Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Clinique de Choisy, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe à titre principal, de prononcer la décharge de la contrainte résultant de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par la direction régionale des finances publiques pour un montant de 22 875,20 euros au titre de sa contribution versée en application de la convention passée avec l'Etat en vue du versement aux salariés de la clinique de Choisy de l'allocation spéciale licenciement du fonds national de l'emploi (ASFNE), d'ordonner le remboursement de cette somme dont elle s'est acquittée, de condamner la région Guadeloupe à payer à l'Etat la somme de 22 875,20 euros dont s'agit, à titre subsidiaire, de dire que le paiement de cette somme ne lui est pas imputable mais incombe à la région Guadeloupe et d'ordonner la main levée de toutes mesures de recouvrement de ce titre émis à son encontre le 29 mars 1996, l'appel en la cause de la région Guadeloupe par intervention forcée, et dans le cas où le tribunal rejetterait sa demande de décharge, à ce que la région soit condamnée à la garantir de la somme de 22 875,20 euros, de condamner la région Guadeloupe à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1300898 du 29 décembre 2015 le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 31 mars 2016, la société Clinique de Choisy, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) avant-dire droit et sur le fondement de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, d'ordonner à la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE) et à la région de produire la convention passée entre la région et le trésorier-payeur-général (TPG) en exécution de la délibération du conseil régional de la Guadeloupe du 29 juillet 1997 et tous autres documents se rapportant à l'exécution de cette délibération, en particulier les pièces utilisées par la COCHEF (procédure applicable aux entreprises en difficulté) afin d'instruire le dossier de la Clinique de Choisy sur le fondement de la délibération du 29 juillet 1997, ainsi que la décision du 4 juillet 2000 citée par la trésorerie générale de la Guadeloupe dans un courrier, et se rapportant à l'exécution de la convention ;
2°) principalement de par l'effet des délibérations du conseil régional de la Guadeloupe des 29 juillet 1997 et 21 juin 2000, de constater que la région Guadeloupe a pris en charge la somme de 22 875,20 euros et de décharger dès lors la clinique de cette somme en annulant le refus qui lui a été opposé le 23 mai 2013 à sa demande en décharge, et en ordonnant la main levée de toutes mesures de recouvrement de ce titre émis à son encontre le 29 mars 1996, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) dans le cas où la région n'aurait pas effectué ce paiement, de constater que la région Guadeloupe par l'effet des délibérations du conseil régional de la Guadeloupe des 29 juillet 1997 et 21 juin 2000, s'est substituée à la requérante, pour le paiement des sommes en litige, et dès lors de condamner la région Guadeloupe à payer à l'Etat la somme de 22 875,20 euros, ordonnant la main levée de toutes mesures de recouvrement de ce titre émis à son encontre le 29 mars 1996, de condamner la région Guadeloupe à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) dans l'hypothèse où la région n'aurait pas effectué ce paiement, de constater qu'elle s'est, de par les délibérations du conseil régional de la Guadeloupe des 29 juillet 1997 et 21 juin 2000, substituée à la clinique de Choisy, et qu'elle devenue seule débitrice de la somme de 22 875,20 euros ;
5°) dans l'hypothèse où la requérante serait condamnée à verser à l'Etat la somme de 22 875,20 euros, de condamner la région Guadeloupe à payer à l'Etat la somme de 22 875,20 euros, d'ordonner la main levée de toutes mesures de recouvrement de ce titre émis à son encontre le 29 mars 1996, de condamner la région Guadeloupe à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) à défaut, de constater que la région a porté atteinte à ses droits acquis et d'engager sa responsabilité quasi-délictuelle à son égard en la condamnant à lui rembourser la somme de 22 875,20 euros qu'elle-même pourrait être condamnée à payer.
