Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I... E... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Condom à lui verser un reliquat impayé des salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis 2014, ainsi que la somme de 78 000 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1600449 du 21 septembre 2018, le tribunal administratif de Pau a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de Mme E... tendant au versement du reliquat non versé de ses salaires depuis 2014, a ordonné une expertise avant-dire droit au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne afin que soit déterminé le montant des honoraires médicaux et des frais entraînés par les accidents de service en cause dont Mme E... peut obtenir le remboursement par son employeur et a rejeté le surplus de la demande de Mme E....
Par un jugement n° 1600449 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier de Condom à verser à Mme E... une somme de 2 188,28 euros en réparation de son préjudice.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2018 sous le n° 18BX03861, Mme E..., représentée par Me F..., doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600449 du 21 septembre 2018 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Condom à lui verser, d'une part, le reliquat impayé des salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis 2014 et, d'autre part, une somme globale de 84 620,15 euros en réparation de ses préjudices, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2015, date de réception de sa demande préalable ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Condom une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- compte tenu du caractère professionnel de ses pathologies, elle a droit au remboursement de l'ensemble des frais qu'elle a exposés pour leur prise en charge ;
- son employeur n'a pas respecté les prescriptions du médecin du travail l'ayant déclarée apte au travail sans port de charges lourdes et elle n'a bénéficié ni d'une visite médicale d'embauche ni des visites médicales annuelles obligatoires ;
- la responsabilité sans faute de son employeur est engagée et, subsidiairement, sa responsabilité pour faute compte tenu de ses négligences ;
- le centre hospitalier de Condom doit être condamné à lui verser :
o le reliquat des salaires impayé depuis 2014 et des dommages et intérêts pour leur versement tardif ;
o une somme de 15 000 euros au titre des souffrances endurées ;
o une somme de 30 000 euros au titre au titre de son préjudice moral compte tenu de la brutalité avec laquelle son employeur s'est conduit tout au long de cette procédure, de ce qu'il a nié le caractère professionnel de sa maladie, s'est abstenu de lui communiquer l'avis favorable du comité consultatif, ne lui a pas adressé ses bulletins de salaire ni les " feuilles de soins " en accident de travail et en maladie professionnelle, ni son " relevé de carrière " complet ; en outre, il a ouvert les expertises en violation du secret médical, et ne lui a pas délivré les attestations d'interruption totale de travail lui permettant de faire prendre en charge par son assurance le remboursement d'un prêt immobilier ; il a tardé à reconnaître son droit à plein traitement après l'avis du comité médical ; il s'est abstenu de réclamer son dossier médical à ses précédents employeurs et de la faire suivre par le médecin du travail ;
o une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice d'agrément ;
o une somme de 5 000 euros en réparation de la violation de son droit à une visite médicale préalable, ainsi qu'à des visites médicales annuelles et du préjudice que lui a causé l'absence de demande de son dossier médical professionnel par son employeur ;
o une somme de 20 000 euros au titre du préjudice que lui a causé le non-respect par son employeur de son obligation de protéger sa santé ;
o une somme de 4 829,41 euros au titre de ses frais de déplacements et une somme de 1 790,74 euros au titre de ses frais de kinésithérapie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le centre hospitalier de Condom, représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a reconnu l'imputabilité au service des pathologies de Mme E... ;
- il n'était pas contraire aux prescriptions de la médecine du travail de demander à Mme E... de pousser un chariot et l'intéressée n'a jamais sollicité une adaptation de son poste de travail à son état de santé ni signalé un quelconque incident ;
- il n'a pas à être en possession du dossier médical d'un de ses agents ; l'établissement n'a eu connaissance que de ce qui résultait des expertises et des éléments qui lui étaient communiqués par Mme E... elle-même ; Mme E... n'établit aucune négligence de l'établissement dans la tenue de son dossier administratif ;
- le retard de communication de l'avis de la commission de réforme du 26 août 2014 que lui reproche Mme E... ne lui a causé aucun préjudice ;
- il n'avait aucune obligation de communiquer à Mme E... des feuilles de soins et celle-ci ne lui a pas demandé un " plan de retraite " ;
- il ne conteste pas devoir prendre en charge les frais liés à la pathologie de Mme E... mais n'a pris connaissance des montants et justificatifs qu'au cours de la procédure devant le tribunal ; le lien de causalité entre ces dépenses et l'affection dont la prise en charge lui incombe n'est pas établi ;
- Mme E... ne se prévaut d'aucun préjudice lié à l'absence de visite médicale d'embauche ; en toute hypothèse, il n'est pas établi qu'une telle visite aurait permis d'identifier la pathologie dont avait souffert Mme E..., qui n'en a jamais fait état avant l'accident de 2014 ; il n'est pas davantage établi qu'une telle visite aurait abouti à une contre-indication médicale du brancardage ;
- le harcèlement allégué n'est pas établi ;
- Mme E... ne peut prétendre, au titre de la responsabilité sans faute de l'établissement, qu'à la réparation d'un préjudice distinct d'une perte de revenus et de l'incidence professionnelle ; la réalité de tels préjudices n'est pas établie.
