Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société d'Affichage Martiniquais (SAMSAG), société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 17 février 2016 par laquelle le maire de la commune de Fort-de-France a implicitement refusé d'abroger l'article ZPR 5-3 du règlement local de publicité.
Par un jugement n° 1600174 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 février 2018 et le 24 octobre 2019, la Société d'Affichage Martiniquais, représentée par Me B... puis Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 23 novembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite du maire de Fort-de-France du 17 février 2016 susmentionnée ;
3°) d'enjoindre à la commune de Fort-de-France d'abroger l'article ZPR 5-3 du règlement local de publicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Fort-de-France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de répondre au moyen qui n'était pas inopérant tiré de l'absence d'établissement dans le cadre de la procédure d'élaboration du règlement local de publicité de la liste des emplacements admis à la publicité en zone de publicité restreinte n° 5 ci-après " ZPR5 " ;
- le tribunal a méconnu son obligation de rouvrir l'instruction suite à la production de trois procès-verbaux, obtenus après la saisine de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), des réunions du groupe de travail pour l'élaboration du règlement local de publicité qui démontrent que la liste des parcelles admises a été établie postérieurement à l'approbation du règlement local de publicité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- la liste des emplacements admis à publicité en zone ZPR5 est inopposable dès lors qu'elle a été élaborée postérieurement au règlement local de publicité en méconnaissance de l'article L. 581-14-1 du code de l'environnement ; elle n'a pas pu donner lieu à débat en groupe de travail ;
- l'article ZPR5-3 a été adopté dans des conditions irrégulières en l'absence d'élaboration avant l'approbation du règlement local de publicité, de la liste des emplacements autorisés ; d'ailleurs, cette liste n'est pas annexée au règlement local de publicité ; ce vice a eu une incidence sur la régularité de la procédure quand bien même elle concerne une part infime du territoire ;
- cette absence de liste des emplacements constitue un vice substantiel qui a eu pour effet de priver la société d'une garantie dès lors qu'elle n'a pu former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de cette liste ;
- la commune a méconnu l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration qui l'oblige à abroger, lorsqu'elle est saisie d'une demande en ce sens, un règlement illégal ; en l'espèce, l'article ZPR5-3 a été établi à l'issue d'une procédure irrégulière ; elle devait donc l'abroger ;
- l'interprétation par le Conseil d'Etat de l'article L. 243-2 du code précité est inconventionnelle au regard des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et contraire à l'article L. 243-2 précité dès lors qu'elle prive le requérant du droit de faire sanctionner par le juge un acte règlementaire devenu illégal ;
- la carte des emplacements admis à publicité n'est pas suffisamment précise pour déterminer les parcelles sur lesquelles les afficheurs peuvent afficher ;
- l'article ZPR5-3 du règlement local de publicité méconnait le principe constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme dès lors qu'il ne permet pas de déterminer comment s'articulent les emplacements définis par la ville ;
- le détournement de procédure consistant à élaborer la liste des emplacements admis à la publicité en ZPR5 en dehors de la procédure prévue à cet effet constitue un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2019, la commune de Fort-de-France, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'il soit mis à la charge de la Société d'Affichage Martiniquais la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de procédure sont inopérants et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 25 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée, au 10 décembre 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la société d'affichage martiniquais.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 22 octobre 2002, la commune de Fort-de-France a décidé d'élaborer un règlement local de publicité. Le préfet de la Martinique a constitué à cette fin, par un arrêté du 6 juin 2006 modifié le 14 octobre 2008, un groupe de travail. Le conseil municipal de la commune de Fort-de-France a approuvé le règlement local de publicité par une délibération du 7 juillet 2011, qui a été mise en application par un arrêté du maire en date du 19 décembre 2011. La Société d'Affichage Martiniquais a demandé au maire de la commune de Fort-de-France, par un courrier du 10 décembre 2015 reçu le 16 décembre suivant, d'abroger l'article ZPR5-3 du règlement local de publicité. L'autorité municipale ayant gardé le silence sur cette demande, la société a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision implicite de refus. Par un jugement du 23 novembre 2017 dont l'intéressée relève appel devant la cour, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Dès lors, le tribunal n'avait pas l'obligation de répondre au moyen tiré de ce que la liste des emplacements autorisés en zone de publicité restreinte ZPR 5 a été adoptée en dehors du cadre procédural d'élaboration du règlement local, qui constitue un moyen tenant à la procédure d'élaboration du plan local de publicité et est donc inopérant.
3. En second lieu, le tribunal n'avait pas d'obligation de rouvrir l'instruction et de communiquer les procès-verbaux relatifs aux réunions des groupes de travail transmis à la Société d'Affichage Martiniquais à la suite de sa saisine de la commission d'accès aux documents administratifs dès lors que ces documents, s'ils n'avaient pu être produits aux débats avant la clôture de l'instruction, étaient produits par la requérante au soutien du moyen tiré du vice de procédure mentionné au point 2 ci-dessus lequel est, comme il a été dit précédemment, inopérant et qu'ainsi, l'absence de communication de ces pièces n'a pu préjudicier aux droits des parties.
