Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société Foncière 2001 a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Pierre à lui verser la somme de 4 280 817,60 euros en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2013 et des intérêts dus pour une année, en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait du non-respect des engagements souscrits par la commune dans le cadre de la convention d'aménagement de la ZAC Canabady.
Par un jugement n° 1300895 du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 8 avril 2016 et par un mémoire du 18 janvier 2018, la société Foncière 2001, société à responsabilité limitée, représentée par MeF..., puis par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 7 janvier 2016 ;
2°) de condamner la commune de Saint-Pierre à lui verser dans le dernier état de ses écritures, la somme de 5 518 101 euros en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable du 21 mars 2013 et des intérêts dus, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du non-respect des engagements souscrits par la commune dans le cadre de la convention d'aménagement de la ZAC Canabady, à titre subsidiaire, la somme de 11 804 273, 41 euros, et à titre infiniment subsidiaire, la somme de 3 136 036 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement doit être annulé en ce qu'il juge qu'aucune convention d'échange n'aurait été formée, que la société ne justifierait pas d'un préjudice au titre de la perte de valeur des parcelles DK 195, DK 200 et DK 207, ni au titre de l'impossibilité de revendre ses parcelles ;
-en ce qui concerne la formation d'un contrat d'échange, en vertu des articles L. 1111-1 et L. 1111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et des articles 1583, 1702 et 1703 du code civil, le contrat est valablement formé par l'acceptation de l'offre émise par une partie et dans ce cas, la date de formation du contrat est celle de l'émission de l'acceptation ;
- c'est le juge judiciaire qui est compétent pour connaître de l'action déclarant parfait le contrat portant sur un bien du domaine privé et à cet égard la société a saisi le juge judiciaire qui a décliné sa compétence par un arrêt de la Cour d'appel de Saint-Denis du 1er décembre 2015 ;
- pour satisfaire aux demandes de la commune de créer une coulée verte inconstructible et de modifier ainsi le PAZ de la ZAC Canabady, les associés de la société foncière 2001 ont pris un engagement unilatéral déposé le 18 avril 2001, chez un notaire de Saint-Paul, de céder à la commune un " hectare aménagé en mail planté pour permettre l'accès à la zone depuis la ZAC Canabady " en échange de quoi la commune s'engageait à rétrocéder à la société un hectare non aménagé en bordure de la ZAC le long de la concession n° 3 " et cette offre a été acceptée par la commune, l'acceptation de cette offre d'échange ayant été incluse dans la convention d'aménagement du 25 juin 2003 signée par le maire le 8 juillet 2003, ce qui est confirmé par le courrier du maire du 27 septembre 2005 ; le 6 décembre 2005, la commune confirmait les modalités d'exécution de l'opération d'échange qui supposait l'établissement d'un document d'arpentage ; la société a dépensé la somme de 500 000 euros pour la réalisation de cette coulée verte ;
- la commune, qui a consulté le service des domaines le 6 février 2007, pour un échange entre la parcelle DI 137 et les parcelles DK 207, 200 et 195 de la coulée verte, est liée avec la société, pour les échanges de terrains, la société revendiquant la remise par la commune en vertu de cet échange, de la surface de 10 000 m2 à détacher de la parcelle DI 137 ;
- la commune a commis une faute contractuelle en méconnaissant les obligations résultant de la convention d'aménagement et en opérant ce transfert une fois que la parcelle en question a été classée en zone constructible alors que la parcelle DI 137 était auparavant en zone inconstructible ;
- le classement en zone inconstructible de la parcelle qu'elle devait transférer à la commune, a entraîné une réduction de la valeur de cette parcelle à la somme de 27 000 euros, soit une moins-value pour la société, de 1 457 188, 57 euros ;
- la société a donc subi un préjudice de 1 457 188, 57 euros correspondant au prix d'achat et des aménagements importants qu'elle a réalisés au profit de la commune, qui bénéficiait ainsi du bénéfice de travaux d'aménagement d'une desserte tant en voirie qu'en réseaux de ses terrains inconstructibles situés à l'ouest de la ZAC Canabady ;
- outre la dévalorisation des parcelles qui constituent l'assiette de la coulée verte, la société a vu l'économie de son projet bouleversée du fait des agissements de la commune ;
- si la commune avait réalisé l'échange, la société aurait pu disposer d'un terrain de 10 000 m2, qu'elle aurait cédé à la société Sobeca ;
- c'est à tort que le tribunal a cru pouvoir considérer que les terrains de la coulée verte pouvaient difficilement être vendus du fait de l'existence d'une servitude de passage d'une ligne à haute tension dès lors que le projet initial de ZAC prévoyait un enfouissement ou un déplacement de cette ligne et à tout le moins une voirie dans le cylindre de protection de cette ligne et que le terrain qui devait être remis à l'échange n'était pas grevé de cette servitude ;