Elle soutient que :
- elle demande à titre liminaire, à la cour, sur le fondement de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, d'ordonner à la DIECCTE et à la région, de communiquer la convention passée entre la région et le trésorier-payeur général en exécution de la délibération du 29 juillet 1997 et tous autres documents se rapportant à l'exécution de cette convention, la région n'ayant pas produit les éléments en sa possession ;
- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, le tribunal était en droit de demander à l'administration tous documents qu'elle aurait jugé utile de lui demander ;
- sur le fond, il est demandé à la cour de dire que la société n'est pas redevable de la somme due, dès lors que c'est à tort que le tribunal a considéré que les délibérations par lesquelles la région s'est engagée à prendre en charge " les dettes sociales et fiscales " et les " dettes sociales et patronales des établissements de santé privées ", excluaient les dettes dues au titre du fond national de l'emploi (FNE) ;
- la délibération du conseil régional de la Guadeloupe du 29 juillet 1997 indique que les dettes sociales des cliniques privées seront prises en charge, et renvoie à cet égard à une mission d'audit et à une convention passée avec le TPG, pour fixer les modalités de cette prise en charge ; il appartient dès lors à la région de produire cet audit et cette convention ;
- le tableau intitulé " situation des dettes fiscales et sociales de la clinique de Choisy au 10 septembre 2001 ", établi par la clinique à la suite de la décision de la COCHEF du 4 septembre 2001 de procéder à la vérification des dettes au regard de la délibération du 21 juin 2000, a été validé par un inspecteur des impôts, qui a rajouté de façon manuscrite, que la dette de 153 450 francs (23 393,30 euros) incombait à la région ;
- si la nouvelle délibération du 21 juin 2000 a entendu annuler la délibération du 29 juillet 1997, c'est uniquement pour reporter sur 7 exercices budgétaires le paiement de cette aide, l'article 2 de la nouvelle délibération maintenant le principe de la prise en charge des dettes sociales des établissements de santé privés ;
- l'expression " dettes sociales et fiscales ", ne saurait être restreinte aux cotisations sociales patronales ;
- le caractère de dettes sociales, ne saurait être dénié aux sommes dues sur le fondement de la convention FNE, dès lors que cette convention émane du ministère chargé du travail ;
- les délibérations en cause ont une portée large ce qui s'illustre notamment par le fait que le tableau établi par la clinique et validé par l'inspecteur des impôts, s'il comporte une ligne FNE, correspondant à une dette de 153 450 francs (23 393,30 euros) fait état de façon globale, de la " situation des dettes fiscales et sociales de la clinique de Choisy au 10 septembre 2001 " ;
- par ailleurs, par un courrier du 25 août 2005, adressé par le directeur départemental du travail au trésorier-payeur général, il est indiqué que le reversement incomberait à la région et non à la clinique de Choisy ;
- aucune notification de refus de prise en charge n'a été adressée à la clinique de Choisy par la région ou la COCHEF ;
- la DIECCTE ne peut remettre en cause l'admission de la dette de la clinique, pas plus au titre des dettes prises en charge par la région, qu'au titre des dettes déclarées dans le cadre du dispositif COCHEF ;
- l'exception de prescription doit être écartée, dès lors que la requérante n'a pu agir contre la région qu'à compter de la mise en demeure adressée à la clinique de Choisy par la DRPFIP, le 27 mars 2013 ; selon l'article 2234 du code civil " la prescription ne court pas ou est suspendue, contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ", et en l'espèce, la société a été dans l'impossibilité d'agir compte tenu de ce qu'elle était en attente de l'issue de la procédure engagée à l'encontre de la région ;
- il doit être fait droit à la requête d'appel de la clinique de Choisy, dès lors qu'il n'est pas exclu que la région ait pris en charge la somme en litige, auprès du Trésor Public ; en toutes hypothèses, la région devra être condamnée à verser à la requérante la contrepartie de la somme due par la requérante à l'Etat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue sociale indique n'avoir pas d'observations à formuler.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 et 28 avril 2017 la région Guadeloupe, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête de la société clinique de Choisy et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative doit être écartée pour irrecevabilité, faute pour la requérante d'avoir saisi préalablement la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ;
- la convention allocation spéciale licenciement du fonds national de l'emploi (ASFNE) permet d'accorder un substitut de rémunération à un salarié, à la place d'un reclassement ; il s'agit d'un libre choix de l'entreprise ; les fonds sont versés par l'Etat, et l'entreprise verse une contribution à l'Etat ; le montant de l'allocation est égal à 65 % du salaire de référence ;
- les cotisations sociales sont constituées par les cotisations et contributions sociales patronales d'origine légale ou conventionnelle qu'un employeur est tenu de verser au titre de l'emploi salarié ;
- comme l'indique le courrier de la DIECCTE du 23 août 2011, les dettes sociales sont constituées par les prélèvements sociaux obligatoires liés à la rémunération et non par la rémunération elle-même ;
- concernant la question de la prescription du titre exécutoire du 19 juin 2008, comme l'a jugé le tribunal administratif, ce titre était soumis à une prescription de cinq ans devant donc intervenir le 19 juin 2013, mais la clinique de Choisy a accusé réception le 22 avril 2013, date de son recours gracieux, de la mise en demeure de payer du 27 mars 2013 du directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe et dans ces conditions, la prescription n'était pas acquise.
