Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme K... M... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 10 juin 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier (CH) de Libourne a refusé de la titulariser et a prononcé son licenciement pour inaptitude professionnelle, de condamner cet établissement à lui verser une indemnité de 357,41 euros, d'annuler la décision du directeur du CH de Libourne du 28 juin 2017 la titularisant en tant qu'elle l'a reclassée à compter du 1er juillet 2016 au grade d'agent des services hospitaliers qualifié (ASHQ) de classe normale au lieu de celui d'aide médico-psychologique (AMP) de classe normale, d'annuler la décision du 20 juillet 2017 en tant que la même autorité a procédé au même reclassement à compter
du 1er juillet 2017, et d'enjoindre au CH de Libourne de la titulariser au grade d'AMP et de reconstituer ses droits sociaux.
Par un jugement nos 1603466, 1703661 et 1703756 du 14 juin 2018, le tribunal
a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 juin 2016, et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2019, Mme M..., représentée par la SELARL Boireau, Ficamos Van Ruymbeke, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes d'annulation partielle des décisions des 28 juin et 20 juillet 2017 et d'injonction ;
2°) d'annuler les décisions des 28 juin et 20 juillet 2017 en tant qu'elles la reclassent au grade d'ASHQ de classe normale au lieu d'AMP de classe normale et de reconstituer ses droits sociaux, notamment ses droits à pension ;
3°) d'enjoindre au directeur du CH de Libourne de la réintégrer et de la titulariser au grade d'AMP de classe normale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du CH de Libourne une somme de 4 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- en écartant les moyens tirés de l'incompétence et du vice de forme sans tenir compte de la mention " SC " apposée à côté de l'identification du signataire de la décision
du 28 juin 2017, les premiers juges se sont mépris sur cette mention indiquant que la décision n'a pas été signée par le directeur ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les fonctionnaires stagiaires ne se trouvaient pas dans la même situation que les fonctionnaires titulaires au regard du droit au reclassement après un accident de service, et le principe d'égalité a été méconnu ;
En ce qui concerne la décision du 28 juin 2017 :
- dès lors qu'elle est signée " SC le directeur M. H... ", ce qui n'identifie pas son véritable signataire, la décision est entachée d'incompétence et d'un vice de forme au regard des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle a exercé les fonctions d'aide médico-psychologique (AMP) pendant un an
à mi-temps thérapeutique, puis durant trois mois à plein temps sans difficulté, de sorte que la décision fondée sur son inaptitude à ces fonctions est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- quand bien même elle aurait été inapte aux fonctions d'AMP, son employeur était tenu, en vertu des dispositions de l'article 71 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, d'adapter son poste de travail à son état physique, ce qui avait d'ailleurs été le cas lors de la reprise à mi-temps thérapeutique puis à temps complet ;
En ce qui concerne la décision du 20 juillet 2017 :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision du 28 juin 2017 ;
- pour les motifs exposés précédemment, elle est entachée d'erreur
manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 71 de la
loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
En ce qui concerne les mesures d'exécution :
- l'illégalité de son éviction implique nécessairement qu'il soit fait droit à ses conclusions à fin d'injonction.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2019, le CH de Libourne, représenté par la SELARL BCV Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme M... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme M... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme B... C..., rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme M..., recrutée en 2009 sous contrat à durée indéterminée par le CH de Libourne en qualité d'agent des services hospitaliers, a été nommée fonctionnaire stagiaire à compter du 1er mai 2013 dans le corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière, au grade d'aide médico-psychologique (AMP) de classe normale. Le 21 août 2014, alors que son stage avait été prolongé pour raison de santé, elle a été victime d'un traumatisme par écrasement de la main gauche entre un chariot et un mur, reconnu imputable au service. Elle a repris le travail à compter du 3 mars 2015 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, puis à temps plein à compter du 3 mars 2016. Le 19 février 2016, le médecin du service de santé au travail l'a déclarée inapte aux fonctions d'aide-soignante dans toutes les missions avec manutention de patients et port de charges, mais apte à un autre poste tel que celui envisagé d'agent des services hospitaliers qualifié (ASHQ) en accueil de jour avec des fonctions de chauffeur. Mme M..., licenciée pour inaptitude physique à compter
du 1er juillet 2016 par une décision du 10 juin 2016 qu'elle a contestée devant le tribunal administratif de Bordeaux, a néanmoins été recrutée sous contrat à durée déterminée sur l'emploi de chauffeur. Par une décision du 28 juin 2017, le directeur du CH de Libourne a retiré la décision du 10 juin 2016 et titularisé Mme M... en la reclassant au grade d'ASHQ de classe normale à compter du 1er juillet 2016, puis, par une décision du 20 juillet 2017, il a procédé à la reconstitution de la carrière de l'intéressée dans ce grade. Mme M... a également attaqué les décisions des 28 juin et 20 juillet 2017 et demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'enjoindre au directeur du CH de Libourne de la titulariser en qualité d'AMP. Elle relève appel du jugement du 14 juin 2018 en tant que le tribunal, qui a joint ses trois demandes et constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à la décision
du 10 juin 2016, a rejeté le surplus.
