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25/09/2018 | FRANCE | N°16BX01389

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 16BX01389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...Poitrasson a demandé par trois requêtes enregistrées le 7 janvier 2014 au greffe du tribunal administratif de La Réunion de lui accorder le bénéfice de l'abattement prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts en faveur des entreprises implantées dans les zones franches d'activité, au titre de l'impôt sur ses revenus des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1400006, 1400008 et 1400913 du 18 décembre 2015, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit

à sa demande en prononçant une réduction d'imposition au titre des années précitées.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...Poitrasson a demandé par trois requêtes enregistrées le 7 janvier 2014 au greffe du tribunal administratif de La Réunion de lui accorder le bénéfice de l'abattement prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts en faveur des entreprises implantées dans les zones franches d'activité, au titre de l'impôt sur ses revenus des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1400006, 1400008 et 1400913 du 18 décembre 2015, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande en prononçant une réduction d'imposition au titre des années précitées.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 26 avril 2016 et le 16 octobre 2017, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 18 décembre 2015 ;

2°) de rétablir l'imposition sur le revenu à laquelle M. Poitrasson a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 procédant de la taxation de ses revenus professionnels à hauteur de 50 % ;

3°) de rejeter la demande de M. Poitrasson.

Il soutient que :

- le litige ne revêt aucun enjeu financier pour l'année 2010 dès lors que M. Poitrasson n'était pas imposable au titre de cette année ;

- la demande de rétablissement de l'imposition de M. Poitrasson est limitée aux 50 % dégrevés résultant de l'exécution du jugement attaqué : il reconnaît avoir commis une erreur en procédant en exécution du jugement attaqué au dégrèvement total de l'imposition de l'intéressé au titre des années 2011 et 2012 alors que l'abattement accordé par les premiers juges ne concernait que 50 % des sommes auxquelles il a été assujetti ;

- les revenus professionnels de M. Poitrasson relèvent de la catégorie des traitements et salaires en application de l'article 62 du code général des impôts et non de celle des bénéfices non commerciaux ; ainsi, l'intéressé ne peut bénéficier de l'abattement prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts en faveur des entreprises implantées dans les zones franches d'activité : en effet, si l'intéressé est avocat associé au sein de la SELARL Lexipolis, il en est codirigeant majoritaire et a déclaré ses revenus au titre des années en cause en tant que traitements et salaires sans souscrire de déclaration de TVA et de CFE ; ce choix lui est donc opposable ; en outre, il n'est pas établi que la jurisprudence d'Arthuis (CE, 16 octobre 2013 n°339822) soit transposable en l'espèce en l'absence de démonstration d'éléments circonstanciés quant aux conditions d'exercice de son activité d'avocat tendant à justifier de la qualification de ses revenus en bénéfices non commerciaux ;

- l'abattement consenti par les premiers juges conduit à appliquer deux fois l'avantage prévu par l'article 44 quaterdecies précité, une première fois au niveau de la société, une seconde fois pour l'associé alors que l'avantage doit en principe être appliqué uniquement au niveau de la société Lexipolis ;

- il ne saurait se prévaloir de la réponse de la Direction de la Législation Fiscale à l'ANAAFA du 27 septembre 2011 qui ne vise que les avocats collaborateurs rémunérés par des honoraires et assimilés à des avocats indépendants dont les revenus sont imposés en bénéfice non commerciaux ; il n'a pas le statut de collaborateur, n'a pas perçu de rémunération sous forme d'honoraires rétrocédés et n'a respecté aucune des obligations déclaratives incombant aux titulaires des bénéfices non commerciaux ;

