Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier Ariège-Couserans à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont il a été victime.
Par un jugement n° 1403283 du 4 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M.C....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2017, et des pièces enregistrées le 6 février 2017, M. C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2016 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Ariège-Couserans à lui verser une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Ariège-Couserans une somme
de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il a fait l'objet de multiples refus opposés irrégulièrement à ses demandes de formation au titre de la préparation au concours d'entrée à l'Institut de formation des cadres ; qu'il a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de son cadre de santé, MmeB..., laquelle a pris à son égard des décisions et positionnements non justifiés qui se sont manifestés notamment par le blocage de sa note en 2004 et 2010, des modifications de planning, une violation des préconisations du service de médecine préventive, un refus d'autorisation d'absence au titre du décès de son père en 2008, et sont à l'origine d'une dépression sévère avec séquelle d'hypertension artérielle, imputable au service et lui ouvrant droit à des dommages et intérêts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2017, le directeur du centre hospitalier Ariège-Couserans, représenté par MeH..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucun moyen d'appel ;
- à titre subsidiaire, que M. C...se prévaut de faits insusceptibles d'être assimilés à des agissements de harcèlement moral dont les éléments constitutifs ne sont en outre pas réunis, en l'absence de faits répétés dans le temps, d'intention de nuire et de préjudice en résultant.
Par une ordonnance du 8 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M.G...,
- et les observations de MeE..., représentant le centre hospitalier Ariège-Couserans.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., infirmier diplômé d'État, titulaire de la fonction publique hospitalière et affecté au centre hospitalier de Saint-Girons, devenu centre hospitalier Ariège-Couserans, depuis le 1er septembre 1998, relève appel du jugement du 4 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation du harcèlement moral dont il estime avoir été victime de la part de sa supérieure hiérarchique.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".
3. Ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif de Toulouse, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.
La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
5. M. C...soutient qu'il a été victime d'une dépression nerveuse sévère avec séquelle d'hypertension artérielle qui trouve son origine directe dans le comportement de harcèlement moral dont il a fait l'objet de la part de MmeB..., sa cadre de santé.
En ce qui concerne les refus de formation :
6. En premier lieu, s'il est exact que M. C...s'est vu refuser ses demandes de formation au titre de la préparation au concours de l'institut de formation des cadres de santé en 2001, 2002, 2004 et 2005, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...en serait à l'origine, ni même que son avis ait été sollicité. En tout état de cause, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que ces décisions de refus, prises par la directrice des services de soins, et qui, au demeurant, n'ont jamais fait l'objet de contestation de la part de l'intéressé, seraient fondées sur une appréciation inexacte des faits, ni qu'elles auraient été prises en méconnaissance de la règlementation.
En ce qui concerne le blocage de sa note :
7. En deuxième lieu, M. C...soutient avoir fait l'objet d'un blocage injustifié de sa note en 2004 et 2010, laquelle avait été maintenue respectivement à 17,50 et 19,50 sur 25. Toutefois, son responsable hiérarchique, Mme B...qui, du reste, l'a évalué favorablement entre ces deux dates en proposant chaque année la progression de sa note et à qui il appartenait d'apprécier sa manière de servir au titre de l'année écoulée, n'était pas tenue, en tout état de cause, de l'augmenter chaque année.
8. En ce qui concerne l'année 2004, il est constant que le maintien de la note
de M. C...proposée par Mme B...était motivé par l'engagement résolu de l'agent, rejoint par une majorité de l'équipe, dans une démarche de réorganisation du temps de travail en vue d'un fonctionnement du service en 12 heures, que la responsable hiérarchique a estimé ponctué de maladresses et fait au détriment de ses missions d'infirmier, qui ont été délaissées. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la note ainsi attribuée, fondée sur son attitude et sa manière de servir, aurait été entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa manière de servir au titre de l'année considérée, ni d'un détournement de pouvoir.