- la responsabilité de la commune doit être engagée au titre de la responsabilité sans faute dès lors que la commune a unilatéralement modifié le zonage du terrain appartenant à la société, en classant par délibération du 12 juillet 2002, en zone inconstructible le terrain aménagé en coulée verte, devant être rétrocédé à la commune, alors qu'il était auparavant constructible, et c'est sur cette base que la commune a demandé le jour de la signature de la convention d'aménagement du 23 juin 2003, le paiement d'une soulte de 2,473 millions d'euros ;
- en ce qui concerne la réparation du préjudice, la société a subi un préjudice économique à hauteur de 2,5 millions d'euros du fait du déclassement du terrain et elle a subi aussi un préjudice de 2 636 036 euros, compte tenu du manque à gagner sur la valeur des terrains ; elle a subi aussi un préjudice d'image, ce qui fait que le préjudice subi par la société s'établit à la somme de 5 518 101 euros ; à titre subsidiaire, la société invoquait la nullité du contrat, que le tribunal aurait dû retenir, en soulevant le moyen d'office, et le jugement du tribunal est dès lors entaché d'irrégularité ; la convention est entachée de nullité faute de respect des règles de publicité et de mise en concurrence de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme ; la société est fondée à demander réparation à la commune de la somme de 11 804 273 euros ; en tout état de cause l'article 3 de la convention est entaché de nullité, dès lors qu'en prévoyant l'aménagement d'une coulée verte par la commune, il s'apparente à un marché public et non à une convention d'aménagement ; à titre infiniment subsidiaire, la société demande à ce titre la condamnation de la commune à lui verser la somme de 3 136 036 euros en réparation du préjudice subi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 11 septembre 2017, la commune de Saint-Pierre représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête de la Société Foncière 2001 et à ce que soit mise à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce que soutient la SARL Foncière 2001, aucun contrat d'échange n'est intervenu entre la commune de Saint-Pierre et la SARL, ni déposé entre les mains d'un notaire ; c'est en effet un engagement unilatéral qui a été pris devant notaires par la société, le 18 avril 2001, de céder à la commune de Saint-Pierre 1,1 hectare de terrain aménagé en mail planté pour permettre l'accès depuis la ZAC Canabady à l'ensemble foncier appartenant à la commune ; s'il était indiqué qu'en contrepartie la commune s'engageait à rétrocéder un hectare non aménagé de terrain en bordure de la ZAC, la commune n'avait en réalité pris aucun engagement ;
- à cet égard les délibérations des 11 mai 2001 et 12 juillet 2002 du conseil municipal ne font qu'évoquer " un échange futur ", et la convention d'aménagement des 24 et 25 juin 2003, " un espace destiné à être rétrocédé à la commune en échange d'un terrain cadastré DI 137 " ; la cour d'appel de Saint-Denis a par un arrêt du 1er décembre 2015, débouté la société de sa demande ; à supposer même qu'aurait existé un accord, il n'aurait pu autoriser un échange sans soulte de deux biens immobiliers se trouvant dans un rapport de valeur de presque 1 à 10 000 ; que par ailleurs la réalisation d'un échange devait se faire dans les conditions prévues par les articles L. 1111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales ;
- par ailleurs, la société ne peut justifier d'un préjudice indemnisable, dès lors que les terrains d'assiette de la future " coulée verte " étaient dès la délibération du 12 juillet 2002 approuvant la modification partielle du POS, classés en zone ZN qui rendait inconstructible l'assiette foncière de cette coulée verte et ces terrains étaient précédemment classés en zone NC et actuellement le règlement de la zone AUzn du PLU impose des obligations équivalentes à celles du classement en zone ZN ; dès avant la conclusion de la concession d'aménagement des 24 et 25 juin 2003, l'utilisation du sol devant recevoir la coulée verte était limitée, si bien que la SARL Foncière n'a pu se méprendre sur leur valeur lors de la conclusion de cette convention ; les parcelles cadastrées DK 207, 200, 195 et 197 n'ont donc jamais été constructibles contrairement à ce qu'allègue la société requérante ; ces parcelles font par ailleurs l'objet d'une servitude légale d'inconstructibilité du fait des lignes électriques qui les traversent ; en tout état de cause à supposer même que ces parcelles soient devenues constructibles, l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme fait obstacle à l'indemnisation de la Société Foncière ; à titre surabondant la réalité même du préjudice n'est pas établie dès lors que comme l'a relevé le tribunal administratif, il n'est pas établi l'évaluation du terrain dans les documents comptables de la société, à la somme de 1 679 781 euros ;
- la procédure engagée par la SARL Foncière 2001 devant les juridictions judiciaires, à l'effet de poursuivre l'exécution forcée de l'engagement d'échange, a été rejetée par le TGI de Saint-Pierre, puis par la Cour d'appel de Saint-Denis, par un arrêt du 1er décembre 2015, et la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi en cassation par un arrêt du 11 mai 2017.
