Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Belisa Immobilier a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2016 par lequel le maire de la commune de Rouffiac-Tolosan a refusé de lui accorder un permis de construire pour l'édification de deux maisons individuelles et la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux formé le 26 octobre 2016.
Par un jugement n° 1700456 en date du 21 septembre 2018 le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 2 septembre 2016 et la décision du 26 octobre 2016 et a enjoint au maire de la commune de procéder au réexamen de la demande de permis de construire.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 octobre et 27 décembre 2018 et les 3, 10 et 20 décembre 2019, la commune de Rouffiac-Tolosan, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 21 septembre 2018 et de rejeter la demande introductive d'instance de la SCI Belisa Immobilier ;
2°) de mettre la somme de 2 500 euros à la charge de la SCI Belisa Immobilier au titre de frais engagés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- sa requête conserve un objet dès lors qu'elle n'a délivré un permis de construire à la SCI Belisa qu'en exécution d'une injonction du tribunal administratif ;
- la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée ;
- le jugement est irrégulier en tant qu'il est insuffisamment motivé dans la censure du motif, issu d'une substitution en cours d'instance, tiré de ce que le projet ne s'insère pas dans le tissu du bâti préexistant en méconnaissance de l'esprit et de la lettre des dispositions de l'article 11 du règlement de la zone UB du plan local d'urbanisme ;
- les premiers juges ont censuré à tort le motif tiré de ce que le projet ne s'insère pas dans le tissu du bâti préexistant en méconnaissance de l'esprit et de la lettre des dispositions de l'article 11 du règlement de la zone UB du plan local d'urbanisme ;
- à titre subsidiaire, elle demande une nouvelle substitution de motif tirée du caractère lacunaire de la demande qui ne lui permettait pas d'apprécier la nature du projet, sa conformité aux règles d'urbanisme et notamment aux dispositions précitées de l'article 11 du règlement de la zone UB de son plan local d'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés le 20 décembre 2018 et le 5 mars et 9 décembre 2019, la SCI Belisa Immobilier, représentée par Me B..., conclut au non-lieu à statuer et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Rouffiac-Tolosan au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable à défaut de moyen d'appel ; elle a un objectif purement dilatoire ; elle a justifié le nouveau rejet de la demande de permis de construire à la suite du réexamen auquel la commune a été contrainte de procéder ;
- le permis de construire lui a été accordé en exécution d'un autre jugement du tribunal administratif de Toulouse ; les conclusions de la commune sont donc sans objet ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... C...,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la SCI Belisa Immobilier.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Belisa Immobilier a présenté une demande de permis de construire le 28 juillet 2016 tendant à la construction de deux maisons individuelles sur un terrain situé au 15 rue de la Bergerie à Rouffiac-Tolosan. La commune de Rouffiac-Tolosan interjette appel du jugement en date du 21 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 2 septembre 2016 portant rejet de la demande d'autorisation de construire et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 26 octobre 2016.
Sur le non-lieu à statuer :
2. Par le jugement critiqué, le tribunal administratif de Toulouse a enjoint à la commune de Rouffiac-Tolosan de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire de la SCI Belisa Immobilier. Le tribunal administratif de Toulouse, par un jugement du 7 juin 2019, a annulé le nouveau refus opposé par la commune de Rouffiac-Tolosan et lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité. Par un arrêté du 12 juin 2019, la commune a alors délivré le permis sollicité. Contrairement à ce que soutient la SCI Belisa Immobilier, cet arrêté ne rend pas sans objet le présent litige qui porte sur une décision antérieure.
Sur la régularité du jugement :
3. Au point 4 de son jugement, le tribunal a suffisamment détaillé les motifs de droit et de fait qui l'ont conduit à estimer que le projet en litige s'intégrera harmonieusement dans son environnement et à en conclure que l'arrêté refusant le permis en litige était entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme.
