Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.
Par un jugement n° 1904095 du 19 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2019, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 août 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'interdiction de retour d'une durée de deux ans ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Gironde du 13 août 2019 en tant qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de supprimer son nom du fichier " Système d'information Schengen " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de ramener la durée d'inscription de son nom à un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, subsidiairement lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire.
Il soutient que :
- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- cette décision est injustifiée dès lors qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire et ne constitue pas une menace à l'ordre public ; il réside depuis plus d'un an en France et il entretient une relation avec une personne de nationalité française avec laquelle il souhaite se marier ;
- cette décision d'interdiction de retour méconnait l'article 6 de l'accord franco-algérien, l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la durée de cette interdiction fixée à deux années est disproportionnée.
Par décision du 28 novembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 18 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1911 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Après son interpellation le 13 août 2019 pour un vol à l'étalage, M. C... A..., ressortissant algérien né le 14 avril 1992 et qui dit être entré en France en 2017, s'est présenté aux services de police bordelais sous la fausse identité de M. F... B..., ressortissant tunisien né le 18 novembre 2000 et célibataire sans charge de famille. Le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 13 août 2019, prononcé à l'encontre de " M. B... " une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 19 août 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement seulement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire de deux ans.
2. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier (...) alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
3. Il ressort de l'arrêté contesté que le préfet rappelle les textes applicables et notamment le III de l'article L. 511-1, et précise que le requérant est entré et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire depuis une durée indéterminée non vérifiable dans le seul but de s'y installer, qu'il est sans domicile fixe et sans ressource légale sur le territoire, qu'il est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, qu'il a été interpellé pour vol le 13 août 2019, qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que rien ne fait obstacle à ce qu'il quitte le territoire français. Ainsi, le préfet a indiqué les considérations de droit et de fait qui constituaient le fondement de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Gironde a interdit le retour de M. A... sur le sol français pendant une durée de deux ans eu égard à l'irrégularité du séjour en France de l'intéressé, à l'absence de preuve de la durée de son séjour en France et à l'absence de démonstration de l'existence de liens personnels et familiaux sur le sol français. A cet égard si M. A..., qui dit être entré en France en 2017 sans apporter d'éléments de nature à corroborer ses déclarations, soutient avoir des projets de mariage avec une ressortissante française, il ne justifie pas de la stabilité et de l'ancienneté et de cette relation par la seule attestation de l'intéressée indiquant qu'elle l'héberge depuis trois mois à la date de l'arrêté contesté et un dossier de mariage incomplet, non déposé en mairie. Ainsi, nonobstant la circonstance que le requérant n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il se serait soustrait et que sa présence ne menace pas l'ordre public, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Enfin, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'accord franco-algérien, qui ne régissent que le droit au séjour, sont inopérants à l'encontre de la décision portant interdiction de retour.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York, le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Si M. A... soutient que la décision litigieuse méconnaît les stipulations précitées, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait établi avec la fille de sa compagne née d'une précédente relation, des liens affectifs tels que sa séparation d'avec l'enfant porterait atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant. Dès lors, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de séjour d'une durée de deux ans. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mars 2020.
Le rapporteur,
Caroline D...
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX03584