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12/10/2021 | FRANCE | N°21BX00889

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 12 octobre 2021, 21BX00889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000980 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Limog

es a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000980 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2021, Mme B... E... épouse D..., représentée par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000980 du tribunal administratif de Limoges du 15 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 6 juillet 2020 ;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à ce que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ait statué sur sa demande de réexamen au titre de l'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une indemnité de 2 000 euros, emportant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

A... soutient que :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sa demande de réexamen justifie l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre ;

- ayant clairement exprimé sa volonté de déposer une demande de réexamen, A... est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et le cas échéant la Cour nationale du droit d'asile statuent sur sa demande.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme E... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2020/020796 du 21 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E... épouse D..., ressortissante iranienne née le 14 janvier 1989, a déclaré être entrée en France le 8 février 2018 avec son époux et ses deux enfants. A... a présenté une demande d'asile le 11 avril 2018 et a bénéficié à ce titre de plusieurs attestations de demande d'asile, la dernière étant valable du 6 février 2020 au 5 mai 2020. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 9 janvier 2019, confirmée le 29 mai 2020 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 6 juillet 2020, le préfet de la Haute-Vienne a retiré l'attestation de demande d'asile dont était titulaire Mme E..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de Mme E... épouse D... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 juillet 2020. Par la présente requête, Mme E... épouse D... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2020 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

3. D'une part, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait des risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer l'intéressée en Iran.

4. D'autre part, si Mme E... épouse D... soutient qu'en cas de retour en Iran, A... serait exposée à des traitements inhumains et dégradants à raison de sa conversion au christianisme, A... n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de retenir la réalité d'une telle conversion par les seules attestations d'une compatriote iranienne convertie au christianisme et du pasteur de l'Eglise évangélique Source de Vie de Limoges, au demeurant établies postérieurement à l'arrêté attaqué, se bornant à faire état de sa présence plus ou moins régulière aux offices dominicaux et de ce qu' " A... envisage le baptême ". Par suite, la requérante n'établissant pas l'existence de risques de traitements inhumains ou dégradants auxquels A... serait personnellement et directement exposée en cas de retour en Iran, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 571-4, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve du cas de demandes présentées par l'étranger en rétention ou des cas de refus d'attestation de demande respectivement prévus aux articles L. 556-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de réexamen ouvre droit au maintien sur le territoire français jusqu'à ce qu'il y soit statué. Si, préalablement à sa demande de réexamen, l'intéressé, en l'absence de droit au maintien sur le territoire, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, cette mesure ne peut être exécutée avant qu'il soit statué sur la demande d'asile. Le droit au maintien sur le territoire est conditionné par l'introduction de la demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mais l'intéressé peut y prétendre dès qu'il a manifesté à l'autorité administrative son intention de solliciter un réexamen, l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 du même code ne lui étant délivrée qu'en conséquence de cette demande.

7. Par une décision de l'OFPRA du 9 janvier 2019, confirmée par la CNDA le 29 mai 2020, la demande d'asile de Mme E... épouse D... a été rejetée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait manifesté son intention de demander le réexamen de sa demande d'asile avant que ne soit pris l'arrêté attaqué du 6 juillet 2020. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne pouvait légalement prononcer à son encontre l'interdiction de retour sur le territoire français litigieuse.

Sur la demande subsidiaire tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement :

8. Il ressort des pièces du dossier que la demande de réexamen de sa demande d'asile présentée par la requérante le 26 novembre 2020 a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 15 mars 2021. Les conditions posées au point 6 permettant de suspendre l'exécution d'une mesure d'éloignement en cas de demande de réexamen ne sont donc pas remplies. Dans ces conditions, les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement dont l'intéressée a fait l'objet jusqu'à ce que l'OFPRA ait statué sur sa demande de réexamen doivent être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... épouse D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.

La rapporteure,

Laury C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21BX00889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00889
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Laury MICHEL
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-12;21bx00889 ?
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