Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Euro Béton, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 18 août 2016 par lequel le préfet de La Réunion l'a mise en demeure de respecter les prescriptions de son arrêté du 14 septembre 2015 et celles de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 et a suspendu toutes activités, et de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n°1601008 du 17 septembre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à la condamnation de l'Etat.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2018, la société Euro Béton, représentée par l'AARPI Buès et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 septembre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de La Réunion du 18 août 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 18 août 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige, en tant qu'il ordonne la suspension de toutes activités, n'a pas été précédé d'une mise en demeure, en méconnaissance de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ; en particulier, l'arrêté du 14 septembre 2015 ne constitue pas une telle mise en demeure ;
- l'arrêté en litige ne pouvait tout à la fois la mettre en demeure de se conformer aux prescriptions de l'arrêté du 14 septembre 2015 dans un délai de 48 heures et lui imposer la suspension de toutes activités dans un délai de 24 heures ;
- les délais fixés par l'arrêté en litige en tant qu'il vaut mise en demeure sont insuffisants ;
- la suspension de toutes activités sous 24 heures est une mesure disproportionnée.
Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Euro Béton exploite une installation de fabrication de béton prêt à l'emploi à Sainte-Marie (La Réunion). Par arrêté du 14 septembre 2015, le préfet de La Réunion lui a ordonné, en application de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, de prendre, dans un délai maximal de 24 heures, toutes les dispositions nécessaires à la suspension de ses rejets liquides au milieu naturel et de tout déversement de déchet solide ou liquide au milieu naturel, et de procéder, dans le même délai, à la mise en rétention de tous déchets liquides présents sur le site dans l'attente de leur élimination. A la lumière de rapports établis par l'inspection des installations classées après visites sur site, le préfet de La Réunion a, par arrêté du 18 août 2016, d'une part, mis en demeure la société Euro Béton de respecter les prescriptions de son arrêté du 14 septembre 2015 et de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de bêton prêt à l'emploi soumises à déclaration sous la rubrique n° 2518 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, et, d'autre part, suspendu toutes les activités de l'installation dans le délai de 24 heures. La société Euro Béton relève appel du jugement du 17 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 18 août 2016.
2. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I. _ Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II. _ Lorsque la mise en demeure désigne des travaux ou opérations à réaliser et qu'à l'expiration du délai imparti l'intéressé n'a pas obtempéré à cette injonction, l'autorité administrative compétente peut : (...) 3° Suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages, la réalisation des travaux et des opérations ou l'exercice des activités jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure (...) ".
3. En premier lieu, l'article 2 de l'arrêté en litige a imposé à la société Euro béton la suspension de toutes activités non sur le fondement du 3° du II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, qui détermine les sanctions possibles en cas de non-respect d'une mise en demeure préalable, mais sur le fondement de la dernière phrase du I du même article, en tant que mesure d'urgence destinée à prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. Aucune disposition n'impose qu'une telle mesure d'urgence, qui ne saurait être assimilée à une sanction, soit précédée d'une mise en demeure préalable. Dès lors, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'arrêté en litige, en tant qu'il lui impose la suspension de toutes activités, aurait dû être précédé d'une mise en demeure lui accordant un délai suffisant pour se mettre en conformité avant de faire l'objet d'une sanction.
4. En deuxième lieu, l'article 1er de l'arrêté en litige met en demeure la société requérante de respecter, d'une part, les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 14 septembre 2015 dans le délai de 48 heures et, d'autre part, celles de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 dans le délai d'un mois. Compte tenu de ce qui vient d'être dit au point précédent quant à la nature de la mesure de suspension prévue à l'article 2 de l'arrêté en litige, il n'existe aucune contradiction entre les délais de mise en demeure et le délai de 24 heures dans lequel cette suspension d'urgence doit être effective, l'arrêté contesté précisant que toutes les activités de l'exploitation sont suspendues, à l'exception de celles nécessaires au respect des prescriptions de l'arrêté préfectoral et de l'arrêté ministériel mentionnés ci-dessus.
5. En troisième lieu, lorsqu'un manquement à l'application des conditions prescrites à une installation classée a été constaté, la mise en demeure prévue par les dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement a pour objet, en tenant compte des intérêts qui s'attachent à la fois à la protection de l'environnement et à la continuité de l'exploitation, de permettre à l'exploitant de régulariser sa situation dans un délai déterminé, en vue d'éviter une sanction pouvant aller jusqu'à la suspension du fonctionnement de l'installation. Il incombe donc à l'administration, pour donner un effet utile à ces dispositions, de prescrire dans la mise en demeure un délai en rapport avec les mesures à prendre par l'exploitant.
6. Ainsi qu'il a été dit, par arrêté du 14 septembre 2015, le préfet de La Réunion a ordonné à la société Euro Béton, en application de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, de prendre, dans un délai maximal de 24 heures, toutes les dispositions nécessaires à la suspension de ses rejets liquides au milieu naturel et de tout déversement de déchet solide ou liquide au milieu naturel, et de procéder, dans le même délai, à la mise en rétention de tous déchets liquides présents sur le site dans l'attente de leur élimination. La société requérante ne conteste ni que ces mesures d'urgence étaient justifiées, ni que, ainsi qu'il résulte des rapports établis par l'inspection des installations classées pour l'environnement des 1er février et 19 avril 2016, elle ne les a pas mises en oeuvre de manière totalement satisfaisante. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément permettant d'estimer que les mesures prescrites seraient particulièrement difficiles à mettre en oeuvre, il ne résulte pas de l'instruction que les délais de 48 heures pour respecter les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 14 septembre 2015 et d'un mois pour respecter les prescriptions de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 ne seraient pas en rapport avec les mesures que la société requérante doit prendre.
7. En dernier lieu, la société requérante ne conteste ni les rejets de déchets dans le milieu naturel aquatique et dans le sol qui ont donné lieu à l'arrêté du 14 septembre 2015, ni les risques graves constatés dans les rapports de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement qui en résultent pour le milieu environnant, et notamment pour le milieu aquatique, compte tenu de la proximité de la ravine des Figues et de la présence, au droit du site, d'une nappe phréatique. Elle ne conteste pas davantage ne pas avoir parfaitement mis en oeuvre cet arrêté du 14 septembre 2015. Si elle soutient que les rejets dans la ravine des Figues auraient cessé au jour de l'arrêté contesté, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement du 19 avril 2016 que les exutoires vers le milieu naturel n'avaient pas été condamnés de façon satisfaisante et aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que la situation aurait évolué favorablement sur ce point après ce rapport. Dès lors, et malgré les conséquences économiques de la mesure, la suspension de toutes activités dans le délai de 24 heures imposée par l'arrêté en litige ne peut être regardée comme disproportionnée au regard des conséquences pouvant résulter des rejets de déchets dans le milieu naturel, qui ont perduré plusieurs mois et qui constituent un péril grave et imminent pour l'environnement et la santé publique.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Euro Béton n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Euro Béton est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Béton et au ministre de la transition écologique. Copie sera transmise au ministre des outre-mer et au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme A... B..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
Le rapporteur,
Birsen B...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04144