Par ordonnance du 2 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2020.
Un mémoire présenté par Mme E... a été enregistré le 23 octobre 2020.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de Mme E... en tant qu'elle se prévaut d'autres faits générateurs de la responsabilité du centre hospitalier de Condom que ceux évoqués dans sa demande préalable d'indemnisation soit l'absence de communication de son " relevé de carrière ", de ses bulletins de salaire, du détail de son compte épargne temps, de la violation du secret médical par son employeur et des modalités selon lesquelles un reclassement lui a été proposé.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juin 2019 , le 3 décembre 2020 et le 15 janvier 2021 sous le n° 19BX02745, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau du 23 avril 2019 en tant qu'il a limité à la somme de 2 188,28 euros le montant de la condamnation du centre hospitalier de Condom ;
2°) de porter le montant de cette condamnation à la somme de 84 462,39 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Condom une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise du Dr Mandron.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de condamner le centre hospitalier de Condom à lui rembourser ses frais de déplacement aux rendez-vous médicaux et les frais de santé restés à sa charge, soit un total de 5 472,72 euros et non de 2 187,68 euros ainsi que l'a retenu le tribunal ;
- c'est à tort que l'expert n'a retenu que les soins directement et exclusivement imputables à son activité professionnelle au centre hospitalier de Condom à partir du 24 juin 2014 ;
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier est engagée en raison de l'absence de visite médicale d'embauche ; cette faute présente un lien de causalité avec les préjudices dont elle demande réparation, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, dès lors qu'en l'absence de cette visite, le centre hospitalier n'a pas été alerté sur le risque de lui laisser porter des charges lourdes, circonstance qui est à l'origine des accidents de service survenus en 2014 ; le centre hospitalier n'a mis en place aucun aménagement de son poste de travail pour tenir compte de son état de santé ;
- le centre hospitalier a également commis une faute en ne demandant pas son carnet de vaccination ni son dossier médical à son ancien employeur ;
- est également fautive le délai dans lequel le centre hospitalier a reconnu l'imputabilité au service de ses pathologies ;
- le centre hospitalier a pris connaissance de documents couverts par le secret médical et, d'une manière générale, a manqué de diligence et de loyauté dans le déroulement de la procédure ;
- le délai dans lequel le centre hospitalier lui a proposé un reclassement et les circonstances dans lesquelles une proposition lui a été faite révèlent également une faute ;
- le centre hospitalier a commis une faute en refusant de lui délivrer ses bulletins de salaire pour la période de juillet 2014 à septembre 2017, son relevé de retraite ainsi que les feuilles de soins lui permettant de se faire rembourser ses dépenses de santé ; il a également commis une faute en refusant de l'informer du solde de son compte épargne temps ;
- le centre hospitalier est tenu, au titre de sa responsabilité sans faute, de l'indemniser des souffrances qu'elle a endurées et de son préjudice d'agrément ; à défaut de lui accorder les sommes qu'elle demande à ce titre, la cour pourra ordonner une expertise afin de chiffrer ces postes de préjudices ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes au motif que l'allocation d'invalidité qu'elle perçoit répare les préjudices résultant de son accident de service survenu en 2009 alors que cette allocation intègre le taux d'invalidité résultant de ses accidents de service de 2014 ;
- ses préjudices doivent être évalués aux sommes suivantes :
o 30 000 euros au titre de son préjudice moral ;
o 20 000 euros au titre du non-respect du droit à une visite médicale préalable ;
o 15 000 euros au titre de souffrances endurées ;
o 8 000 euros au titre de son préjudice d'agrément ;
o 5 472,72 euros au titre de ses frais de transport et dépenses de santé
o 5 989,67 euros au titre des demi-salaires .