9. En ce qui concerne l'année 2010, il est fait notamment grief à M. C...l'utilisation modérée de la saisie informatique des données médicales permettant d'assurer la traçabilité dans les dossiers de soins de l'administration des médicaments. S'il soutient qu'il s'agissait d'une démarche de l'ensemble de l'équipe justifiée par l'absence de matériel et outils informatiques suffisants mis à disposition et qu'il aurait été le seul à se le voir reprocher, il ressort des pièces du dossier que, dans l'attente de livraison et installation d'un nouvel ordinateur, une nouvelle organisation a été préconisée par la cadre de santé et qu'un seul autre infirmier a également refusé de saisir les données, tous les autres y procédant. En outre, le maintien de sa note au titre de l'année 2010 était principalement justifié par un manque d'implication dans l'encadrement des étudiants accueillis durant l'année, un investissement moyen dans les prestations de soins propres à sa fonction d'infirmier et un travail moins soutenu comparativement aux années précédentes, ce qu'il ne conteste pas. Ainsi le maintien de sa notation au même niveau que l'année précédente n'apparait pas discriminatoire et ne peut être regardé comme ayant excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
En ce qui concerne la gestion des plannings :
10. En troisième lieu, si M. C...reproche à Mme B...d'avoir procédé à son égard à des modifications de planning intempestives sans délai de prévenance et de lui avoir refusé systématiquement des congés, il n'apporte toutefois aucun élément factuel précis et circonstancié permettant de faire présumer l'existence d'actes répétés et délibérés sur la période en cause pouvant être qualifiés d'un comportement constitutif d'un harcèlement moral dont il aurait fait l'objet de la part de sa supérieur hiérarchique. S'il indique également qu'en 2008 Mme B...lui aurait refusé un congé lié au décès de son père alors qu'elle l'avait accepté pour un autre agent, un tel refus, à le supposer avéré, ne peut à lui seul faire présumer l'existence d'une mesure discriminatoire ou constitutive de harcèlement moral.
11. M. C...soutient également que Mme B...n'aurait pas respecté les prescriptions du service de médecine préventive figurant dans un bulletin de reprise du 12 octobre 2010, préconisant un travail de nuit durant six mois. À cet égard, l'administration établit que l'intéressé a pourtant travaillé en 2010 principalement en horaires de nuit sur un créneau de 20 h à 8 h et il ressort des pièces du dossier que l'appelant s'est trouvé placé en arrêt de maladie prolongé à compter du 3 décembre 2010 et n'a repris son activité dans le même service que
le 1er septembre 2011. Il ne peut dès lors être reproché à sa cadre de santé de ne pas l'avoir affecté la nuit dans les suites de ces préconisations.
12. Enfin, s'il n'est pas contesté que M. C...disposait d'un quota d'heures de travail et d'heures syndicales à récupérer qui n'apparaissaient pas sur le logiciel, l'administration l'explique par une défaillance du circuit de transmission des bons d'autorisation et du système de décompte informatisé des heures. Et il ne ressort pas des pièces du dossier que
Mme B...aurait, comme le soutient M.C..., omis sciemment de décompter ces heures de travail dans une proportion significative de plus de 100 heures.
En ce qui concerne la reconnaissance en maladie professionnelle :
13. En dernier lieu, les certificats médicaux dont M. C...se prévaut, qui indiquent qu'il est en état de souffrance psychologique associée à une hypertension artérielle, pour laquelle il est traité depuis septembre 2004 et qui serait apparue dans le contexte du travail, lors de la prise de connaissance du blocage de sa note décrit au point 8, avec une aggravation en 2010 suite à son entretien d'évaluation, ne font que relayer à cet égard le ressenti de l'intéressé et ne suffisent pas à faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral. La circonstance que l'expertise médicale réalisée à la demande de la commission de réforme réunie le 7 juillet 2011 afin de dire si les arrêts de travail du 3 décembre 2010 au 30 juin 2011 sont imputables au service a conclu à l'existence d'un lien entre ces arrêts et son activité professionnelle et que la commission a rendu un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service n'est pas non plus de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement de la part de la cadre de santé.
14. Il résulte de ce qui précède que les agissements reprochés par M. C...à sa cadre de santé, dont la répétition ne ressort pas des pièces du dossier, ne sauraient, pris ensemble ou isolément, être regardés comme ayant excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier Ariège-Couserans, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Ariège-Couserans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'appelant une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'intimé et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C...versera au centre hospitalier Ariège-Couserans une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au centre hospitalier Ariège-Couserans.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 avril 2019.
Le rapporteur,
Aurélie F...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00081