Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1804666 du 6 février 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 21 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le préfet n'a pas justifié devant le tribunal administratif que les médecins de l'OFII avaient rendu leur avis de manière collégiale ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement au Nigéria ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il a entretenu une relation sentimentale avec une personne titulaire d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dont il a eu deux enfants, des jumeaux nés en 2017 à Épinal et à l'éducation et à l'entretien desquels il contribue ;
- elle méconnaît les articles 3 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2019 à 12 heures.
Par une décision du 23 mai 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention sur les droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité nigériane, est entré en France, selon ses dires, en 2016, et a sollicité le bénéfice de l'asile qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2017, confirmée le 4 septembre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 12 juillet 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et, par un arrêté du 21 septembre 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 6 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. " Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ".
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège de médecin de l'OFII rend l'avis suivant ", n'aurait pas rendu son avis à l'issue d'une délibération collégiale.
4. En deuxième lieu, l'avis du 20 juin 2018 du collège des médecins de l'Office Français de l'immigration et de l'intégration mentionne que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et enfin que, au vu de éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Pour contester la possibilité de bénéficier d'un traitement au Nigéria, le requérant produit les certificats d'un médecin pneumologue en date des 19 juillet et 12 octobre 2018, qui se bornent à mentionner l'affection respiratoire dont est atteint M. A... mais sont muets sur l'existence d'un traitement dans son pays d'origine, ainsi que ce qu'il présente comme l'attestation d'un hôpital nigérian qui affirme que cet hôpital ne dispose pas du traitement délivré en France à l'intéressé. S'agissant de son suivi psychiatrique, l'intéressé produit deux certificats d'un praticien hospitalier de l'hôpital Charles Perrens de Bordeaux, en date des 19 et 27 juillet 2018, qui affirment que " son état de santé somatique et psychique nécessite un hébergement stable " et que " le voyage vers le pays d'origine le Nigéria n'est pas sans risque avec une prise en charge médicale non satisfaisante, pour l'appareillage des apnées du sommeil ". Ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la disponibilité des soins dans le pays d'origine. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... fait valoir la naissance à Épinal, en 2017, de deux jumeaux qui vivent dans les Vosges avec leur mère, une compatriote titulaire d'une carte " vie privée et familiale " et auxquels il soutient rendre visite régulièrement. Toutefois, l'intéressé n'établit pas, par la production d'une attestation de la mère des jumeaux et celle d'une association d'accompagnement parental, ainsi que de tickets de transports postérieurs à la décision attaquée, contribuer effectivement à l'éducation et à l'entretien des enfants. S'il fait valoir en appel que la mère et les enfants vivent désormais à Bordeaux, cette circonstance, à la supposer même établie, est postérieure à la décision contestée et dès lors, sans incidence sur sa légalité. Il ressort, en outre, des pièces du dossier qu'il est entré en France en 2016, à l'âge de 41 ans, et n'a été autorisé à y séjourner que le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile, laquelle a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 septembre 2017. M. A... ne justifie, de plus, d'aucune intégration sur le sol français, étant dépourvu de domicile propre et sans ressource, et n'allègue pas être dépourvu d'attache au Nigéria, où réside l'un de ses fils, né en 2014. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par M. A... de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A... n'établit pas contribuer effectivement à l'éducation et à l'entretien des jumeaux nés en 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mars 2020.
La rapporteure,
E...Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02147 4