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2019, le centre hospitalier de Condom, représenté par Me J..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme E... ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler l'article 1er du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamné à verser à Mme E... la somme de 2 188,28 euros ;
- de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les frais de déplacement demandés par Mme E... ne peuvent être remboursés dès lors qu'il existait des centres de cures thermales plus proches de son domicile que celui où elle s'est rendue ; de la même manière, la nécessité des interventions et des consultations à Brie-sur-Marne n'est pas justifiée ;
- le lien de causalité entre les dépenses de santé dont le remboursement est demandé et l'accident de service n'est pas établi.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de Mme E... en tant qu'elle se prévaut d'autres faits générateurs de la responsabilité du centre hospitalier de Condom que ceux évoqués dans sa demande préalable d'indemnisation soit l'absence de communication de son " relevé de carrière ", de ses bulletins de salaire, du détail de son compte épargne temps, de la violation du secret médical par son employeur et des modalités selon lesquelles un reclassement lui a été proposé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'arrêté du 11 juillet 1977 fixant la liste des travaux nécessitant une surveillance médicale spéciale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... G...,
- les conclusions de Mme L... B..., rapporteure publique,
- et les observations de Me F..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., manipulatrice en électroradiologie, est titulaire de la fonction publique hospitalière depuis 1978 et a été affectée, le 1er août 2011, au centre hospitalier de Condom. Au cours de ses précédentes fonctions, elle a été victime d'un premier accident de service le 10 décembre 2004, duquel sont résultées des douleurs cervicales, dorso lombaires et scapulaires, particulièrement au côté gauche, puis d'un nouvel accident le 4 septembre 2009 responsable d'une rupture des tendons de la coiffe des rotateurs de son épaule droite, rupture traitée chirurgicalement le 13 octobre 2009. Son état de santé a été déclaré consolidé à compter du 21 juin 2010 et un déficit fonctionnel permanent de 12 % lui a été reconnu. Après sa mutation à Condom, Mme E... a subi le 6 février 2014 un nouvel accident affectant son épaule droite, puis le 24 juin 2014 un accident affectant ses deux poignets et le 6 août 2014 un accident affectant son épaule gauche. Par une décision du 26 février 2016, le centre hospitalier de Condom a estimé que les pathologies de Mme E... relatives au canal carpien droit et gauche ainsi que celles relatives à son épaule gauche devaient être prises en charge au titre d'une maladie professionnelle pour la période du 6 août 2014 au 30 novembre 2015, que les pathologies étaient reconnues consolidées au 30 novembre 2015 et qu'à compter du 1er décembre 2015, elles seraient prises en charge au titre d'un congé de maladie ordinaire. Par un courrier du 20 décembre 2014, réceptionné le 12 janvier 2015, Mme E... a sollicité du centre hospitalier de Condom le versement de diverses indemnités, ce qui lui a été refusé par une décision du 10 mars 2015. Par une première requête, Mme E... demande à la cour d'annuler le jugement avant dire droit du 21 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a ordonné une expertise médicale avant de statuer sur les conclusions indemnitaires tendant au remboursement de ses frais médicaux, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par une seconde requête, elle demande à la cour de réformer le jugement du tribunal du 23 avril 2019 en tant qu'il a limité à la somme de 2 188,28 euros le montant de la condamnation du centre hospitalier de Condom au titre de ses frais médicaux. Les requêtes n° 18BX03861 et 19BX02745 présentées par Mme E... sont relatives à la situation d'une même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande :
2. Par un courrier du 20 décembre 2014, Mme E... a sollicité du centre hospitalier de Condom, outre le remboursement des frais qu'elle a exposés pour la prise en charge de ses pathologies et le paiement d'un reliquat de salaires, l'indemnisation de divers préjudices en se prévalant des fautes qu'aurait commises cet établissement de santé en ne se procurant pas son dossier médical auprès de ses précédents employeurs, en ne l'ayant fait bénéficier d'aucune visite médicale, en n'ayant pas aménagé son poste de travail à son état de santé, en ne lui ayant pas communiqué l'avis de la commission de réforme ni les " feuilles de soins " pour la prise en charge de ses dépenses de santé et en ayant globalement manqué de diligence dans la procédure permettant de reconnaître l'imputabilité au service de ses pathologies. Elle ne peut ainsi se prévaloir directement devant le juge d'autres faits générateurs que ceux pour lesquels elle a lié le contentieux auprès de son employeur par cette demande préalable. Mme E... n'est, par suite, pas recevable à invoquer les fautes qu'aurait commises le centre hospitalier de Condom en ne lui communiquant pas un relevé de carrière complet permettant d'évaluer des hypothèses de retraite, ses bulletins de salaire, le détail de son compte épargne temps, en ayant pris connaissance de documents en méconnaissance du secret médical et en lui proposant un reclassement dans des conditions insatisfaisantes, faits générateurs dont elle n'avait pas fait état dans sa demande préalable d'indemnisation.
