Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... G... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités y afférentes à raison de l'imposition d'une plus-value mobilière.
Par un jugement n°1405966-1406040 du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 août 2017 et le 27 août 2018, M. G... et Mme A..., représentés par le cabinet d'avocats FIDAL, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 27 juin 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs et omet de statuer sur l'application de la loi fiscale ; il ne répond pas à leur argumentation sur la charge de la preuve et au moyen selon lequel l'administration avait admis le caractère identifiable des titres puisqu'elle avait accepté l'imputation des droits de mutation ;
- les premiers juges ont à tort estimé que le 3 de l'article 150-0 D était applicable alors que les titres étaient identifiables et non fongibles et relevaient du 1 de cet article ;
- le jugement ajoute des conditions non prévues au § 69 de l'instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 en exigeant que les titres soient au surplus numérotés ou inscrits sur un registre tenu par la société émettrice ;
- à supposer qu'une telle condition soit posée, elle est remplie au cas particulier puisque conformément à la loi et plus particulièrement au code de commerce et au code monétaire et financier, les titres étaient inscrits sur un registre tenu par la société, au nom des actionnaires ;
- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, dans le cadre de la procédure contradictoire, du bien-fondé de la rectification qu'elle entend opérer ; Mme A... établit que les titres cédés sont ceux qui lui ont été donnés.
Par des mémoires, enregistrés les 2 mars 2018 et 17 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... D...,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2008, l'administration a remis en cause la moins-value d'un montant de 193 625 euros déclarée par M. G... et Mme A... au titre de l'année 2008 à la suite de la cession par Mme A... de 250 actions de la société SERHY. M. G... et Mme A... font appel du jugement du 27 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu et des contributions sociales procédant de l'imposition de la plus-value constatée par le service ainsi que des pénalités y afférentes.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, au point 3 de son jugement, le tribunal administratif s'est borné à confirmer l'application par l'administration des dispositions du point 3° de l'article 150-0 D du code général des impôts au calcul de la plus-value en litige. Dans ces conditions, le jugement, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments des requérants, n'a pas omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que le 3° n'était pas applicable. La contestation par les requérants de la motivation du jugement sur ce point relève du bien-fondé de celui-ci.
3. En deuxième lieu, la circonstance que les premiers juges se seraient mépris sur les règles de dévolution de la charge de la preuve ou le fait d'ailleurs non établi que le jugement serait entaché de contradiction dans ses motifs sont sans incidence sur la régularité de ce dernier.
4. En troisième lieu, les requérants ne se sont prévalus de ce que l'administration avait admis la prise en compte des frais de mutation des titres acquis par Mme A... en donation qu'à l'appui du moyen tiré de ce que les titres étaient identifiables au sens de la doctrine fiscale. Le tribunal qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des requérants, ainsi qu'il a été dit, a répondu au moyen aux points 5 et 6 du jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I. - 1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code dans sa version applicable : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. (...) 3. En cas de cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, le prix d'acquisition à retenir est la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres... ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de cession de titres ou de droits identifiables, le gain net de cessions des titres ou droits est déterminé, pour chaque titre ou droit cédé, à partir de son prix effectif d'acquisition ou de souscription.
7. Il résulte de l'instruction que Mme A..., déjà détentrice de 725 actions de la SAS société d'études et de réalisations hydroélectriques (SERHY) dont 50 actions acquises au prix unitaire de 76,22 euros le 18 novembre 1995 à l'occasion de l'augmentation de capital de la société par incorporation des comptes courants, et 675 actions acquises au prix unitaire de 25 euros lors d'une fusion/absorption le 22 octobre 2002, a reçu, le 2 février 2008, 250 actions de cette même société à la suite d'une donation de ses parents, M. et Mme B... A.... Ces 250 actions ont été évaluées au prix unitaire de 6 026,16 euros pour la détermination des droits de succession.
8. Mme A... a, par convention en date du 12 février 2008, cédé 250 actions en pleine propriété de la SAS SERHY à la société Energie Ouest Suisse (EOS) au prix unitaire de 6 026,16 euros. Elle a procédé à la déclaration de cette cession avec la déclaration de ses revenus de l'année 2008.
