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16/02/2021 | FRANCE | N°20BX02216

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 février 2021, 20BX02216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel elle a été assignée à résidence.

Par un jugement n° 2001149 du 4 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

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Par une requête enregistrée le 11 juillet 2020 et des pièces enregistrées le 24 juillet 2020, Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel elle a été assignée à résidence.

Par un jugement n° 2001149 du 4 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2020 et des pièces enregistrées le 24 juillet 2020, Mme G..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mars 2020 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 27 février 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant transfert :

- la décision est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas justifié de ce que l'agent de la préfecture ayant mené l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement Dublin III était qualifié en l'absence de toute possibilité d'identifier cet agent ;

- les dispositions de l'article 26 paragraphe 3 du règlement UE n° 604/2013 relatives à la notification de la décision par l'intermédiaire d'un interprète ont été méconnues dès lors qu'elle n'a pu faire valoir des observations que par le truchement d'un interprète par téléphone ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que l'autorité préfectorale s'est estimée à tort en situation de compétence liée pour prescrire son transfert ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 compte tenu de ce qu'elle craint de ne pas être en sécurité en Allemagne, les autorités de ce pays entretenant des liens étroits avec les autorités mongoles ; par ailleurs son état de santé et celui de sa fille nécessite leur présence en France ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, la mesure n'étant proportionnée ni dans son principe ni dans sa durée.

Par mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et précise que suite au non-respect par la requérante de ses obligations de pointage prévues par l'arrêté d'assignation à résidence, la mesure de transfert aux autorités allemandes a été prolongée de 18 mois à compter de la notification du jugement de première instance et interviendra au plus tard avant le 4 septembre 2021.

Par ordonnance du 3 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 4 janvier 2021 à 12h00.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante mongole née le 27 mars 1973, est entrée en France accompagnée de ses deux enfants mineurs le 22 août 2019. Le 11 septembre 2019, elle s'est présentée à la préfecture de la Haute-Garonne afin de solliciter l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressée s'était vu délivrer un visa par les autorités allemandes, ces dernières ont été saisies le 7 novembre 2019 d'une demande de prise en charge, laquelle a fait l'objet d'un accord explicite le 19 novembre 2019. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne a, par deux arrêtés du 27 février 2020, d'une part, ordonné le transfert de Mme G... vers l'Allemagne en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département de la Haute-Garonne. Mme G... relève appel du jugement du 4 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours dirigé contre ces deux arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme G... a été reçue en entretien le 11 septembre 2019. Le procès-verbal d'entretien mentionne que cet entretien a été mené par un agent qualifié de la préfecture de la Haute-Garonne. Or, d'une part, les dispositions précitées n'exigent pas que le résumé de l'entretien individuel, qui peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené. Celui-ci n'est donc pas tenu d'y faire figurer son prénom, son nom, sa qualité et son adresse administrative. D'autre part, en se bornant à affirmer qu'il n'est pas établi que l'entretien du 11 septembre 2019 aurait été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, Mme G... n'apporte aucun élément permettant de douter de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé, relatif aux conditions de notification d'une décision de transfert : " (...) / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les Etat membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été notifié en main propre à l'intéressée le 27 février 2020 qui a bénéficié à cette occasion de l'assistance téléphonique d'un interprète en langue mongole mandaté par l'association " ISM interprétariat ". La seule circonstance qu'il n'a pas été justifié de la nécessité d'utiliser un service d'interprétariat par téléphone est sans influence sur la légalité de la décision en litige dès lors que la requérante ne soutient ni n'allègue avoir été privé d'une garantie. Dans ces conditions, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

6. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre l'arrêté de transfert en litige.

7. En dernier lieu, Mme G... soutient que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation notamment dans la mise en oeuvre de l'article 17 du règlement n° 604/2013 et que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation. Toutefois, au soutien de cette allégation, Mme G... reprend les mêmes arguments qu'elle a développé en première instance. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter les moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

En ce qui concerne les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté ordonnant son transfert vers l'Allemagne.

9. En second lieu, il ressort des mentions de la décision en litige que Mme G..., qui justifie d'une adresse à Toulouse, est assignée à résidence dans le département de la Haute-Garonne et astreinte à une obligation de présentation trois fois par semaine au commissariat central de police de Toulouse. Si Mme G... soutient que cette obligation est excessive, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de l'obligation de pointage seraient disproportionnées ou entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 27 février 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente,

M. F... D..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

La présidente,

Evelyne B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02216
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DURAND CLEMENCE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-16;20bx02216 ?
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