Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1900862 du 4 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 octobre 2019, M. B..., représenté par la SCP A...-Pascot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 8 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étranger malade " dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;
- la préfète a commis une erreur de droit en s'estimant à tort liée par l'avis du collège de l'OFII ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile et les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le renvoi dans son pays d'origine va le priver de son traitement et l'exposer à un risque de mort.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la préfète de La Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, né le 31 décembre 1953, est entré en France le 6 juillet 2011, selon ses déclarations. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 31 janvier 2012 au 27 avril 2018. Le 29 mai 2018, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 8 mars 2019, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 4 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Vienne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B..., alors que l'arrêté attaqué fait notamment expressément référence à son état de santé et aux conséquences d'une exceptionnelle gravité du défaut de sa prise en charge médicale, aux conditions de son entrée et de son séjour en France ainsi qu'à sa situation familiale. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas non plus des termes de l'arrêté en litige que la préfète, qui s'est approprié l'avis du collège des médecins de l'OFII, se serait estimée en situation de compétence liée pour refuser le séjour au requérant. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit par suite être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présenté au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète de la Vienne s'est notamment fondée sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 28 septembre 2018 qui précise que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a subi en 2011 une intervention chirurgicale à la suite d'un AVC ischémique et qu'il bénéficie depuis lors d'un suivi nécessitant un traitement médicamenteux. Si pour contester cet avis, M. B... fait valoir qu'il bénéficie d'un protocole de soins jusqu'au 20 août 2020 et que le traitement médicamenteux prescrit n'est pas disponible en Guinée, les articles généraux sur l'insuffisance du nombre de neurologues et l'existence de nombreux médicaments contrefaits en Guinée, ne permettent toutefois pas de contredire utilement l'avis du collège des médecins de l'OFII alors en outre que la préfète a produit en première instance des éléments indiquant la disponibilité des traitements suivis par le requérant dans son pays d'origine. Si M. B... fait valoir que sa situation financière et sociale ne lui permettrait pas d'avoir effectivement accès à la prise en charge de sa pathologie en raison du coût du traitement, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmations permettant d'estimer qu'il ne pourrait disposer dans son pays d'origine de revenus, permettant cette prise en charge alors en outre que le requérant ne produit pour justifier de la liste des médicaments qui lui seraient prescrits qu'une ordonnance médicale de 2013 et un protocole de soins daté de 2016 illisible. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. En quatrième lieu, si M. B... entend invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...) ", il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément de nature à en établir le bien-fondé autre que les éléments relatifs à son état de santé et à la possibilité de soins dans son pays d'origine examinés ci-dessus. Le moyen doit, par suite, être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
10. Eu égard aux circonstances exposées au point 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B... peut bénéficier d'un traitement adapté à ses pathologies dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Birsen D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX04267