013. Cette lettre, dans laquelle est sollicitée la réparation du préjudice subi par M. C...à la suite de la rupture de son contrat de travail, constitue une demande préalable précisément chiffrée liant le contentieux, alors même qu'elle n'explicite aucun argument de nature à démontrer l'irrégularité du licenciement. Par suite, la fin de non recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. En premier lieu aux termes de l'article 9 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'agent non titulaire en activité bénéficie en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès (...) " La date de consolidation de la blessure de M. C...a été fixée au 27 avril 2009 et son inaptitude physique a été constatée le 7 mai 2009. De même, la décision de licenciement prend effet au 27 avril 2009 à la date de consolidation de son état de santé. Par suite, M. C...n'est fondé à soutenir ni que le constat de son inaptitude physique ne pouvait intervenir qu'après son placement en congé pour accident du travail, ni, à supposer qu'il ait bien entendu soulever ce moyen, que la décision de licenciement serait intervenue avant l'expiration de ses droits à congé pour accident du travail.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 42 du décret du 15 février 1988, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis. " L'arrêté du 12 juin 2009 indique suffisamment les motifs du licenciement et précise la date de sa prise d'effet.
5. En troisième lieu, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la décision de licenciement est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées dès lors qu'il est constant qu'aucun entretien préalable n'a été organisé. Ce manquement l'ayant privé d'une garantie, M. C...est fondé à soutenir que son licenciement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière.
6. Conformément au principe général des droits de la défense, le licenciement pour inaptitude physique d'un agent public ne peut légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de demander la communication de l'ensemble de son dossier individuel et pas seulement de son dossier médical. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C...ait effectivement été mis à même, avant l'intervention de la décision de licenciement, de demander la communication de ce dossier. Par suite, M. C...est également fondé à soutenir que son licenciement est intervenu en méconnaissance des droits de la défense tels qu'ils sont garantis par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.
7. Aux termes de l'article 13 du décret 15 février 1988 susvisé : " (...) L'agent non titulaire définitivement inapte pour raison de santé à reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie (...) est licencié (...) ". Il résulte du principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un agent non titulaire se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement. Ce principe est applicable en particulier aux agents contractuels de droit public, catégorie à laquelle appartient M.C.... Toutefois, l'administration n'est pas tenue de rechercher un poste de reclassement lorsque, en raison de l'altération de son état de santé, l'agent ne peut plus exercer d'activité et ne peut ainsi faire l'objet d'aucune mesure de reclassement.
8. A la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 22 septembre 2008, M. C...a été placé en congé pour accident du travail à compter de cette date jusqu'au 27 avril 2009, date de consolidation de son état. L'avis du médecin du travail du 7 mai 2009, qui fixe la date à laquelle l'état de santé de M. C...est consolidé, conclut également à l'inaptitude de ce dernier " à tout poste pour une durée de 365 jours à son poste de travail. " Dans les termes où il est rédigé, cet avis ne peut être regardé comme déclarant M. C...définitivement inapte à occuper tout emploi. Il est constant que la commune de Gaillères n'a entrepris aucune démarche pour envisager les conditions de reclassement de M.C.... Dans ces conditions, M.C..., est également fondé à soutenir que la commune n'a pas respecté son obligation de reclassement.
9. Si les illégalités tirées de l'irrégularité de la procédure de licenciement sont constitutives d'une faute, elles ne sont de nature à engager la responsabilité de la commune de Gaillères à l'égard de l'agent qu'à raison des préjudices qui leur seraient directement imputables.
10. La commune fait valoir sans être utilement contredite sur ce point que compte tenu du nombre de ses habitants arrêté à 574, et du nombre limité d'employés communaux et des tâches qui leur sont confiées, deux secrétaires administratives, trois agents techniques, quatre agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles et un agent affecté à la médiathèque, elle ne disposait pas de postes de reclassement compatibles avec les qualifications d'agent d'entretien de M.C.... Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'aptitude physique et professionnelle de M. C...lui aurait permis de conserver un emploi. Par suite, le requérant ne peut prétendre que les illégalités fautives rappelées aux point 5 et 6 et 8 l'auraient privé d'une chance sérieuse de conserver un emploi et les rémunérations qui s'y attachent.
11. Contrairement toutefois à ce qu'ont estimé les premiers juges, les circonstances dans lesquelles a eu lieu le licenciement litigieux de M. C...et les irrégularités formelles décrites aux points 5, 6 et 8 qui caractérisent la précipitation avec laquelle la commune a mis en oeuvre le licenciement de l'appelant, sont de nature à établir la réalité de troubles dans ses conditions d'existence et d'un préjudice moral, dont il sera fait une juste évaluation en lui allouant à ce titre une indemnité globale de 5 000 euros.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est fondé que dans la limite mentionnée au point 11 à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Gaillères de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Gaillères le versement à M. C...de la somme de 1 500 euros au même titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300151 du tribunal administratif de Pau en date du 30 octobre 2014 est annulé.
Article 2 : La commune de Gaillères est condamnée à verser à M. C...la somme de 5 000 euros.
Article 3 : La commune de Gaillères versera à M. C...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...et les conclusions présentées par la commune de Gaillères sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à la commune de Gaillères.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 15BX00012