Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du jury académique de Toulouse du 15 décembre 2015 proposant un refus définitif de titularisation et l'arrêté du 5 février 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale a décidé de le licencier et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 18 900 euros au titre de son préjudice matériel et de 15 000 euros au titre de son préjudice moral, majorées des intérêts à compter du 4 avril 2016 et de leur capitalisation.
Par un jugement n° 1601592 du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 mai 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 mars 2018 ;
2°) d'annuler la délibération du jury académique de Toulouse du 15 décembre 2015 et l'arrêté ministériel subséquent du 5 février 2016 prononçant son licenciement ;
3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et ses droits à la titularisation dans le délai de deux mois à compter que la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 18 900 euros en réparation de son préjudice matériel et 15 000 euros en réparation de son préjudice moral, majorées des intérêts à compter du 4 avril 2016 et de leur capitalisation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 813 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'avis du jury de titularisation du 15 décembre 2015 est irrégulier, le président ayant signé l'avis alors qu'il n'a pas assisté à l'entretien de la commission du jury ;
- il a été victime de harcèlement moral au cours de ses stages, qui se sont déroulés dans des conditions irrégulières ; les décisions contestées sont entachées de détournement de pouvoir ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de son aptitude à la titularisation ;
- de son licenciement résulte une perte financière d'environ 900 euros par mois ; les conditions de ses stages ont compromis son état de santé psychologique qui a nécessité une pris une charge médicamenteuse.
Par un mémoire, enregistré le 22 août 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires ne sont pas recevables en l'absence de saisine de l'administration d'une réclamation préalable indemnitaire conformément aux dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 22 août 2019, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2019 à 12h00.
M. A..., représenté par Me C..., a produit un mémoire enregistré le 6 février 2020.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 12 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;
- l'arrêté ministériel du 18 juin 2014 fixant les modalités de formation initiale de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement public stagiaires ;
- l'arrêté ministériel du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., admis aux épreuves du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement secondaire (CAPES) discipline histoire géographie, en 2013, a été nommé professeur stagiaire et affecté, pour l'année scolaire 2013-2014, au lycée Toulouse Georges Lautrec à Toulouse par un arrêté du 17 juillet 2013. A l'issue de cette première année de stage, il a été autorisé à effectuer une deuxième année de stage par un arrêté du 3 juillet 2014 et a été affecté, pour l'année scolaire 2014-2015, au lycée Clémence Royer à Fonsorbes dans l'académie de Toulouse. En raison des congés maladie dont M. A... a bénéficié, il n'a pu être évalué par le jury académique le 9 juillet 2015. Il a donc bénéficié, par un arrêté du 9 juillet 2015, d'une prolongation de stage à compter du 1er septembre 2015 et a été affecté, pour l'année 2015-2016, au lycée Stéphane Hessel à Toulouse. Le jury ayant opposé, par une délibération du 15 décembre 2015, un refus définitif à sa titularisation, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement par un arrêté du 5 février 2016. M. A... relève appel du jugement du 28 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du jury du 15 décembre 2015 et de l'arrêté du 5 février 2016 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 33 900 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 24 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés : " Les candidats reçus aux concours prévus aux articles 6 et 11 ou ayant bénéficié d'une dispense en application du premier alinéa de l'article 23, et remplissant les conditions de nomination dans le corps, sont nommés fonctionnaires stagiaires et affectés pour la durée du stage dans une académie par le ministre chargé de l'éducation. / Le stage a une durée d'un an. Ses prolongations éventuelles sont prononcées par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle il est accompli. (...) / Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées conjointement par le ministre chargé de l'éducation et par le ministre chargé de la fonction publique ". L'article 4 de l'arrêté ministériel du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires dispose que : " Il est constitué un jury académique par corps d'accès de cinq à huit membres nommés par le recteur. / Le recteur ou son représentant préside le jury. / A la demande de son président, le jury peut se constituer en groupes d'examinateurs en fonction des effectifs (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2014 : " Le jury entend au cours d'un entretien tous les fonctionnaires stagiaires pour lesquels il envisage de ne pas proposer la titularisation. (...) ".
3. Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 15 décembre 2015 que M. A... a été entendu par un des groupes d'examinateurs constitué au sein du jury, conformément à l'article 4 de l'arrêté du 22 août 2014 précité. En outre, il n'est pas contesté que les personnes qui ont réalisé cet entretien étaient membres de ce jury. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a jugé que la circonstance que le président du jury ait signé l'avis final sans avoir assisté à cet entretien n'entache pas, par elle-même, d'irrégularité la procédure.
4. Aux termes de l'article 26 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés : " A l'issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury mentionné à l'article 24. (...) Les stagiaires qui n'ont pas été autorisés à accomplir une seconde année de stage ou qui, à l'issue de la seconde année de stage, n'ont pas été titularisés sont soit licenciés par le ministre chargé de l'éducation nationale, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine s'ils avaient la qualité de fonctionnaire ". Aux termes de l'article 8 de l'arrêté ministériel du 22 août 2014 : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés ". L'article 9 du même arrêté dispose : " Le recteur prononce la titularisation des stagiaires estimés aptes par le jury. (...) Il transmet au ministre les dossiers des stagiaires qui n'ont été ni titularisés ni autorisés à accomplir une seconde année de stage et qui sont, selon le cas, licenciés ou réintégrés dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine ".
5. Il résulte de ces dispositions que le jury se prononce à l'issue d'une période de formation et de stage. S'agissant non d'un concours ou d'un examen mais d'une procédure tendant à l'appréciation de la manière de servir qui doit être faite en fin de stage, cette appréciation peut être censurée par le juge de l'excès de pouvoir en cas d'erreur manifeste.
