Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2019 de la préfète de la Vienne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 1902659 du 5 février 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2020 et le 19 janvier 2021, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné de la préfète de la Vienne du 2 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- l'avis de la DIRECCTE n'a pas été pris à l'issue d'une procédure contradictoire et ne lui a pas été transmis ce qui entache la procédure d'irrégularité ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation et s'est cru en situation de compétence liée ;
- le préfet a commis des erreurs de fait en retenant qu'il a sollicité un titre de séjour en qualité de " salarié " le 27 décembre 2016 alors qu'il avait sollicité un titre de séjour en tant que commerçant ; en outre, contrairement à ce qu'indique le préfet, il a tenté d'exploiter son commerce ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et n'a pas examiné sa situation dès lors que sollicitant le renouvellement de son titre de séjour son employeur n'avait pas à justifier de recherches de candidatures et d'une offre d'emploi ; le préfet n'avait pas à saisir la DIRECCTE pour avis dès lors qu'il disposait déjà d'une autorisation de travail ;
- le préfet a retenu à tort qu'il s'agissait d'une demande de changement de statut et non d'un renouvellement de titre de séjour ;
- le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2020, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco- algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né en 1959, est entré en France le 18 décembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour valable pendant 90 jours. Après avoir demandé un titre de séjour pour l'exploitation d'un commerce, il a obtenu un certificat de résidence algérien valable du 25 avril 2017 au 24 avril 2018. Il a sollicité le 23 avril 2018 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Le préfet de la Vienne a pris le 2 octobre 2018 un arrêté portant refus de délivrance du titre de séjour sollicité, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. En premier lieu aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Selon l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".
3. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Vienne n'aurait pas respecté la procédure contradictoire prévue par les articles précités du code des relations entre le public et l'administration est inopérant. Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait par ailleurs au préfet la communication à l'intéressé de l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) avant de prendre le refus de séjour en litige.
4. En deuxième lieu, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du " ministre chargé de l'emploi ", un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / (...) 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-35 du même code : " Les critères mentionnés à l'article R. 5221-20 sont également opposables lors du premier renouvellement de l'une de ces autorisations de travail lorsque l'étranger demande à occuper un emploi dans un métier ou une zone géographique différents de ceux qui étaient mentionnés sur l'autorisation de travail initiale ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui avait demandé un titre de séjour pour l'exploitation d'un commerce d'outillage, bazar et quincaillerie, a obtenu un premier certificat de résidence portant la mention " salarié " valable du 25 avril 2017 au 24 avril 2018. Il a sollicité, le 9 septembre 2019, le renouvellement de l'autorisation de travail que constituait ce titre de séjour pour exercer la profession d'opérateur monte meuble. Ainsi, M. C... sollicitant un emploi dans un métier différent de celui mentionné sur son autorisation de travail initiale, le préfet pouvait légalement lui opposer les critères mentionnés à l'article R. 5221-20 du code du travail, applicables aux ressortissants algériens. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen de la situation de l'intéressé au regard des critères prévus par les textes et ne s'est pas cru lié par l'avis défavorable de la DIRECCTE.
6. Pour refuser un titre de séjour portant la mention " salarié " à M. C..., le préfet de la Vienne s'est fondé notamment sur l'avis de la DIRECCTE du 13 juillet 2018 qui relève que son employeur avait diffusé une offre auprès de pôle emploi le 22 mai 2018 correspondant à un recrutement en contrat à durée déterminée de 2 mois alors que la demande d'autorisation de travail du 24 avril 2018 était présentée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 10 avril 2018 et qu'il ne fournissait aucun justificatif de l'absence de candidatures éventuelles et n'apportait ainsi pas la preuve d'une recherche sincère de candidats. Ce motif justifiait à lui seul le refus de l'autorisation de travail sollicitée et il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif. Par suite, et à supposer même que M. C... justifierait d'une qualification ou d'une expérience en adéquation avec le poste d'opérateur monte meuble, pour lequel un contrat de travail lui a été proposé, il n'est pas fondé à soutenir que le refus d'autorisation de travail aurait méconnu les dispositions précitées. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
7. En troisième lieu, comme le soutient M. C..., l'arrêté en litige mentionne qu'il " s'est vu délivrer un certificat de résidence pour l'exploitation d'un commerce " alors qu'en réalité, et comme l'admet le préfet, c'est un titre de séjour portant la mention " salarié " qui lui a été délivré bien que sa demande portait sur un titre de séjour en vue d'exercer une activité non salariée. M. C... soutient également que s'il n'a pu exploiter son commerce, c'est du fait de cette erreur de l'administration et que le préfet ne peut donc valablement s'appuyer sur un motif tiré de ce que son exploitation " n'a pas eu de suite ", dès lors que l'absence d'exploitation trouve son origine dans l'erreur commise par l'administration. Le requérant n'apporte toutefois aucun élément permettant de retenir qu'il aurait alerté les services préfectoraux sur l'erreur dans le type de certificat de résidence qui lui a été délivré et le préfet soutient en défense n'avoir reçu aucune démarche en ce sens de M. C.... Il résulte par ailleurs de l'instruction que le préfet, comme il le soutient, aurait pris la même décision s'il ne s'était pas appuyé sur les circonstances erronées qu'il a retenues concernant le précédent titre de séjour de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige est entaché d'erreurs de fait doit être écarté.
8. Enfin, eu égard à ce qui précède et alors que M. C... est arrivé en France seul en décembre 2016 et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine dans lequel il a vécu l'essentiel de son existence et où résident notamment sa mère, son épouse et ses cinq enfants, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait privée de base légale.
10. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée, qui est fondée sur le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle mentionne les textes applicables et notamment, l'accord franco-algérien susvisé, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment l'article L. 511-1, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et expose les éléments de la situation personnelle et professionnelle de M. C... qui ont été pris en compte. L'arrêté mentionne qu'il n'est pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée compte tenu qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident notamment sa mère, son épouse et ses cinq enfants. Dans ces conditions, cette décision contient les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Par suite, elle est suffisamment motivée. Au surplus, conformément à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du I de cet article. Ainsi, lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique dès lors que ce refus est lui-même motivé, ce qui est le cas en l'espèce.
11. En dernier lieu, M. C... reprend à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français le moyen soulevé à l'encontre du refus de titre de séjour tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Eu égard aux circonstances exposées ci-dessus, ce moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme G... A..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme E... F..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
La présidente,
Elisabeth A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02392