9. Les requérants affirment que Mme A... a cédé les titres identifiables comme ceux qu'elle avait acquis par donation de ses parents ; que, dès lors que les titres ont été vendus au prix de leur acquisition et que la donation a donné lieu à des frais, ils étaient fondés à déclarer une moins-value conformément au 1° de l'article 150-0 D précité du code général des impôts et que, par suite, c'est à tort que l'administration a estimé pouvoir appliquer à la transaction les dispositions du 3° du même article.
10. Il incombe toutefois aux requérants de prouver par tout moyen à leur disposition que les titres cédés étaient identifiables comme étant ceux reçus en donation dès lors qu'ils sont seuls en mesure de détenir les éléments de preuve au soutien de cette prétention.
11. La circonstance que Mme A... connaît la date et le prix d'acquisition des titres en sa possession et qu'elle a eu l'intention de céder seulement les titres reçus en donation ne suffit pas à justifier l'identification des titres cédés même si ces derniers ont été vendus au prix de leur valorisation lors de la donation.
12. Les requérants se bornent à produire une " fiche d'actionnaire " issue du registre tenu par la SAS SERHY en application des dispositions de l'article L. 228-1 du code de commerce et des articles L. 211-4 et suivants du code monétaire et financier, qui ne recense les transferts de titres que par mouvements globaux et, ainsi, qui mentionne seulement la donation de 250 titres inscrite au registre de la société le " 31 janvier 2008 " et la vente de 250 titres le " 14 février 2008 " sans qu'aucune autre information ne permette de déterminer si les 250 titres vendus sont effectivement les titres acquis en donation parmi les 975 détenus par Mme A.... Les requérants ne justifient pas sur la base de ce seul élément que les titres cédés étaient identifiables comme étant ceux reçus en donation.
13. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant fait une exacte application de la loi fiscale en recourant à la règle fixée par le 3° de l'article 150-0 D du code général des impôts pour calculer la plus-value en litige applicable lorsque les titres cédés appartiennent à une série de titre de même nature acquis pour des prix différents.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
14. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ". Aux termes de l'instruction 5 C-1-0722 janvier 2007 : " 69. En cas de cession de titres ou droits identifiables (par exemple : titres numérotés, titres inscrits sur un registre tenu par la société...)9, le gain net de cession des titres ou droits est déterminé, pour chaque titre ou droit cédé, à partir de son prix effectif d'acquisition ou de souscription.70. La durée de détention servant au calcul de l'abattement est décomptée en tenant compte de la durée effective de détention de chacun des titres ou droits... ". Le paragraphe 69 est complété par une note de bas de page n° 9 libellée comme suit : " Les titres ou droits identifiables ou individualisables sont ceux pour lesquels le cédant connaît, à la date de leur cession et pour chacun d'entre eux, leur date et prix d'acquisition ou de souscription... ".
15. Les requérants peuvent se prévaloir de l'instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007, certes prise pour l'application des articles 150-0 D bis et 150-0 D ter mais qui contient aussi une interprétation de l'article 150-0 D. S'il est exact que la note en bas de page n° 9, précitée, n'exclut pas que la preuve de l'identification des titres soit rapportée par d'autres moyens que leur numérotation ou leur inscription particulière au registre de la société, cette note ne contient aucune interprétation différente de la loi fiscale exigeant néanmoins du détenteur un document ayant valeur probante mettant en relation le titre, la date de son acquisition et celle de sa cession, et pas seulement une simple coïncidence chronologique ou une identité de valeur laissant présumer une identité et non une " connaissance " certaine. Ainsi qu'il a été dit aux points 10 à 12, les requérants ne rapportent pas la preuve ainsi exigée et ne peuvent pas non plus se prévaloir de la doctrine fiscale invoquée.
16. Enfin, et en tout état de cause, les requérants ne peuvent pas se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration tirée du fait que celle-ci a admis de déduire les frais exposés par Mme A... lors de l'acquisition de 250 titres en donation plutôt qu'en les prenant en compte dans le calcul d'un prix moyen pondéré d'acquisition, alors qu'en accordant cette mesure de faveur, l'administration a confirmé qu'elle ne pouvait néanmoins admettre l'application des dispositions du 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. G... et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G... et Mme C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. E... Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. F... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 octobre 2019.
Le rapporteur,
Stéphane D... Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX02875 2