Sur la demande tendant au versement d'un reliquat de salaire :
3. Si Mme E... persiste à demander en appel, dans les mêmes termes que devant les premiers juges, le versement d'un reliquat impayé de l'intégralité des salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis 2014, elle admet par ailleurs, dans ses propres écritures, avoir été payée. Mme E... ne critiquant pas le non-lieu à statuer prononcé par le tribunal sur ce point, elle n'est pas fondée à demander le versement d'un reliquat de salaire depuis l'année 2014, sur lequel elle n'apporte aucune justification.
Sur la demande de remboursement de frais médicaux :
4. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ".
5. Il résulte de l'expertise médicale ordonnée par les premiers juges que doivent être regardées comme imputables au service les tendinopathies chroniques dont a souffert Mme E... aux deux épaules à compter de 2014, ainsi que le syndrome du canal carpien affectant ses deux poignets. S'il résulte de l'instruction qu'un traitement antalgique et des séances de kinésithérapie ont notamment été nécessaires pour traiter ces pathologies, Mme E... ne justifie pas davantage en appel que devant les premiers juges de l'existence de dépenses de santé qui seraient nécessitées par les pathologies en cause, et restées à sa charge.
6. S'agissant des frais de transport, Mme E... fournit une liste détaillée de l'ensemble des trajets qu'elle a dû effectuer pour la prise en charge de ses différentes pathologies. Alors que le centre hospitalier fait valoir qu'il existe de nombreux établissements de santé plus proches du domicile de l'intéressée où ses pathologies auraient pu être prises en charge ainsi que des centres de cures thermales qui ne nécessitaient pas un si long trajet, Mme E... ne fournit aucune justification de son choix de consulter à Brie-sur-Marne et de suivre une cure thermale à Barbotan-les-Thermes. Dans ces conditions, et faute pour Mme E... de justifier que de tels déplacements présentaient un caractère d'utilité directe pour la prise en charge de ses pathologies imputables au service, le coût de tels trajets ne saurait être indemnisé. Compte tenu des éléments versés aux dossiers, il résulte seulement de l'instruction que peuvent être regardés comme imputables au service les rendez-vous de Mme E... le 3 avril 2014 à Tarbes pour une expertise réalisée à la demande de l'hôpital, le 30 juillet 2014 à Toulouse pour une consultation chez un rhumatologue ainsi que le 8 octobre 2014 à Toulouse, le 13 janvier 2015 à Auxerre, le 14 novembre 2015 à Avallon et le 30 novembre 2015 à Dijon pour différentes expertises médicales utiles à la procédure. Il sera fait une juste évaluation des frais de transport exposés par Mme E..., après soustraction de la somme de 150 euros déjà versée par le centre hospitalier de Condom en remboursement de ces frais, en ramenant la somme que ce dernier a été condamné à verser à ce titre par les premiers juges à 507,74 euros.
7. Il résulte par ailleurs de l'instruction, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que la cure thermale suivie par Mme E... du mois d'août au mois de septembre 2015 a utilement été prescrite pour le traitement de sa tendinopathie à l'épaule gauche, imputable au service. La circonstance, dont se prévaut le centre hospitalier, selon laquelle elle aurait également permis de soulager une phlébite n'est pas de nature à rompre le lien entre ces soins et les maladies imputables au service dont souffre Mme E.... C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge du centre hospitalier de Condom la somme de 593,60 euros correspondant aux frais d'hébergement que Mme E... justifie avoir exposés pour sa cure thermale, somme qui aurait également été exposée pour un lieu de cure plus proche du domicile de l'intéressée.
8. Il résulte de ce qui précède que la somme que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier de Condom à verser à Mme E... au titre de ses frais médicaux doit être ramenée à 1 101,34 euros.
Sur les fautes du centre hospitalier de Condom invoquées par Mme E... :
9. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, pas obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne.
