Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé à son encontre la sanction de révocation, d'annuler la décision du 18 mars 2019 par laquelle le même ministre a rejeté son recours gracieux et d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle le ministre a maintenu, après recommandation de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, la sanction de révocation prononcée à son encontre.
Par un jugement n° 1902429, 1903928 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions des 19 décembre 2018, 18 mars 2019 et 7 juin 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mars 2021 ;
2°) de rejeter la requête de première instance de M. A....
Il soutient que le tribunal a commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en jugeant que la sanction était disproportionnée.
Par des mémoires en défense enregistrés le 22 juillet, 23 juillet et 2 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Grellety, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu :
- la décision n° 21BX02104 du 30 juin 2021 par laquelle la présidente de la 1ère chambre de la cour a décidé qu'il serait sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mars 2021 jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la présente requête.
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation nationale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- les observations de Me Grellety, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., professeur certifié d'espagnol depuis le 1er septembre 1995, s'est vu infliger la sanction de révocation par un arrêté du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 19 décembre 2018, après que, par un jugement du tribunal de grande instance de Rodez du 25 mars 2009, il a été déclaré coupable d'atteinte sexuelle sur mineure de moins de quinze ans et condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis. Par des décisions du 18 mars 2019 et 7 juin 2019, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a d'une part, rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté et d'autre part, maintenu la sanction de la révocation à la suite de la recommandation faite par la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat de substituer à la sanction de révocation celle de la mise à la retraite d'office. Par un jugement du 29 mars 2021, dont le ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 19 décembre 2018 ainsi que les décisions des 18 mars 2019 et 7 juin 2019.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et, enfin, du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il incombe à l'administration, dans le choix de la sanction qu'elle retient, de tenir compte non seulement de la nature et de la gravité des faits répréhensibles mais aussi de la situation d'ensemble de l'agent en cause, à la date à laquelle la sanction est prononcée, compte tenu, le cas échéant, des éléments recueillis et permettant d'apprécier le comportement de l'agent à cette date.
4. Il ressort des pièces du dossier que les faits pour lesquels M. A... a été condamné pénalement le 25 mars 2009, par un jugement définitif du tribunal de grande instance de Rodez statuant en matière correctionnelle à une peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis, consistent en des atteintes sexuelles avec violence, contrainte, menace et surprise sur mineure âgée de moins de quinze ans, commis en 1996 dans le cadre familial. Ces faits, eu égard à leur gravité, sont constitutifs de fautes et sont de nature à justifier une sanction disciplinaire.
5. M. A... fait valoir que les faits reprochés sont isolés et anciens, qu'il n'a pas été condamné à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession en contact avec les mineurs, que le tribunal a décidé d'exclure la condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire, que ces faits ont été commis en dehors de tout cadre professionnel, que ses services et ses qualités professionnelles n'ont jamais été remis en cause et que la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a recommandé qu'une sanction de mise à la retraite d'office soit substituée à la sanction de révocation prononcée.
6. Toutefois, eu égard à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature de la faute commise par l'intéressé, à la réputation du service public de l'éducation nationale ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée à la faute reprochée en décidant la révocation de M. A.... C'est, dès lors, à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler les décisions en litige, sur le motif tiré de ce que la sanction retenue par le ministre de l'éducation nationale était disproportionnée.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....
Sur la légalité des décisions des 19 décembre 2018, 18 mars 2019 et 7 juin 2019 :
8. En premier lieu, aux termes aux termes du 2ème alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur.
9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, que les faits qui fondent la sanction, ont été connus le 9 avril 2018 lors de la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes par l'administration de l'éducation nationale. Si M. A... fait valoir que cette autorité a eu connaissance des faits lors de l'enquête judiciaire qui s'est déroulée lors de l'instruction précédant sa condamnation pénale, cela ne résulte d'aucune pièce du dossier. L'administration doit donc être regardée comme n'ayant eu, qu'à la date du 9 avril 2018, une connaissance effective des faits commis par M. A.... Par suite, les faits reprochés à M. A... dans le cadre d'une procédure disciplinaire pouvaient être régulièrement invoqués, alors même qu'ils avaient été commis en 1996, et l'action disciplinaire n'était pas prescrite lorsqu'elle a été engagée.
10. En second lieu, la procédure disciplinaire étant indépendante des poursuites pénales, la circonstance que la condamnation prononcée par le tribunal de grande instance de Rodez n'ait pas été inscrite sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A... est sans incidence sur l'appréciation portée sur les mêmes faits par l'autorité hiérarchique. En outre, il en est de même de la circonstance que M. A... aurait, postérieurement à sa révocation, obtenu l'effacement de son inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.
11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions des 19 décembre 2018 , 18 mars 2019 et 7 juin 2019 infligeant à M. A... la sanction de révocation, rejetant son recours gracieux et maintenant la sanction à la suite de la recommandation faite par la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat de substituer à la sanction de révocation celle de la mise à la retraite d'office.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais liés au litige exposés par M. A....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902429, 1903928 du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2021.
La présidente-rapporteure,
Fabienne Zuccarello L'assesseure la plus ancienne,
Christelle Brouard-Lucas
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02103