Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...veuve A...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 3 août 2016 du préfet du Tarn en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1604390 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juillet 2018, MmeC..., représentée par MeG..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2016 du préfet du Tarn en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- il est insuffisamment motivé ;
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il a indiqué à tort qu'elle n'a produit aucune pièce dans le cadre de l'instruction de sa demande de réexamen, alors qu'elle s'est présentée auprès des services de la préfecture et a remis plusieurs pièces.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation au regard des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée de vices de procédure au regard de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à défaut pour l'administration de démontrer que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé a bien été transmis sous couvert du directeur général de l'agence régionale de la santé conformément à l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ;
- l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé est incomplet, son état de santé suscitant des interrogations quant à sa capacité à voyager sans risque à destination du Maroc, son taux d'invalidité s'élevant à 80 % ;
- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
- elle méconnaît l'article L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale et a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le préfet du Tarn a conclu au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 octobre 2018.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2018/008930. du 31 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, en application de l'article R. 312-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. E...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme H...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...C...veuve A...F..., ressortissante marocaine, née en 1950, est entrée en France le 21 décembre 2014 munie d'un passeport en cours de validité et d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles à Tanger, valable jusqu'au 28 janvier 2015. Le 26 janvier 2015, elle a été victime d'un accident vasculaire cérébral et a été hospitalisée jusqu'au 10 février 2015, puis, à nouveau, du 24 au 25 février 2015. Par ailleurs, son époux résidant au Maroc est décédé en mai 2015. Le 11 juin 2015, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 11°, L. 313-6, L. 314-11-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
2. Par arrêté du 9 octobre 2015, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par jugement n° 1505907 du tribunal administratif de Toulouse du 14 avril 2016 qui a enjoint au préfet de réexaminer sa situation. Par un nouvel arrêté du 3 août 2016, le préfet du Tarn, après réexamen, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi puis l'a assignée à résidence par un arrêté en date du 10 octobre 2016. Par jugement n° 1604649 du 19 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, statuant en application de l'article L.512-1 du code de justice administrative, a annulé l'arrêté du 3 août 2016 en tant qu'il a obligé Mme C... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et l'arrêté du 10 octobre 2016 portant assignation à résidence.
3. Mme C... veuve A...F...relève appel du jugement du 5 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2016 du préfet du Tarn en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) " et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
5. Ces dispositions ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus, de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine. L'absence de l'indication prévue à l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 quant à la possibilité pour un étranger malade de voyager sans risque vers son pays d'origine ne met pas l'autorité préfectorale à même de se prononcer de manière éclairée sur la situation de cet étranger. Par suite, sauf s'il ressort des autres éléments du dossier que l'état de santé de l'étranger malade ne suscite pas d'interrogation sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine, l'omission de cette indication entache d'irrégularité la procédure suivie et partant affecte la légalité de l'arrêté pris à sa suite.
6. Il ressort des pièces du dossier que, Mme C...veuve A...F..., âgée de 65 ans, a été victime d'un accident vasculaire cérébral qui l'a contrainte à être hospitalisée du 26 janvier 2015 au 10 février 2015, puis, à nouveau, du 24 au 25 février 2015. Bénéficiant d'un suivi mensuel par un médecin généraliste, trimestriel par un spécialiste et de nombreuses séances de kinésithérapie indispensables à sa rééducation, son état de santé demeure fragile et nécessite la présence de sa fille à ses côtés dont elle demeure particulièrement dépendante dans les gestes du quotidien, ainsi qu'en atteste le certificat médical du 8 juin 2016 qu'elle produit, corroboré par un certificat du DocteurD... du 16 mai 2018 indiquant que Mme C... présente des séquelles d'un AVC HTA avec hémiparésie droite ainsi que des troubles de l'équilibre et une douleur à l'épaule. Si l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées du 8 juillet 2015 indique que l'état de santé de Mme C... veuve A... F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, il ne précise pas en revanche si l'intéressée peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des autres pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressée pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter le voyage. Dans ces conditions, l'omission de la mention relative à cette capacité entache d'irrégularité la procédure suivie. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...veuve A...F...est fondée à soutenir que c'est à tort que ,par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Tarn du 3 août 2016 rejetant sa demande de titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
9. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet du Tarn réexamine la situation de MmeC.... Il est enjoint au préfet du Tarn d'y procéder dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la requérante.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à MeG..., conseil de Mme C...veuve A...F..., bénéficiaire de l'aide juridique, sous réserve que Me G...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1604390 du 5 avril 2018 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet du Tarn sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Tarn de réexaminer la situation de Mme C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me G... sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...veuve A...F...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...veuve A...F..., au ministre de l'Intérieur, au préfet du Tarn et à MeG....
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 avril 2019.
Le rapporteur,
Caroline H...Le président,
Marianne POUGET
Le greffier,
Florence FAURE
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX02958