Sur la régularité du jugement :
2. En faisant valoir, d'une part, que les premiers juges se seraient mépris sur la signification de la mention " SC " apposée à côté de l'identification du signataire de la décision du 28 juin 2017, et d'autre part, qu'ils auraient estimé à tort que les fonctionnaires stagiaires et titulaires ne se trouvaient pas dans la même situation au regard du droit au reclassement après un accident de service, Mme M... ne met pas en cause la régularité, mais le bien-fondé du jugement.
Sur la légalité de la décision du 28 juin 2017 :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public
et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature
de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité
de celui-ci. / (...). " La décision du 28 juin 2017 porte la mention " le directeur,
Michel H... " et une signature identifiable comme étant celle de M. H... et non celle de Mme J... L..., directrice adjointe, ainsi qu'il ressort d'une délégation
du 5 décembre 2014 produite par le CH de Libourne portant ces deux signatures. Dès lors que la décision contestée comporte effectivement le prénom, le nom et la qualité de son signataire, la circonstance que les lettres manuscrites SC figurent à côté de la signature ne saurait caractériser une méconnaissance des dispositions précitées.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière : " Le corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés comprend : / - les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture, les aides médico-psychologiques ; / - les agents des services hospitaliers qualifiés. " Aux termes de l'article 4 du même décret : " Les aides-soignants (...) collaborent aux soins infirmiers dans les conditions définies à l'article R. 4311-4 du code de la santé publique. / (...) / Les aides-soignants exerçant les fonctions d'aide médico-psychologique participent aux tâches éducatives sous la responsabilité de l'éducateur ou de tout autre technicien formé à cet effet. Ils collaborent aux soins infirmiers, dans les conditions définies à l'article R. 4311-4 du code de la santé publique. / Les agents des services hospitaliers qualifiés sont chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux de soins et participent aux tâches permettant d'assurer le confort des malades. Ils effectuent également les travaux que nécessite la prophylaxie des maladies contagieuses et assurent, à ce titre, la désinfection des locaux, des vêtements et du matériel et concourent au maintien de l'hygiène hospitalière. "
5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'inaptitude de Mme M... aux missions d'aide-soignante avec manutention de patients et port de charges a été médicalement constatée
le 19 février 2016. La décision du 1er mars 2016 l'autorisant à reprendre son activité à temps plein à compter du 3 mars 2016 fait référence à la fiche établie le 19 février précédent
par le médecin du service de santé au travail. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier
que Mme M..., qui s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 3 juin 2015, avait repris le travail à mi-temps thérapeutique en mars 2015 avec une recommandation de changement de poste afin d'exclure les mouvements forcés des deux bras et le port de charges, et à partir d'août 2015 avec une limitation du périmètre de marche et des alternances de postures assis et debout. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision la reclassant dans l'emploi d'ASHQ pour inaptitude aux fonctions d'AMP serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Si le médecin du service de santé au travail a constaté, le 1er juillet 2019, qu'elle ne présentait pas de contre-indication médicale à un poste d'AMP, cette amélioration de son état de santé postérieurement à la décision du 28 juin 2017 ne peut être utilement invoquée pour en contester la légalité.
6. En second lieu, aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " En vertu de l'article 2 de la même loi, ces dispositions s'appliquent aux fonctionnaires titularisés. Mme M..., qui avait la qualité de fonctionnaire stagiaire dans l'emploi d'AMP, ne peut utilement invoquer leur méconnaissance. La situation probatoire et provisoire des fonctionnaires stagiaires n'étant pas comparable à celle des titulaires, l'absence d'obligation de reclassement des fonctionnaires stagiaires devenus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ne méconnaît pas le principe d'égalité.
Sur la légalité de la décision du 20 juillet 2017 :
7. Il résulte de ce qui précède que Mme M... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision du 28 juin 2017.
8. Les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des dispositions de l'article 71 de la loi 9 janvier 1986 doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 5 et 6.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme M... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes enregistrées sous les numéros 1703661 et 1703756. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
10. Mme M..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le CH de Libourne à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme M... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CH de Libourne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... M... et au centre hospitalier
de Libourne.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme I... G..., présidente,
Mme A... E..., présidente-assesseure,
Mme D... F..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
La rapporteure,
Anne E...
La présidente,
Catherine G...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00294