10. En premier lieu, si Mme E... reproche au centre hospitalier de Condom de ne pas s'être procuré son " dossier médical " auprès de ses précédents employeurs, elle ne précise pas davantage en appel que devant les premiers juges la règle que l'établissement de santé, qui réitère que le secret médical s'oppose à ce qu'il sollicite de tels documents, aurait ce faisant méconnue.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail dans sa version alors en vigueur, applicable en l'espèce en vertu de l'article L. 4 111-1 du même code : " Le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail. / Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l'article R. 4624-19 ainsi que ceux qui exercent l'une des fonctions mentionnées à l'article L. 421-1 du code de l'aviation civile bénéficient de cet examen avant leur embauche. " L'article R. 4624-19 du code du travail dispose : " Bénéficient d'une surveillance médicale renforcée : / 1° Les salariés affectés à certains travaux comportant des exigences ou des risques déterminés par les dispositions particulières intéressant certaines professions ou certains modes de travail. Des accords collectifs de branche étendus peuvent préciser les métiers et postes concernés ainsi que convenir de situations relevant d'une telle surveillance en dehors des cas prévus par la réglementation ; (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 11 juillet 1977 fixant la liste des travaux nécessitant une surveillance médicale spéciale ; " (...) 1. Les travaux comportant la préparation, l'emploi, la manipulation ou l'exposition aux agents suivants : (...) Rayons X et substances radioactives. (...) ". L'article R. 4624-11 du code du travail dispose : " L'examen médical d'embauche a pour finalité : / 1° De s'assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l'employeur envisage de l'affecter ; / 2° De proposer éventuellement les adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 4624-16 du code du travail dans sa version applicable : " Le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire. / Sous réserve d'assurer un suivi adéquat de la santé du salarié, l'agrément du service de santé au travail peut prévoir une périodicité excédant vingt-quatre mois lorsque sont mis en place des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles, et, lorsqu'elles existent, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes. "
12. Il résulte des dispositions précitées que Mme E..., soumise à une surveillance médicale renforcée compte tenu de ses fonctions de manipulatrice en électroradiologie, aurait dû bénéficier, d'une part, d'une visite médicale avant son embauche afin notamment de s'assurer de son aptitude au poste de travail où il était envisagé de l'affecter et, d'autre part, de visites médicales périodiques dès lors que le centre hospitalier n'établit ni même n'allègue avoir instauré le dispositif prévu au second alinéa des dispositions précitées de l'article R. 4624-16 du code du travail. Dans ces conditions, alors qu'il est constant que Mme E... n'a bénéficié d'aucune visite de la médecine du travail depuis son embauche par le centre hospitalier de Condom en 2011, la requérante est fondée à soutenir que cet établissement de santé a commis une faute. Il résulte de l'instruction que quelques mois avant son embauche au centre hospitalier de Condom, le médecin du travail a signalé la fragilité de son épaule droite et la nécessité d'éviter la manipulation de charges lourdes. Dans ces conditions, l'absence de visite médicale au centre hospitalier de Condom, laquelle aurait vraisemblablement permis de réitérer les mêmes consignes de vigilance, peut être regardée comme présentant un lien de causalité direct et certain avec la tendinopathie chronique dont a souffert Mme E... aux deux épaules à compter de 2014. Une telle faute est en revanche dépourvue de lien avec les syndromes carpiens dont souffre l'intéressée aux deux poignets, qui résultent seulement, selon l'expert, des mouvements répétés et prolongés d'extension et de préhension du poignet et de la main.
13. La requérante soutient, en troisième lieu, que le centre hospitalier de Condom a commis une faute en ne procédant pas aux aménagements de son poste de travail rendus nécessaires par son état de santé. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être exposé, le centre hospitalier de Condom n'a diligenté aucun examen médical de Mme E..., laquelle n'a, pour sa part, procédé à aucun signalement de ses difficultés, de sorte qu'il ne pouvait qu'ignorer les contre-indications médicales au port de charges lourdes émises par le médecin du travail dans les précédents établissements de santé où elle a exercé. Dans ces conditions, il ne saurait être retenu une faute distincte de celle exposée au point précédent s'agissant du défaut d'aménagement du poste de travail de Mme E....
