Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 mars 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1601759 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2016, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 21 juin 2016 ;
2°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 21 mars 2016 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle réside habituellement en France depuis 2011 et a vécu avec son mari jusqu'à son incarcération. Elle rend régulièrement visite à son mari à la maison d'arrêt et ils ont pour projet de fonder une famille. Elle a des attaches familiales en France, où résident sa soeur et la famille de cette dernière. Elle n'a plus aucun contact avec sa mère et son frère dans son pays d'origine. Elle est intégrée et a travaillé à plusieurs reprises en tant que serveuse. Le préfet a donc commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- pour les mêmes motifs, l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2016, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.
Par ordonnance du 24 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2016 à 12 heures.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MlleD..., ressortissante marocaine née le 4 mars 1974, est, selon ses déclarations, entrée en France en 2011 alors qu'elle était titulaire d'un titre de séjour temporaire italien. A la suite de son mariage avec M. A...le 28 septembre 2013, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant de nationalité française. Par un arrêté en date du 21 mars 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 21 juin 2016 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2016.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Préalablement à l'enregistrement de sa requête le 12 octobre 2016, Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 29 septembre 2016. Par suite, sa demande tendant à être admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle est sans objet et par suite irrecevable.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 mars 2016 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Mme A...fait valoir qu'à la date de l'arrêté, elle réside depuis cinq années en France où elle s'est bien intégrée, comme en attestent son mariage avec un ressortissant de nationalité française, avec lequel elle soutient, sans toutefois l'établir, maintenir une relation épistolaire depuis son incarcération, et le fait qu'elle ait travaillé en tant que serveuse. Cependant, si elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en France, et notamment à Albi où résident sa soeur et la famille de cette dernière, elle n'est également pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident à tout le moins sa mère et son frère avec lesquels elle n'établit pas avoir rompu tout contact. Dès lors, eu égard aux conditions de son séjour en France et au caractère relativement récent de son mariage, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été édicté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7(...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Ces dispositions laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.
6. La situation de MmeA..., décrite au point 4, ne révèle aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article peut être écarté. Cette situation ne révèle pas davantage l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté sur la situation de MmeA....
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2017.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX03347