Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2017 par lequel le préfet du Lot lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1704688 du 11 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2018, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Lot du 29 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Lot, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2ème de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- la décision est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où le préfet a considéré qu'il était de nationalité serbe et non kosovare ; cette erreur a une incidence sur la décision attaquée dès lors que l'offre de soins dans le pays d'origine a été examinée au regard de celle existant en Serbie ;
- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce qu'a retenu le préfet, l'offre de soin au Kosovo est totalement défaillante ; il bénéfice en France du soutien et de l'aide de son épouse et de sa fille, cette dernière étant titulaire d'une carte de séjour de dix ans ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il réside en France depuis cinq ans ; sa fille séjourne régulièrement sur le territoire ; il n'a aucun lien familial au Kosovo.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- il entend reprendre les mêmes moyens que ceux développés à l'appui de sa demande d'annulation de la décision portant refus de séjour ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne peut être éloigné du territoire français dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2018, le préfet du Lot conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée le 4 février 2019 à 12h00.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...C..., né en 1964 à Mitrovica, en République fédérale socialiste de Yougoslavie, est entré irrégulièrement en France le 30 juin 2013 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a définitivement été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 mai 2015. En raison de son état de santé, il a été admis au séjour à compter du 16 décembre 2015. Le 31 mai 2017, M. C...sollicite le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 29 septembre 2017, le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 11 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
3. En premier lieu, M. C...soutient que le préfet du Lot ne pouvait, sans méconnaitre les dispositions précitées, examiner l'offre de soins disponible en Serbie alors qu'il est originaire du Kossovo. Toutefois, alors qu'aux termes des dispositions de l'article 29-1 de la loi n° 03-L-034 sur la nationalité au Kosovo, adoptée par le parlement kosovar le 20 février 2008 et entrée en vigueur le 17 juin 2008, toute personne qui, au 1er janvier 1998, était citoyenne de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) au sens de la Constitution yougoslave du 27 avril 1992 et qui, à cette date, résidait habituellement dans la province autonome, devenue République autonome du Kosovo, est reconnue citoyenne kosovare et doit être enregistrée en tant que telle sur le registre des citoyens, sans considération quant à sa résidence actuelle ou sa nationalité, M. C...n'apporte pas d'élément probant de nature à établir qu'il aurait la nationalité kosovare et, notamment, qu'il aurait été enregistré en tant que citoyen kosovar, conformément à la loi kosovare précitée. En outre, il ressort des pièces du dossier que lors de sa demande d'asile en 2013, l'intéressé, qui avait fourni une carte nationale d'identité serbe, a été considéré comme étant de nationalité serbe par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Au surplus, la loi sur la nationalité serbe, telle que modifiée en 2007, prévoit qu'est considérée comme ressortissante de la République de Serbie, toute personne qui avait la citoyenneté serbe avant le 27 février 2005. La République de Serbie ne reconnaissant pas l'indépendance du Kosovo, tout habitant du Kosovo possède de plein droit la nationalité serbe. En conséquence, M.C..., qui a résidé au Kosovo jusqu'en 2013, est de nationalité serbe au regard de ladite loi. Par suite, le requérant n'établit pas qu'en examinant la disponibilité de l'offre de soins en Serbie, le préfet du Lot aurait méconnu les dispositions précités de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre l'arrêté en litige, le préfet du Lot s'est fondé sur l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel l'état de santé de M. C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Serbie, vers lequel il peut voyager sans risque. Le requérant verse au dossier de nombreux courriers du service de rhumatologie et du service de cardiologie du centre hospitalier de Cahors, dont la plupart sont postérieurs à l'arrêté en litige, décrivant les pathologies dont il souffre. Toutefois, ces documents ne traitent pas de la disponibilité du traitement nécessaire à l'état de santé de M.C..., et ne peuvent dès lors être regardés comme contredisant l'avis du collège de médecins sur ce point. Par ailleurs, M. C...n'invoque aucune circonstance exceptionnelle tirée des particularités de sa situation personnelle qui l'empêcherait d'y accéder effectivement. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet du Lot aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code précité et entaché sa décision d'erreur d'appréciation doivent être écartés.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C...est arrivé en France, selon ses déclarations, en 2013. S'il se prévaut de la présence sur le territoire français de son épouse, cette dernière, qui a obtenu une autorisation provisoire au séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, n'a pas vocation à demeurer sur le territoire. En outre, la seule circonstance que sa fille majeure réside régulièrement sur le territoire français ne suffit pas à faire regarder M.C... comme y disposant du centre de sa vie privée et familiale, alors qu'il a vécu la majeure partie de sa vie au Kosovo. Enfin, il ne justifie pas ne plus disposer d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet du Lot n'a pas méconnu les stipulations précitées.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de fait substantielle dont serait entachée la décision contestée.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont serait entachée la décision contestée.
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 5, que le requérant ne démontre pas qu'il ne pourra bénéficier de soins dans son pays d'origine. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2017. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressé au préfet du Lot.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 17 avril 2019.
Le rapporteur,
Caroline D...Le président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX03948