14. En quatrième lieu, s'il résulte de l'instruction que Mme E... a plusieurs fois sollicité auprès de son employeur l'avis par lequel la commission de réforme s'est prononcée sur l'imputabilité au service de ses pathologies avant de se le voir communiquer, la requérante n'explique pas, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, en quoi une telle circonstance lui aurait causé un quelconque préjudice.
15. Mme E... soutient, en cinquième lieu, que le centre hospitalier de Condom a commis une faute en refusant de lui communiquer les " feuilles de soins " nécessaires au remboursement de ses dépenses de santé. Elle ne se prévaut toutefois, ainsi que l'a retenu le tribunal, d'aucun texte que l'établissement de santé, qui a reconnu l'imputabilité au service de l'essentiel de ses pathologies par une décision du 26 février 2016, aurait ce faisant méconnu. Elle ne justifie par ailleurs d'aucune dépense qui serait restée à sa charge. Par suite, sa demande d'indemnité sur ce point ne peut qu'être rejetée.
16. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient Mme E..., il ne résulte pas de l'instruction que le délai au terme duquel le centre hospitalier de Condom a reconnu l'imputabilité au service de ses pathologies serait excessif ni que l'établissement, qui a fait droit à la demande d'expertise de son propre assureur, aurait sciemment fait durer la procédure dans l'intention de lui nuire.
Sur l'indemnisation des préjudices :
17. Mme E... ne saurait demander une quelconque somme au titre de la violation de son droit à une visite médicale préalable et de la violation de l'obligation incombant à son employeur de protéger sa santé, qui ne constituent pas, en tant que tels, des préjudices susceptibles de faire l'objet d'une indemnisation.
18. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme E... tendant à ce que le centre hospitalier de Condom soit condamné à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral que lui aurait causé la non transmission de " feuilles de soins ", de son " relevé de carrière ", de ses bulletins de salaire, du détail de son compte épargne temps, de l'avis de la commission de réforme, ainsi que le manque de diligence du centre hospitalier, la violation du secret médical par son employeur et les conditions dans lesquelles un reclassement lui a été proposé ne peut qu'être rejetée.
19. Il résulte de l'instruction que Mme E... a notamment souffert, à compter de l'année 2014, d'un syndrome douloureux diffus concernant ses deux épaules ainsi que ses deux poignets, en raison des pathologies imputables au service. L'expertise diligentée par le tribunal précise que la rechute, en février 2014, de la tendinopathie de l'épaule droite de Mme E... a été consolidée sans nouvelles séquelles le 4 mai 2014, la tendinopathie de l'épaule gauche apparue au mois d'août 2014 a été consolidée le 30 novembre 2015, les troubles aux poignets apparus au mois d'avril 2014 ont quant à eux été consolidés au mois de novembre 2015. Il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme E... en raison de ces différentes pathologies imputables au service en condamnant le centre hospitalier de Condom à lui verser la somme de 4 000 euros à ce titre.
20. Enfin, si Mme E... demande la condamnation du centre hospitalier de Condom à lui verser une somme de 8 000 euros au titre d'un préjudice d'agrément en se prévalant de l'impossibilité de jardiner, de nager le crawl, de pratiquer des activités telles que le Pilates et la gymnastique, elle ne produit, ainsi que le souligne l'établissement de santé, aucune pièce de nature à justifier qu'elle aurait auparavant pratiqué de telles activités. La demande présentée à ce titre doit par suite être rejetée.
21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à demander que la somme de 2 188,28 euros que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier de Condom à lui verser soit portée à la somme de 5 101,34 euros, et que l'appel incident du centre hospitalier de Condom doit être rejeté.
Sur les intérêts :
22. Mme E... a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 5 101,34 euros à compter du 12 janvier 2015, date de réception de sa demande indemnitaire préalable.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir les dépens à la charge du centre hospitalier de Condom et de mettre à la charge du centre hospitalier de Condom une somme de 1 500 euros à verser à Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que les sommes que demande le centre hospitalier de Condom au même titre soient mises à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 2 188,28 euros que le centre hospitalier de Condom a été condamné à verser à Mme E... par le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1600449 du 23 avril 2019 est portée à 5 101,34 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2015.
Article 2 : Les jugements n° 1600449 du 21 septembre 2018 et du 23 avril 2019 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Condom versera à Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... E..., au centre hospitalier de Condom et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme K... H..., présidente,
Mme A... D..., présidente-assesseure,
Mme C... G..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.
La rapporteure,
Kolia G...
La présidente,
Catherine H...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03861, 19BX02745