Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le courrier du commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde du 1er juin 2016 l'informant de l'existence d'un trop-perçu de solde de 3 248,22 euros ainsi que le titre de perception émis à la suite de celui-ci.
Par une ordonnance n° 1603566 du 6 septembre 2018, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2018, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 6 septembre 2018 du président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de faire droit à sa demande.
Il soutient que :
- le premier juge ne pouvait sans irrégularité faire application de la solution dégagée par l'avis du Conseil d'État n° 419227 du 25 juin 2018 dès lors que celle-ci aboutit à le priver de son droit au recours et à méconnaître le principe de sécurité juridique, lequel implique que le cadre juridique procédural applicable soit celui en vigueur à la date de la décision contestée ;
- la décision du 1er juin 2016 forme avec le titre de perception litigieux une opération complexe et doit donc pouvoir faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir ;
- le courrier du 1er juin 2016 constitue une décision susceptible de recours dès lors qu'il mentionnait qu'il " [valait] décision administrative " et que la décision de la commission des recours des militaires indiquait qu'elle pouvait faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative ;
- le bien-fondé de la créance litigieuse n'est pas établi ;
- la créance est prescrite ;
- la ministre des armées a officiellement annoncé l'abandon des procédures de recouvrement des indus résultant des dysfonctionnements du logiciel unique à vocation interarmées de la solde.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que l'avis du Conseil d'État n° 419227 ayant été rendu le 25 juin 2018 et l'ordonnance attaquée ayant été prononcée le 6 septembre 2018, M. D... disposait d'un délai de deux mois pour régulariser sa requête en joignant à l'appui de celle-ci, le titre de perception émis le 22 septembre 2016 à son encontre dont il a eu connaissance de manière certaine le 12 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par courrier du 19 décembre 2014, notifié le 23 janvier 2015, le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) a informé M. D... qu'il résultait de la première campagne de régularisation des erreurs consécutives à la mise en fonctionnement du logiciel unique à vocation interarmées de la solde qu'il se trouvait créancier d'une somme de 598,59 euros au titre d'un moins-versé de solde, arrêté à la date du 31 octobre 2014. Par un second courrier du 1er juin 2016, le commandant du CERHS a informé M. D... qu'il ressortait de la deuxième campagne de régularisation effectuée dans ce cadre qu'il se trouvait débiteur d'un trop-versé de solde d'un montant de 3 248,22 euros, arrêté à la date du 31 mars 2016. Le 8 juillet 2016, M. D... a saisi la commission des recours des militaires d'un recours administratif préalable. Par décision du 26 juillet 2016, la commission des recours des militaires a rejeté ce recours comme tardif. Le 28 juillet 2016, M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux " d'annuler le titre de perception émis à son encontre dans le prolongement du courrier du 1er juin 2016 " l'informant de l'existence d'un trop-perçu de solde. M. D... relève appel de l'ordonnance du 6 septembre 2018 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.
2. Pour rejeter la requête de M. D..., le premier juge a, d'une part, fait application de la règle dégagée par l'avis du Conseil d'État n° 419227 du 25 juin 2018 selon laquelle la lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indûment payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part un titre de perception lui sera notifié est une mesure préparatoire de ce titre qui n'est pas susceptible de recours, et, d'autre part, relevé " qu'il ne résultait pas de l'instruction " qu'un titre de perception ait été émis à la suite de ce courrier.
3. En premier lieu, d'une part, si la règle ainsi dégagée n'était pas édictée par un texte et ne résultait d'aucune jurisprudence antérieure, son application au cas d'espèce n'a pas eu pour effet de porter atteinte au droit au recours de M. D..., alors même que sa requête a été enregistrée au greffe du tribunal le 30 juillet 2016, dès lors qu'il lui était toujours possible, ainsi qu'il l'a d'ailleurs fait, de former une réclamation auprès du comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer la créance litigieuse en vue d'une opposition à exécution ou à poursuites, en application des dispositions des articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, et que l'application de cette règle était en elle-même sans incidence sur la recevabilité de ses conclusions tendant à l'annulation du titre de perception. D'autre part, contrairement à ce que soutient M. D..., le courrier du 1er juin 2016 ne peut être regardé comme formant avec le titre de perception du 22 septembre 2016 un opération complexe. Enfin, le principe de sécurité juridique n'implique pas, contrairement à ce que soutient M. D..., que l'ensemble du cadre juridique procédural applicable à un litige soit celui en vigueur à la date d'introduction de la requête. Par suite, les moyens tirés de ce qu'en faisant application de la solution rappelée au point 2, le premier juge aurait porté atteinte à son droit au recours et au principe de sécurité juridique doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, en se bornant à faire valoir que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, un titre de perception a bien été émis à la suite du courrier du 1er juin 2016, alors qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'il ne l'avait pas produit à l'appui de sa requête, M. D... ne conteste pas utilement le motif d'irrecevabilité retenu par le premier juge à l'encontre de ses conclusions tendant à l'annulation de ce titre de perception.
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président,
M. A... B..., premier conseiller,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2020.
Le président,
Didier Salvi
La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18BX03583