Par un courrier du 13 juin 2018, les parties ont été informées sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible de fonder la solution du litige, sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société Foncière 2001, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
Un mémoire a été produit le 20 juin 2018 par la commune de Saint-Pierre, mais n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz,rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la SARL Foncière 2001 et de Me B..., représentant la commune de Saint-Pierre.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 10 juin 1999, la commune de Saint-Pierre (Ile de la Réunion) a approuvé la création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) Canabady de 21 hectares dont le plan d'aménagement a été arrêté puis approuvé par délibérations des 28 avril et 22 décembre 2000 du conseil municipal. Par cette dernière délibération, l'aménagement de la ZAC a été confié à la société Foncière 2001, aménageur et principal propriétaire des terrains dans le périmètre de la ZAC. Compte tenu de la volonté de la commune de créer dans la ZAC une coupure d'urbanisation dite " coulée verte ", la société, par acte notarié du 18 avril 2001 s'est engagée à procéder à l'échange de terrains, lui appartenant, cadastrés DK 195, 200 et 207, classés en zone NA d'urbanisation future et d'une surface de 1,1 hectare, contre des terrains appartenant à la commune cadastrés DI 137. Par une délibération du 11 mai 2001 le conseil municipal a décidé de modifier le projet en créant une coupure d'urbanisation dite " coulée verte " de 50 sur 220 mètres environ, sur le tiers supérieur de la ZAC afin d'en favoriser la desserte et d'améliorer son impact paysager par un mail entouré d'espaces verts. Cette délibération indique dans ses motifs, que " la collectivité souhaite faire évoluer le projet, lequel prendra en considération, une coupure d'urbanisation dans son tiers supérieur par la réalisation d'un mail planté conséquent d'environ 1,1 hectare, objet d'un échange futur avec un terrain communal non aménagé en bordure de cette même ZAC ". Par une délibération du 12 juillet 2002, la commune a modifié le plan d'occupation des sols, ce qui a eu pour effet de classer en zone NC inconstructible les parcelles cadastrées DK 195, 200 et 207. La convention d'aménagement conclue le 24 juin 2003 entre la commune et la société, dont la signature par le maire a été autorisée par délibération du conseil municipal du 28 février 2003 indique " Article 3 : Principe d'une " coulée verte ". La société s'engage à aménager et à réaliser conformément aux accords passés entre la commune et la société Foncière 2001, déposée au rang des minutes de Me E...(notaire), une voie de communication pénétrante à caractère environnemental, établissant une liaison physique permettant d'accéder aux équipements à venir, sis à l'arrière de la ZAC. Ce mail a une surface d'assiette d'environ 1,2 hectare. Cet espace est destiné à être rétrocédé à la commune, en échange d'un terrain cadastré DI 137 à surface égale au mail précité, occupé à ce jour par un colon ". La commune a demandé à la société, en se référant à la convention du 24 juin 2003 le paiement d'une soulte de 2 473 000 euros au profit de la commune correspondant à la différence de valeur dans le cadre de l'échange, entre les parcelles de la commune et les parcelles de la société. La société qui a finalement refusé l'échange dans ces conditions et procédé le 1er décembre 2008 à l'acquisition de la parcelle DI 137 pour un prix de 2 732 065 euros, a après demande préalable indemnitaire, demandé devant le tribunal administratif de La Réunion la condamnation de la commune de Saint-Pierre à lui verser une somme de 4 280 817,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2013 et leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait notamment de l'application par la commune d'une soulte de 2 473 000 euros.
2. La Société Foncière 2001 relève appel du jugement du 7 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa requête.