Au fond :
4. Aux termes de l'article L. 581-9 du code de l'environnement : " Dans les agglomérations, et sous réserve des dispositions des articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'État en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées. Ce décret précise également les conditions d'utilisation comme supports publicitaires du mobilier urbain installé sur le domaine public. / Peuvent être autorisés par arrêté municipal, au cas par cas, les emplacements de bâches comportant de la publicité et, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, l'installation de dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations temporaires. Les conditions d'application du présent alinéa sont déterminées par le décret mentionné au premier alinéa. / L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 581-14 du code de l'environnement applicable à la date d'approbation du règlement local de publicité : " (...) La commune peut élaborer sur l'ensemble du territoire de l'établissement public ou de la commune un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues à l'article L. 581-9. / (...) Le règlement local de publicité définit une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national (...) ". Aux termes de l'article L. 581-14-1 du même code : " Le règlement local de publicité est élaboré, révisé ou modifié conformément aux procédures d'élaboration, de révision ou de modification des plans locaux d'urbanisme définies au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme, à l'exception des dispositions relatives à la procédure de modification simplifiée prévue par l'article L. 123-13-3 et des dispositions transitoires de l'article L. 123-19 du même code. "
6. En premier lieu, d'une part, ainsi qu'il a été rappelé au point 2 du présent arrêt, si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Dès lors, si la société requérante soutient que la liste des trente-neuf emplacements sur lesquels la publicité est admise dans la zone de publicité restreinte (ZPR) n° 5 a été établie après que les autorités compétentes se soient prononcées sur le projet de règlement local de publicité, et, par suite, sans que cette liste ait pu donner lieu à un débat en groupe de travail, un tel moyen, qui relève de la contestation de la légalité externe dudit règlement, n'est pas opérant.
7. D'autre part, cette inopérance, destinée à préserver la sécurité juridique et qui ne pose pas une exclusion de principe du recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte règlementaire mais se borne à en préciser les modalités, ne porte pas atteinte au droit au recours et n'est pas contraire aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration.
8. Enfin, la circonstance que la Société d'Affichage Martiniquais a déjà contesté, dans le délai de recours, le règlement local de publicité de Fort-de-France par un précédent recours administratif ayant fait naitre une précédente décision implicite de rejet, est sans incidence sur l'inopérance du moyen de procédure qu'elle invoque dans la présente instance.
9. En deuxième lieu, l'article ZPR5-3 du règlement local de publicité contesté dispose : " En ZPR5, la publicité est interdite. Toutefois par dérogation la publicité est autorisée uniquement aux emplacements définis par la Ville (Cf. Plan en annexe). Le nombre de dispositifs est limité à 30% par société sur la RD41, RD45 et la Route de Clairière, et à 25% par société sur la RN9 ".
10. La société d'Affichage Martiniquais soutient que le règlement local de publicité n'indique pas avec suffisamment de précision les emplacements autorisés dans la zone ZPR 5. Il ressort des dispositions de l'article ZPR 5-3 du règlement local de publicité qu'elles interdisent la publicité dans la zone en cause mais l'autorisent par dérogation, aux emplacements définis sur le plan de la ville figurant en annexe au règlement local de publicité. L'annexe 8 du règlement définit la zone ZPR 5 comme comportant les principaux axes routiers majeurs à savoir la D41, la N9, la D45, la route de Clairière, la N3, la N2 et la D13 et la délimite en fonction d'une bande de recul. L'annexe 10 présente un plan de la zone ZPR 5 comprenant les axes routiers qui définit par la matérialisation aux abords des axes routiers concernés de ronds de couleur verte, les emplacements autorisés d'affichage publicitaire. Il résulte de ces éléments, quand bien même la liste des emplacements autorisés n'était pas initialement jointe et a été élaborée postérieurement au règlement, que ce dernier définit avec suffisamment de précision la localisation des emplacements autorisés. En tout état de cause, l'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. En l'espèce, il est constant que la liste des emplacements autorisés d'affichage publicitaire en zone ZPR 5 a été précisée par une liste détaillée et dépourvue d'ambiguïté. Par suite, et à supposer même que le document graphique n'ait pas été suffisamment précis, cette imprécision a cessé avec l'adoption de la liste des emplacements.
11. En troisième lieu, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire de n'édicter, dans le respect du principe de sécurité juridique, que des mesures respectant l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit au point précédent du présent arrêt que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le règlement local de publicité méconnait, alors même que n'y était initialement pas jointe la liste des emplacements d'affichage autorisés dans la zone ZPR5, l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme alors que cette liste est uniquement destinée à répertorier les parcelles concernées, suffisamment matérialisées par des points verts sur la carte jointe en annexe du règlement. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit, la liste détaillée des emplacements annexée ultérieurement au règlement local a fait cesser toute illégalité sur ce point, à la supposer constituée.
12. Enfin, la requérante soutient que le vice de procédure résultant de l'absence d'élaboration de la liste des emplacements autorisés selon les modalités fixées par le texte applicable, est constitutif d'un détournement de pouvoir. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commune, en annexant, après adoption du règlement et sans discussion en groupe de travail, la liste qui ne fait que préciser les emplacements précédemment fixés et matérialisés sur un document graphique, aurait commis un détournement de pouvoir.
13. Il résulte de ce qui précède que la Société d'Affichage Martiniquais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fort-de-France qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la Société d'Affichage Martiniquais demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Société d'Affichage Martiniquais la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Fort-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Société d'Affichage Martiniquais est rejetée.
Article 2 : La Société d'Affichage Martiniquais versera à la commune de Fort-de-France une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société d'Affichage Martiniquais-Samsag et à la commune de Fort-de-France.
Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme C... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 mai 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00719