Par ordonnance du 28 août 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 octobre 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code du travail ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012.
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er mars 2018, le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- et les conclusions de M. Frédéric Faïck, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Clinique de Choisy a passé avec l'Etat (direction régionale du travail) une convention allocation spéciale licenciement du fonds national de l'emploi (ASFNE) à une date qui n'est pas renseignée par le dossier. Il est constant qu'en vertu de cette convention, l'Etat devait accorder aux salariés de la clinique de Choisy désireux de partir en pré-retraite, une somme représentative d'une partie de leur salaire et en contrepartie, la société Clinique de Choisy devait verser à l'Etat une contribution d'un montant non contesté de 153 450 francs, soit 23 393,30 euros. La clinique de Choisy soutient toutefois que la région Guadeloupe par deux délibérations des 29 juillet 1997 et 21 juin 2000, se serait engagée à prendre en charge les " dettes sociales " des établissements privés de santé, lesquelles, selon la société requérante, engloberaient les sommes dues par elle à l'Etat, sur le fondement de la convention. Elle fait appel du jugement du 29 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer cette somme, résultant d'une mise en demeure de payer émise à son encontre le 2 avril 2013 par la direction des finances publiques, au remboursement de la somme saisie et à la main levée des mesures de recouvrement de la somme en litige ou, subsidiairement, à la condamnation de la région Guadeloupe à supporter cette somme ainsi qu'une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient la région en défense, le juge administratif, dans le cadre de ses pouvoirs d'instruction, est en droit de demander à l'administration, la production de tous documents qu'il estime utiles, et ce alors même que la commission d'accès aux documents administratifs n'aurait pas été saisie d'une demande de communication de documents administratifs. Toutefois, en l'espèce, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en ne faisant pas usage de ses pouvoirs d'instruction, dès lors que la société requérante n'a pas désigné de manière précise les documents dont elle demandait la communication, évoquant même leur existence hypothétique et qu'en tout état de cause, les délibérations dont la société Clinique de Choisy demande à ce qu'il soit fait application ne prévoient que la prise en charge par la région des dettes sociales à caractère patronal des établissements privés de santé se trouvant en difficultés financières, ainsi qu'il sera dit ci-après.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En vertu de l'article 1er de la délibération du 29 juillet 1997, la région Guadeloupe s'est engagée à : " assurer à chacune des cliniques privées de la Guadeloupe dont la situation financière présente de réelles possibilités de redressement, la prise en charge de la part restante de leurs dettes sociales et fiscales " moratoriées " (ayant fait l'objet d'un moratoire) dont le montant sera déterminé par une mission spéciale d'audit ". Selon l'article 2 de la délibération du 21 juin 2000, qui annule la délibération du 29 juillet 1997, la région Guadeloupe s'engage à " prendre en charge le solde des dettes sociales patronales et fiscales des établissements de santé privés, antérieures au 31 juillet 1997 ".
4. Il résulte de ces délibérations, qu'ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les dettes des établissements privés de santé en difficulté que la région Guadeloupe s'est engagée à prendre en charge, sont constituées des dettes sociales afférentes à des cotisations patronales dues à des organismes sociaux, et non comme en l'espèce, des sommes constituant des contributions afférentes à des substituts ou compléments de salaires devant être versés aux salariés, dans le cadre de dispositifs tels que celui passé par la société Clinique de Choisy avec l'Etat (direction régionale du travail) au titre du fonds national de l'emploi (ASFNE). Faute d'obligation pour la région de prendre en charge les dettes de la clinique de Choisy, l'ensemble des conclusions de la société Clinique de Choisy tendant à ce que la région la garantisse de la somme de 23 393,30 euros qu'elle a dû exposer au titre de la convention ASFNE, ou tendant à la condamnation de la région Guadeloupe à lui verser cette somme de 23 393,30 euros, ne peuvent être que rejetées. Il en va de même des conclusions de la société Clinique de Choisy tendant à la décharge de l'obligation de payer cette somme, au remboursement de la somme saisie, à la main levée des mesures de recouvrement de la somme en litige, et, en l'absence de faute, à la condamnation de l'Etat ou de la région à lui verser une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les productions demandées, que la clinique de Choisy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Guadeloupe qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Clinique de Choisy demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante la somme demandée par la région sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Clinique de Choisy est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la région Guadeloupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Clinique de Choisy, à la région Guadeloupe et à la ministre du travail. Copie en sera transmise à la ministre des outre-mer et à la direction régionale des finances publiques de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX001087