- il ne remplit pas les conditions posées par l'article 44 quaterdecies dès lors qu'il n'a pas souscrit de déclaration professionnelle n° 2035 conformément à l'article 96 du code général des impôts au titre de son activité libérale dans les délais légaux et qu'il n'a donc pas rempli les obligations fiscales incombant aux titulaires de bénéfices non commerciaux ; il ne remplit pas davantage les conditions posées par l'article 49 ZB de l'annexe III au code général des impôts auxquelles sont subordonnées le bénéfice de l'abattement sollicité.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 septembre 2017 et le 4 juillet 2018, M. Poitrasson, représenté par MeB..., conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête du ministre des finances des comptes publics et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les impositions sur ses revenus professionnels au titre des années 2011 et 2012 ont été entièrement dégrevées en janvier 2016 par l'administration alors que le litige ne portait que sur l'abattement de 50 % prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts de sorte que ce dégrèvement est supérieur au montant déchargé en exécution du jugement attaqué ; ce dégrèvement constitue une décision explicite créatrice de droit insusceptible de retrait à l'expiration du délai de quatre mois, lequel est largement dépassé en l'espèce ; le recours du ministre est donc irrecevable ;

- les revenus concernés ayant été déclarés selon les règles prévues par la réponse Cousin du 16 septembre 1996 (publiée au journal officiel de l'Assemblée Nationale n° 39937), invalidée par un arrêt du Conseil d'Etat (CE 16 octobre 2013 n° 339822), l'administration ne peut utilement lui reprocher l'absence de respect des obligations déclaratives applicables en matière de bénéfices non commerciaux ;

- en application de l'arrêt précité du Conseil d'Etat alors qu'il exerce sa profession d'avocat sans être soumis à un lien de subordination avec la société au sein de laquelle il est dirigeant majoritaire, ses revenus relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux conformément aux dispositions de l'article 92 du code général des impôts ;

- le bénéfice de l'abattement prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts ayant été accordé aux avocats collaborateurs et aux avocats associés non dirigeants majoritaires, il doit également pouvoir en bénéficier ;

- il résulte de la doctrine BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-10-20120912 qu'exerçant au sein d'une société d'exercice libéral (SEL) il n'est pas le redevable de la TVA puisque c'est la société seule qui doit facturer la TVA à ses clients ;

- il n'y a aucune atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques dès lors que deux avocats soumis au régime des travailleurs non salariés non agricoles exerçant au sein d'une même structure doivent être traités de façon identique ; si les avocats collaborateurs bénéficient de l'abattement lorsque leur structure d'exercice en bénéfice elle-même il doit en être de même dans sa situation où sa société ainsi que les avocats associés non majoritaires bénéficient de l'abattement ; il n'y a pas cumul d'avantage fiscal dès lors que la structure d'exercice ne bénéficie de l'abattement que sur son résultat d'exploitation, déduction faite des rémunérations des avocats soumis au régime des travailleurs non salariés ;

- les conditions d'application de l'abattement doivent être appréciées au sein de la structure d'exercice et non pour l'associé lui-même ainsi que l'indique la lettre du 27 novembre 2011 de la direction de la législation fiscale adressée à l'ANAFAA et la doctrine BOI-BIC-CHAMP-80-10-80 n°145.

Par ordonnance du 16 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 novembre 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

- et les observations de Me Poitrasson.

Considérant ce qui suit :

1. M. Poitrasson, avocat associé et gérant majoritaire de la Selarl Lexipolis a sollicité, par lettres des 21 février 2013 et 23 mai 2014, le bénéfice de l'abattement de 50 % prévu par les dispositions de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts en faveur des entreprises implantées dans les zones franches d'activité au titre de l'imposition de ses revenus professionnels des années 2010, 2011 et 2012. Ses réclamations ayant été rejetées, l'intéressé a saisi le tribunal administratif de La Réunion qui a fait droit à ses demandes seulement au titre des années 2011 et 2012, M. Poitrasson n'étant pas imposable au titre de l'année 2010.

2. En exécution de ce jugement, le ministre a prononcé par erreur en janvier 2016 le dégrèvement total de l'imposition des revenus professionnels de M. Poitrasson au titre des années 2011 et 2012 alors que le jugement attaqué ne faisait droit, conformément à la demande de l'intéressé, qu'au bénéfice de l'abattement de 50 % prévu par l'article 44 quaterdecies précité.

3. Le ministre relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à la demande de M. Poitrasson et demande le rétablissement de l'imposition de l'intéressé limité à hauteur de 50 % du montant dégrevé correspondant à la réduction d'impôt accordée par les premiers juges.

