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03/11/2020 | FRANCE | N°20BX02041

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 03 novembre 2020, 20BX02041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a assigné à résidence dans le département des Hautes-Pyrénées et de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, ou

, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de notification de cette ordonnanc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a assigné à résidence dans le département des Hautes-Pyrénées et de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de notification de cette ordonnance.

Par un jugement n° 1902705 du 11 décembre 2019, le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2020, M. D..., représentée par Me B... dit Labaquère, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 11 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet des Hautes-Pyrénées du 29 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et l'assignant à résidence ;

3°) de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de notification de cette ordonnance ;

4°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir et de mettre fin aux mesures de surveillance dont il fait l'objet et de renouveler son attestation de demandeur d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est intervenue en méconnaissance de son droit d'être entendu et des droits de la défense, tels que garantis par les dispositions des articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne ;

- cette décision est insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 reprise par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée au regard du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et n'a pas apprécié personnellement sa situation ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le droit à un recours effectif garanti par la convention de Genève ;

- elle méconnaît le droit au bénéfice des conditions d'accueil également garanti aux demandeurs d'asile par la convention de Genève ;

- elle méconnaît la charte des droits fondamentaux de l'Union ;

- elle méconnaît l'article 6 de la directive 2008/115.

En ce qui concerne le délai de départ volontaire :

- cette décision ne répond pas aux exigences de motivation de la loi du 11 juillet 1979 reprise par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ; le préfet ne justifie pas de ce que compte tenu de sa situation, il n'aurait pas dû bénéficier d'un délai plus long.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la demande de suspension :

- il existe un doute sérieux, en l'espèce, sur le bien-fondé de la décision de rejet prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- en effet, d'une part, l'entretien a été trop court, d'autre part, il y a une difficulté avec l'interprète, de telle sorte qu'il n'a pas été en mesure de s'expliquer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2020, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par décision du 2 avril 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien, né le 2 juin 1985 à Kutaisi (Géorgie), est entré en France selon ses déclarations le 16 octobre 2018 accompagné de son épouse, de même nationalité. Il a déposé, le 25 octobre 2018, une demande d'asile rejetée en procédure accélérée le 16 août 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il a formé le 12 novembre 2019 un recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 29 novembre 2019 le préfet des Hautes-Pyrénées l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a assigné à résidence dans le département des Hautes-Pyrénées. M. D... relève appel du jugement par lequel le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 29 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, au soutien des moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de la méconnaissance du droit d'être entendu et de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention de Genève, de la charte des droits fondamentaux de l'Union et de l'article 6 de la directive 2008/115, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait nouveau et ne critique pas utilement la réponse apportée par le président du tribunal administratif de Pau. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait senti, à tort, en situation de compétence liée pour édicter à l'encontre de M. D... l'obligation de quitter le territoire français en litige, en raison du rejet de sa demande d'asile.

4. En troisième lieu, M. D... est entré récemment en France en octobre 2018. Il ne se prévaut d'aucune attache particulière en France, en dehors de la présence de son épouse et de ses parents, de même nationalité, lesquels font également l'objet de mesures d'éloignement. Dans ces conditions, alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 19 décembre 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que la vie privée et familiale de M. D... ne pourrait se poursuivre ailleurs qu'en France avec son épouse de même nationalité, et notamment dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces circonstances, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la mesure d'éloignement serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

5. En quatrième lieu, eu égard aux circonstances exposées ci-dessus, M. D..., ne remplit pas davantage les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant délai de départ volontaire de trente jours :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire serait privée de base légale.

7. En deuxième lieu, le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun susceptible d'être accordé en application du II de l'article L. 5111 du code précité, visé par l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à M. D... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui, en vertu des dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France après la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile et devait en application des dispositions de l'article L. 743-3 du même code, quitter volontairement le territoire français, aurait expressément demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation de ce délai. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.

8. En troisième lieu, l'intéressé, entré récemment en France, sans enfant, ne fait état d'aucune considération qui aurait justifié qu'un délai supérieur à trente jours lui fût accordé pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français dont il est l'objet. Par suite le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, pour soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours serait privée de base légale.

10. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination qui vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle la décision prise sur sa demande d'asile, mentionne que M. D... est de nationalité géorgienne et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée.

11. En dernier lieu, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et que le rejet a été confirmé par ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 19 décembre 2019, l'appelant, qui ne produit aucun élément nouveau, n'établit pas qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, alors contrairement à ce qui est soutenu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hautes-Pyrénées se serait senti lié par les décisions de rejet prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et qu'il n'aurait pas examiné sa situation personnelle au regard des risques encourus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement :

12. M. D... sollicite la suspension de la mesure d'éloignement en litige, dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 16 août 2019 selon la procédure accélérée et que l'appelant n'a produit en première instance, pas plus qu'en appel, d'élément nouveau de nature à justifier son droit à l'asile. Au demeurant, le préfet a indiqué dans son mémoire en défense que la décision de l'OFPRA a été confirmée par la CNDA par ordonnance n°19051371 du 19 décembre 2019. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions de l'appelant aux fins que la cour suspende l'exécution de la mesure d'éloignement en litige jusqu'à la décision de la CNDA, laquelle est intervenue antérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel, ces conclusions doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement d'une somme à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me B... dit Labaquere et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

Le rapporteur,

Caroline C...

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02041
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : MASSOU DIT LABAQUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-03;20bx02041 ?
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