Sur la responsabilité contractuelle :
3. Il résulte de l'instruction, et notamment des différents actes unilatéraux émanant de la commune de Saint-Pierre, et des actes contractuels, conclus entre la société et la commune, que si la commune a envisagé un échange de terrains avec la société, elle n'a pas formellement prévu le principe de l'intervention d'un tel échange ni à fortiori ses modalités et notamment le paiement d'une soulte, jusqu'à ce que la commune après estimation par le service des domaines de la valeur des parcelles, par un courrier du 9 mai 2007 adressé à la société Foncière 2001, lui a demandé le paiement d'une soulte de 2 473 000 euros au profit de la commune correspondant à la différence de valeur dans le cadre d'un échange, entre les parcelles de la commune, DI 137 et les parcelles DK 195, 200 et 207 appartenant à la société. En tout état de cause, la commune et la société Foncière 2001 n'ont pas procédé à un échange de terrains, la propriété des terrains DK 195, 200 et 207 appartenant à la société Foncière 2001 n'ayant jamais été transférée à la commune, si bien que la société Foncière 2001 ne s'est pas acquittée du paiement de la soulte demandée par la commune dans le cadre d'un échange. Si la propriété du terrain DI 137 appartenant à la commune a été transférée à la société Foncière 2001, ce transfert ne s'est opéré que le 1er décembre 2008 sous forme d'acquisition par la société Foncière 2001, par acte notarié, du terrain DI 137 appartenant à la commune sans que cette vente n'intègre le versement d'une soulte. Dans ces conditions, en admettant même que la société Foncière 2001 comme elle le soutient aurait été contrainte compte tenu de son engagement vis-à-vis d'une autre société, de procéder à l'acquisition du terrain DI 137 appartenant à la commune, elle n'est pas fondée à invoquer comme étant à l'origine directe de son préjudice un manquement de la commune à ses obligations contractuelles dans le cadre d'un échange de terrains, pour demander le remboursement d'une soulte qu'elle n'a pas versée, l'échange n'ayant pas eu lieu. La société Foncière 2001 n'est dès lors pas fondée à se plaindre du rejet par le tribunal administratif, de ses conclusions présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Sur la responsabilité quasi-contractuelle :
4. Si peuvent être invoqués pour la première fois en appel, par le signataire d'un contrat, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause procuré à la collectivité co-contractante, à raison d'un contrat entaché de nullité, de tels moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur une cause juridique nouvelle. Dans ces conditions, dès lors que la requête d'appel du 8 avril 2016 présentée par la société Foncière 2001, n'était fondée que sur la responsabilité contractuelle, elle n'est pas recevable, ainsi que les parties en ont été informées par le courrier susvisé du 13 juin 2018 à invoquer en appel, dans son mémoire du 18 janvier 2018, soit au-delà du délai d'appel, des conclusions fondées sur la responsabilité quasi-contractuelle. Ces conclusions sont donc irrecevables et doivent être rejetées.
Sur la responsabilité sans faute :
5. Aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu ". Ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Elles ne font, toutefois, pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.
6. La société requérante fait valoir que la responsabilité de la commune doit être engagée au titre de la responsabilité sans faute dès lors que la commune a unilatéralement modifié le zonage du terrain appartenant à la société, en classant par délibération du 12 juillet 2002, en zone inconstructible le terrain de la société aménagé en coulée verte, devant être rétrocédé à la commune, alors qu'il était auparavant constructible, et que c'est sur cette base que la commune a demandé le jour de la signature de la convention d'aménagement du 23 juin 2003, le paiement d'une soulte de 2,473 millions d'euros. Toutefois, ainsi qu'il est indiqué au point 3 du présent arrêt, à supposer que la commune et la société Foncière 2001 soient considérées comme ayant formellement convenu de l'échange de terrains, le transfert de propriété de la parcelle DI 137, s'est opéré par l'achat par la société de la parcelle DI 137, et non dans le cadre de l'échange proposé par la commune avec paiement d'une soulte de 2,473 millions d'euros. Dès lors le préjudice économique invoqué, à le supposer établi, ne peut être regardé comme résultant directement du changement de zonage. Dans ces conditions, la société Foncière 2001 n'est pas fondée à demander l'engagement de la responsabilité de la commune sur le fondement de la responsabilité sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Foncière 2001 doit être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Pierre qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SARL Foncière 2001 demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Pierre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Foncière 2001 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Pierre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Foncière 2001 et à la commune de Saint-Pierre. Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 août 2018.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01202