Sur l'étendue du litige :

4. La circonstance que l'administration a, par erreur, prononcé un dégrèvement pour des montants supérieurs à ceux qu'impliquaient nécessairement l'exécution du jugement du tribunal administratif n'a pas eu pour effet de priver d'objet l'appel du ministre dirigé contre ce jugement dans la mesure où il tend, ainsi qu'il a été dit, au rétablissement des impositions déchargées par l'effet du dispositif de ce jugement. Par suite, l'appel du ministre, qui, dans ses dernières écritures, sollicite uniquement le rétablissement du montant de l'imposition dégrevée conformément au jugement attaquée, n'est pas dépourvu d'objet.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées (...) à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement dans les conditions prévues aux II ou III lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes : / 1° Elles emploient moins de deux cent cinquante salariés et ont réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros ; / 2° L'activité principale de l'exploitation relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B ou correspond à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises ; / 3° Elles sont soumises soit à un régime réel d'imposition, soit à l'un des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter. (...)/ II.-Les bénéfices mentionnés au I, réalisés et déclarés selon les modalités prévues aux articles 50-0,53 A, 72,74 à 74 B, 96 à 100,102 ter et 103 par les entreprises répondant aux conditions prévues au I, à l'exception des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs, font l'objet, dans la limite de 150 000 €, d'un abattement au titre de chaque exercice ouvert à compter du 1er janvier 2008. (...) ". Aux termes de l'article 96 du même code : " I. Les contribuables qui réalisent ou perçoivent des bénéfices ou revenus visés à l'article 92 sont obligatoirement soumis au régime de la déclaration contrôlée lorsque le montant annuel de leurs recettes excède 32 600 €./ Peuvent également se placer sous ce régime, les contribuables, dont les recettes annuelles ne sont pas supérieures à 32 600 €, lorsqu'ils sont en mesure de déclarer exactement le montant de leur bénéfice net et de fournir à l'appui de cette déclaration toutes les justifications nécessaires. (...)".

6. En application des dispositions précitées, le manquement aux obligations déclaratives prévues aux articles 96 à 100 du code général des impôts entraîne l'exclusion du bénéfice du régime de faveur prévu au I de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.

7. Il résulte de l'instruction que l'administration a imposé dans la catégorie des traitements et salaires les revenus des années 2011 et 2012 de M. Poitrasson selon les éléments figurant sur les déclarations modèle 2042 établies par ce dernier au titre de ses années, et lui a refusé, à la suite de ses réclamations, le bénéfice du régime de l'article 44 quaterdecies précité.

8. Il est constant que M. Poitrasson a déclaré ses revenus dans la catégorie des traitements et salaires. S'il soutient que ses revenus professionnels relèvent en réalité de la catégorie des bénéfices non commerciaux et qu'il est en droit de bénéficier de l'abattement en litige, il résulte toutefois de l'instruction qu'il n'a pas établi de déclaration de bénéfices non commerciaux contrairement aux exigences prévues par les dispositions précitées de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts. Ce défaut de déclaration de bénéfices non commerciaux permet à lui seul de justifier l'exclusion du bénéfice des dispositions précitées de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.

9. La circonstance que la Selarl Lexipolis dont il est cogérant a bénéficié au titre des années en litige de l'abattement prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, dès lors qu'elle en remplissait l'ensemble des conditions, ne saurait l'exonérer, en sa qualité de contribuable, du respect de ses propres obligations déclaratives.

10. Dans ces conditions, l'administration est fondée à soutenir que M. Poitrasson ne remplissait pas l'ensemble des conditions formelles pour bénéficier de l'abattement qu'il sollicite.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à la demande de M. Poitrasson.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que demande M. Poitrasson au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : M. Poitrasson est rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2011 et 2012 à hauteur des sommes déchargées par le tribunal administratif de La Réunion.

Article 2 : Le jugement, en date du 18 décembre 2015, du tribunal administratif de La Réunion est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A... Poitrasson. Copie en sera délivrée au ministre des outre-mer et à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 28 août 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 16BX01389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01389
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-01-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Personnes et activités imposables. Exonération de certaines entreprises nouvelles (art. 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL ARNAUD-LEXIPOLIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-25;16bx01389 ?
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