6. Pour caractériser l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée, selon lui, la délibération du jury, M. A... soutient que ses stages se sont déroulés dans des conditions anormales et dans un contexte de harcèlement moral qui ne lui ont pas permis de démontrer ses aptitudes. Il appartient à un agent public titulaire ou stagiaire qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence de telles pratiques. En premier lieu, si M. A... soutient qu'il a été affecté dans une salle dont l'état d'entretien était " lamentable " et le matériel " défaillant " et qu'il n'a pu bénéficier d'un poste de travail adapté à son handicap, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces conditions matérielles n'étaient pas conformes aux préconisations du médecin de prévention, qui recommandait le maintien dans une salle fixe et un travail sur ordinateur et vidéoprojecteur exclusif, ni qu'elles auraient affecté les conditions de déroulement de son stage. En deuxième lieu, si M. A... se plaint d'une campagne de discrédit et de calomnie dirigée à son encontre, les seuls éléments versés au dossier, à savoir deux récépissés de main courante des 27 mars et 24 septembre 2015 qui mentionnent des propos rapportés, ne permettent pas d'établir ses allégations. En troisième lieu, si l'appelant fait valoir qu'il a été déstabilisé par son affectation tardive au lycée de Fonsorbes, ce qui l'aurait empêché de participer à la journée de pré-rentrée, ainsi que par la modification de son affectation lors de la prolongation de la deuxième année de stage, toutefois, ces complications administratives, pour regrettables qu'elles soient, n'ont pas affecté les conditions de son évaluation. En quatrième lieu, s'il est constant que M. A... a fait l'objet d'un contrôle médical de son aptitude au cours de sa deuxième année de stage, alors qu'il avait été déclaré peu de temps auparavant apte à ses fonctions sous réserve d'aménagement de son poste compte tenu de son handicap, qu'il a été privé d'un accès au logiciel " pronote " alors qu'il était en congés maladie en octobre 2015 et qu'il n'a pas bénéficié d'un accompagnement par un tuteur au cours de la prolongation de sa deuxième année de stage, à compter du 24 septembre 2015, cependant, ces dysfonctionnements ne peuvent être regardés comme des événements qui auraient affecté les conditions de son évaluation par le jury dès lors que M. A... a pu bénéficier de plusieurs périodes de stage dans trois établissements différents. Par suite, les conditions de déroulement de son stage ne peuvent être regardées comme irrégulières ou susceptibles de faire présumer de l'existence d'un harcèlement moral.
7. Il ressort des rapports d'évaluation que M. A..., qui avait une expérience de chargé de cours et de travaux dirigés en sciences politiques à l'université de Toulouse de 2010 à 2013, a éprouvé des difficultés d'adaptation au niveau des élèves de lycée et de délimitation d'un objectif et de contenus adaptés, en privilégiant la transmission du savoir sur l'apprentissage et la construction des compétences nécessaires à la préparation des élèves aux exigences du baccalauréat et des études supérieures. En l'absence d'évolution de la compétence professionnelle du stagiaire refusant de prendre en compte les observations des différents rapports établis par les membres du corps d'inspection, le jury s'est fondé sur une absence de maitrise des compétences pédagogiques et éducatives attendues d'un professeur du second degré. En premier lieu, si M. A... fait valoir que le rapport de son tuteur du 27 avril 2015 note des progrès et des efforts et contredit le rapport d'inspection, il ressort de ce rapport que son tuteur souligne que " dans le service de la réussite de tous ses élèves et dans l'évolution de sa pratique, dans l'organisation de son travail et dans la construction de ses séquences, M. A... rencontre encore des difficultés " et émet des doutes quant à la mise en oeuvre des démarches propres à l'enseignement secondaire. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les inspecteurs auraient refusé de laisser le tuteur de M. A... assister à l'inspection du 4 mai 2015, ni que la présence d'un professeur d'histoire géographie lors de cette même inspection aurait faussé l'évaluation de l'inspecteur diligenté par le jury d'admission et la délibération finale de ce jury. En troisième lieu, la mention, dans le rapport d'inspection du 20 mai 2014, relative à l'utilisation abusive du " power point " comme support de cours, en ce qu'elle ne prendrait pas en compte le handicap du stagiaire, ne remet pas en cause l'appréciation du jury construite sur plusieurs rapports d'inspection établis lors des deux années de stage dont M. A... a bénéficié. En quatrième lieu, si l'appelant soutient que le jury n'a pas consulté les documents qu'il lui a remis, il ne ressort pas des dispositions de l'arrêté du 22 août 2014, qu'avant de se prononcer sur le fondement du référentiel de compétences, le jury devait prendre connaissance de documents étrangers à la liste des avis énumérés à l'article 5 du même arrêté. En outre, l'absence de mention des engagements bénévoles du stagiaire n'a pas d'incidence sur l'appréciation du jury fondée sur l'absence de maitrise de ses compétences pédagogiques. Enfin, si l'appelant se prévaut de la partialité des inspecteurs, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, en proposant le refus définitif de titularisation de l'intéressé, le jury académique n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la valeur professionnelle de M. A....
8. Par suite, dès lors que le jury avait proposé un refus définitif à la titularisation de M. A... à l'issue de la prolongation de sa deuxième année de stage, le ministre était tenu de prononcer son licenciement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du jury du 15 décembre 2015 et de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 5 février 2016.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. En l'absence d'illégalité de l'arrêté du 5 février 2016, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à l'égard de M. A... sur ce fondement. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses prétentions indemnitaires.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui confirme le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2016, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 13 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2020.
Le président,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02141