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27/08/2019 | FRANCE | N°18BX04074

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 27 août 2019, 18BX04074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1801307 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 20

18, M. E... représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1801307 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018, M. E... représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 31 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 ou 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la requête est recevable en application de l'article 39 du décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente.

Sur la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il s'est cru lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il a sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;

- il ne peut bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine, d'une part car un retour dans son pays d'origine ne pourrait qu'entraîner une aggravation particulièrement préjudiciable de son état de santé, et d'autre part car il souffre de troubles schizophréniques à forme négative ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors qu'il est en France depuis 17 ans où il possède un logement, bénéficie d'un suivi et qu'il n'a plus de contact avec sa famille.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en tant que la décision portant refus de séjour doit être annulée ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé requiert qu'il reste sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant au jugement attaqué.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme F... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud, premier-conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien né le 14 janvier 1967 est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement le 1er février 2000. Il a bénéficié de trois autorisations provisoires de séjour puis d'un certificat de résidence valable du 5 mars 2016 au 4 avril 2017 en raison de son état de santé, dont il a sollicité le renouvellement le 18 avril 2017. Par arrêté du 31 janvier 2018, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 27 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été signé par M. B..., secrétaire général de la préfecture de la Gironde, lequel a été régulièrement habilité par une délégation de signature du préfet de la Gironde du 29 janvier 2018 à signer notamment tous arrêtés concernant les attributions de l'Etat dans le département de la Gironde à l'exception de la réquisition de la force armée, des propositions de nominations dans l'ordre de la légion d'honneur et des actes portant aliénation des immeubles appartenant à l'Etat à partir d'un montant de 200 000 euros. M. E... soutient cependant que cet arrêté ne pouvait être signé par M. B... car il ressort d'un arrêté du 31 janvier 2018 désignant M. C..., sous-préfet d'Arcachon, pour assurer la suppléance de M. B... du 29 janvier au 9 février 2018, que ce dernier était empêché. Cependant, si cet arrêté habilitait M. C... à signer en lieu et place de M. B... en cas d'empêchement de celui-ci, il ne fait néanmoins pas obstacle à ce que M. B... signe des arrêtés lorsqu'il n'était pas empêché durant la période couverte par l'arrêté du 31 janvier 2018. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

3. En premier lieu, la circonstance que l'arrêté litigieux se réfère, pour apprécier l'état de santé de M. E..., à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont il reproduit les termes, ne signifie pas par elle-même que le préfet de la Gironde s'est cru lié par cet avis. M. E... n'établit d'ailleurs ni même n'allègue avoir communiqué au préfet des éléments sur son état de santé. Dans ces conditions, ce dernier ne pouvait que se fonder que sur le seul élément dont il disposait sur ce point, à savoir l'avis de ce collège de médecins. Enfin, il ressort des termes même de la décision contestée que le préfet de la Gironde ne s'est pas cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration puisqu'il se réfère également aux éléments du dossier et examine par ailleurs la situation de M. E..., notamment son droit au respect de sa vie privée et familiale. L'erreur de droit alléguée manque donc en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

5. Selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 septembre 2017, si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et son état de santé lui permet de voyager sans risques vers ce pays. Il ressort du seul certificat médical versé au dossier par le requérant qu'il souffre de " troubles schyzophréniques à forme négative ", dont le traitement est disponible en Algérie, pays d'origine du requérant. La simple production d'un article de presse, postérieur à l'arrêté, et n'indiquant que de manière très générale que l'Algérie serait en rupture d'approvisionnement de 293 produits pharmaceutiques, dont la liste n'est pas dressée, ne permet pas d'établir qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement de son traitement. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".

7. M. E... soutient qu'il est entré en France et y réside depuis le 1er février 2000, où il aurait vécu une longue période d'errance. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le seul élément produit pour justifier de sa présence en France avant 2016, année de la délivrance de son certificat de résidence, est la déclaration de perte de son livret militaire et de son permis de conduire le 5 août 2004. Si cette pièce permet d'établir un séjour ponctuel sur le territoire français, elle ne permet pas d'établir la réalité du caractère habituel de sa résidence en France entre les années 2000 et 2016 d'autant qu'il y est fait mention d'une domiciliation en Algérie. Ainsi, faute de justifier de résider en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne peut qu'être écarté.

8. En dernier lieu, M. E... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

11. Ainsi qu'il a été énoncé au point 5, M. E..., dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont l'absence pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne démontre pas qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ou qu'il ne pourrait pas voyager sans risque. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2018 du préfet de la Gironde. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens présentées par M. E... ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

M. David Katz, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 27 août 2019.

Le rapporteur,

Paul-André BraudLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No18BX04074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04074
Date de la décision : 27/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : AYMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-08-27;18bx04074 ?
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