Sur la légalité du refus de permis de construire :
4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :" Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
5. Aux termes de l'article UB11 du plan local d'urbanisme de la commune de Rouffiac-Tolosan : " Les constructions et installations doivent présenter un aspect extérieur compatible avec le caractère ou l'intérêt des lieux avoisinants, en harmonie avec leur environnement architectural et paysager. / Pour être autorisé, tout projet de construction nouvelle ou d'aménagement de construction déjà existante, doit garantir : - le respect des conditions satisfaisantes en matière de salubrité, de commodité, d'ensoleillement et d'aspect général ; - une bonne adaptation au sol, la préservation de l'environnement, celle du caractère, de l'intérêt et de l'harmonie des lieux ou paysages avoisinants (sites naturels, urbains, perspectives monumentales ...), celle de la nature du village existant, celle enfin du caractère de la région, sans exclure une architecture contemporaine bien intégrée la recherche d'une certaine unité de style, de forme, de volume, de proportions de matériaux, de couleurs ... / Les matériaux pour les façades et les toitures sont ceux décrits ci-dessous, toutefois, d'autres matériaux peuvent être autorisés si l'architecture du bâtiment l'exige et s'ils garantissent une parfaite intégration à l'environnement et au site... ". Ces dispositions ont le même objet que celles, également invoquées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols que doit être appréciée la légalité de la décision en litige.
6. En revanche, si le préambule du règlement plan d'urbanisme relatif à la zone UB indique que cette zone est constituée de quartiers pavillonnaires en périphérie du centre village et que les constructions y " sont, pour la plupart, implantées en ordre discontinu ", cette mention est insuffisamment précise pour justifier, à elle seule, le refus opposé à la société.
7. Il résulte des dispositions de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme précité que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente doit refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Dans l'exercice de ce contrôle, le juge doit tenir compte de l'ensemble des dispositions de l'article et de la marge d'appréciation qu'elles laissent à l'autorité administrative pour accorder ou refuser de délivrer une autorisation d'urbanisme.
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet sera implanté sur un terrain situé en périphérie du centre village de la commune, dans un environnement dépourvu d'intérêt paysager et d'unité architecturale composé de constructions pavillonnaires dont la plupart sont de larges maisons individuelles implantées sur de vastes parcelles.
9. Le projet consiste à construire deux maisons individuelles à un étage pour une surface de plancher totale de 186,78 mètres carrés sur un terrain de 782 mètres carrés. La seule circonstance que ce projet présente une densité plus importante que celles des constructions voisines ne permet pas de le regarder comme rompant de manière significative avec le tissu bâti environnant ni comme dénaturant la dominante pavillonnaire de la zone, comportant pour l'essentiel un bâti en ordre discontinu, où il doit être implanté.
10. La commune de Rouffiac-Tolosant n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont censuré le motif sur lequel le refus de permis de construire était fondé.
11. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
12. La commune soutient que le refus de permis de construire est justifié par le caractère lacunaire de la demande qui ne lui permettait pas d'apprécier la nature du projet, sa conformité aux règles d'urbanisme et notamment aux dispositions précitées de l'article 11 du règlement de la zone UB de son plan local d'urbanisme.
13. Selon l'article R. 431-4 de ce code : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 (...) / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ". Selon l'article R. 423-19 du même code, le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie du dossier complet. Aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ". Enfin selon l'article R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ".
14. Il résulte de ces dispositions que lorsque le dossier de demande d'un permis de construire est incomplet l'administration ne peut rejeter cette demande sans avoir demandé au pétitionnaire de compléter son dossier. Par suite, la commune ne peut demander au juge de substituer à un motif erroné de rejet d'une demande de permis de construire un motif fondé sur l'insuffisance du dossier de demande dès lors que cette substitution aurait pour effet de priver le pétitionnaire de la garantie prévue par l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme lui permettant de compléter son dossier. La demande de substitution de motifs fondée sur l'application des articles R. 431-4 et R. 431-7 à R. 431-10 du code de l'urbanisme ne peut dès lors être accueillie.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Belisa Immobilier, que la commune de Rouffiac-Tolosan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 2 septembre 2016 portant refus de permis de construire et la décision implicite rejetant le recours gracieux notifié le 26 octobre 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la SCI Belisa Immobilier s'est vu délivrer un permis de construire pour le projet en litige, il n'y donc pas lieu d'enjoindre à la commune de délivrer l'autorisation de construire.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Belisa Immobilier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Rouffiac-Tolosan demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la commune de Rouffiac-Tolosan au titre des frais exposés par SCI Belisa Immobilier et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Rouffiac-Tolosan est rejetée.
Article 2 : La commune de Rouffiac-Tolosan versera la somme de 1 500 euros à la SCI Belisa Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction de la SCI Belisa Immobilier.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rouffiac-Tolosan et à la SCI Belisa Immobilier.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. D... C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 février 2020.
Le rapporteur,
Stéphane C... Le président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03683