Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 10 octobre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages à Saint-Léonard-de-Noblat lui a infligé la sanction de révocation.
Par un jugement n° 1601575 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2019 et le 31 juillet 2019, M. A... D..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 mars 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 10 octobre 2016 du centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages ;
3°) de condamner le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages à lui verser la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif de Limoges, en réparation de ses préjudices ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés, et qu'il n'a jamais reconnue, n'est pas établie ;
- il n'a pas été informé que l'un des résidents, dont il n'a pas eu accès au dossier médical, devait prendre un calmant avant les soins ; ce patient souffrait de troubles du comportement qui expliquent ses blessures, à l'exception d'une coupure interdigitale qui n'est pas survenue à l'occasion des soins qu'il a prodigués ; le collègue effectuant la toilette du voisin de chambre, ainsi que celui-ci, n'ont pas été entendus, malgré sa demande ;le délai avec lequel le certificat médical de constat des blessures a été établi interroge ; il n'a jamais bénéficié que d'une formation sur les transmission ciblées , celle sur l'opposition aux soins n'a pas été validée par le cadre de santé, et il n'a jamais refusé de se former ;
- le récit du second résident envers lequel on lui reproche de mauvais traitements n'est pas cohérent et ne saurait être regardé comme établissant la matérialité des faits qui lui sont reprochés ; les témoignages dont se prévaut le centre hospitalier sont contradictoires ;
- les propos rapportant que les excoriations sur les deux bras d'une résidente résultent des traitements qu'il lui a dispensés ne sont pas crédibles compte tenu du délai avec lequel ces blessures ont été constatées et des troubles cognitifs dont elle est atteinte ; là encore, sa voisine de chambre n'a pas été entendue ;
- ils conteste avoir tenu des propos portant atteinte à la dignité des résidents de l'établissement et avoir eu des gestes de brutalité envers eux ;
- la sanction qui lui a été infligée est, en toute hypothèse, disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2019, le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. D... à l'encontre de la décision portant révocation ne sont pas fondés ;
- sa demande indemnitaire est irrecevable et, en toute hypothèse, mal fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... E...,
- les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve B..., rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., aide-soignant depuis 1992 et affecté au centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages depuis le 1er avril 2004, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de révocation par une décision du 10 octobre 2016, pour défaut de soins et actes de maltraitance. Il relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) ".
3. Si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge disciplinaire, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement d'acquittement tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire, qui peuvent, d'ailleurs, être différents de ceux qu'avait connus le juge pénal, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. En premier lieu, le 15 avril 2016, un infirmier a signalé à la cadre de santé du service de soins de suite et de réanimation du centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages un hématome sur le visage d'un patient grabataire, âgé de 93 ans et souffrant de troubles cognitifs, à la suite des soins de " nursing " dispensés par M. D... dans la matinée. La cadre de santé a elle-même constaté, ainsi qu'elle en témoigne, un hématome sur la mandibule gauche ainsi que sur la pommette droite et une coupure franche entre l'index et le majeur de la main gauche. Le médecin coordinateur du service a également constaté ces blessures, lors de la visite qu'il a effectuée le jour même à 16h30. Contrairement à ce que soutient M. D..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un calmant devait être systématiquement administré au patient concerné avant les soins, circonstance dont il n'aurait pas été informé. En revanche, il ressort du certificat médical produit au dossier ainsi que du témoignage d'un aide-soignant, représentant syndical, que le patient concerné, s'il était calme en général, était opposant aux soins et pouvait se montrer agressif de telle sorte que plusieurs aides-soignants rencontraient des difficultés pour réaliser les soins quotidiens. M. D... a indiqué aux services de gendarmerie, lors de son audition pour les besoins de l'enquête pénale dont il a fait l'objet pour les mêmes faits, avoir entrepris de raser le patient concerné mais s'être rapidement trouvé confronté à son agacement puis à son agressivité, l'intéressé ayant essayé de porter des coups sur sa main qui tenait le rasoir. Il indique que son visage a pu heurter sa main avant qu'il ne la retire compte tenu du danger que présentait la lame de rasoir à proximité du visage de ce patient agité, mais qu'il n'a à aucun moment porté un quelconque coup. Il souligne également que, lors des faits, l'un de ses collègues était présent dans la chambre et réalisait simultanément des soins sur un autre patient, qu'il n'est à aucun moment intervenu afin de faire cesser un comportement qu'il aurait estimé inapproprié ni n'a corroboré les gestes de maltraitance qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, compte tenu de la résistance aux soins connue du patient concerné et de l'absence de témoignage du collègue de M. D... présent dans la chambre venant corroborer la description des faits exposée par le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait porté un coup au visage de ce patient lors de sa prise en charge le 15 avril 2016. En revanche, il y a lieu de tenir pour établi et fautif le geste inapproprié de M. D... lors de cette prise en charge qui a consisté à maintenir les mains de ce patient agité dans le but de terminer, contre son gré, les soins entrepris dès lors qu'il ressort du rapport circonstancié de la cadre de santé, du 17 mai 2016, que M. D... a de lui-même fait état d'un tel geste qu'il a, en outre, confirmé à l'audience du tribunal de grande instance de Limoges du 25 octobre 2018.
5. En deuxième lieu, le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages reproche à M. D... de n'avoir pas procédé, au matin du 18 avril 2016, aux soins de sonde vésicale d'un patient de sorte qu'une aide-soignante a constaté, plus tard dans la journée, que l'intéressé se trouvait dans un état d'hygiène intime déplorable. Interrogé sur ce point, le patient concerné a indiqué que M. D... n'avait, le matin même, pas procédé aux soins de sonde vésicale. Si M. D... maintient au contraire avoir réalisé ces soins et indique que ce patient souffre de troubles cognitifs rendant ses propos incohérents, il ressort des pièces du dossier qu'une aide-soignante ainsi que la cadre de santé du service ont constaté que l'état d'hygiène de ce patient était tel qu'il ne pouvait avoir reçu ces soins le matin même. En outre, un tel comportement de M. D... est crédibilisé par les témoignages de plusieurs de ses collègues, produits au dossier par le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages, faisant état de ce qu'il ne lui est pas inhabituel d'omettre volontairement de pratiquer des soins de toilette. Dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés à M. D... le 18 avril 2016 est établie.
6. En troisième lieu, le 24 avril 2016, une aide-soignante a fait constater à une infirmière la présence d'excoriations sur les deux bras d'une patiente qui, interrogée, a indiqué que les manipulations brutales de M. D... la veille lors de sa toilette étaient à l'origine de ses blessures. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a réitéré ses déclarations trois jours plus tard devant la cadre de santé, le médecin du service et une infirmière et qu'elle a consenti à produire un témoignage écrit, daté du 1er juin 2016 dont la valeur ne saurait, dans ces circonstances, être relativisée du seul fait du temps écoulé depuis les faits. Contrairement à ce que soutient M. D..., le délai dans lequel les blessures de l'intéressée ont été constatées n'est pas de nature à remettre en cause les explications fournies par l'intéressée. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que la prise en charge de cette patiente par M. D... a présenté un caractère brusque et fautif.
7. En dernier lieu, le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages reproche à M. D... d'avoir, le 24 avril 2016 également, tenu un propos dégradant en présence d'un patient qui s'était souillé et de l'avoir manipulé brusquement et seul pour le mettre dans son lit. Cette version des faits est corroborée par le témoignage de l'infirmière qui accompagnait M. D... et qui s'est dite particulièrement choquée de ses propos et de l'état du résident, en pleurs, qu'elle a mis longtemps à rassurer et à calmer. La réalité et le caractère fautif de ces faits sont, dans ces conditions, suffisamment établis par les pièces du dossier.
8. Ainsi qu'il vient d'être exposé, l'ensemble des faits reprochés à M. D... par le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages doit être tenu pour établi. Dans ces conditions, eu égard à la nature de ces faits et alors même que M. D... n'avait précédemment fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, la sanction de révocation prononcée à son encontre n'était pas disproportionnée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages du 10 octobre 2016.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. M. D... ne critique pas les motifs par lesquels le tribunal administratif de Limoges a rejeté comme irrecevable sa demande indemnitaire. La demande qu'il présente en appel tendant à ce que le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages soit condamné à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices, au demeurant dépourvue de toute précision, ne peut ainsi qu'être rejetée.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande M. D... au titre des frais qu'il a exposés pour l'instance soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages, qui n'est pas la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge du requérant la somme que demande le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au centre hospitalier intercommunal Monts et Barrages.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme C... E..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 avril 2021.
La présidente,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01208