Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 mai 2017, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au CHU de Toulouse de reconnaître cette imputabilité.
Par un jugement n° 1801469 du 16 mai 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 11 décembre 2020, Mme B..., représentée par le cabinet Vacarie et Duverneuil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 19 décembre 2017 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au CHU de Toulouse de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 mai 2017 ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la rature manuscrite portée sur l'avis de la commission de réforme démontre l'existence d'un avis dactylographié défavorable établi avant la séance, ce qui a vicié la procédure consultative destinée à permettre un débat contradictoire, alors même que la commission a émis un avis favorable à sa demande ; la procédure consultative était " de pur alibi " puisque la décision ne mentionne pas son caractère favorable ; c'est ainsi à tort que le tribunal n'a pas retenu de violation de la procédure consultative organisée par arrêté du 5 juin 1998 ;
- la décision ne motive pas le refus de suivre l'avis de la commission de réforme, ce qui ne justifie pas d'un examen réel du dossier ; c'est ainsi à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ;
- le 19 mai 2017, alors qu'elle était en service dans un contexte de grève pour protester contre des conditions de travail dégradées au bloc pédiatrique, elle a subi un choc émotionnel et psychologique du fait de l'indifférence de la cadre de santé face au manque de matériel et d'organisation qu'elle a signalés ; le témoignage de la cadre de santé confirme les circonstances de l'accident ; elle établit avoir présenté un choc psychologique à l'issue de sa prise de service, et les témoignages produits démontrent qu'elle se trouvait depuis plusieurs semaines en état d'épuisement professionnel ; la circonstance que la cadre de santé n'avait pas conscience de l'exaspération causée par sa réponse est sans incidence sur le lien entre ce comportement et la décompensation d'un " burn out " provoqué par l'attitude de sa supérieure hiérarchique ; elle maintient l'existence d'un échange verbal extrêmement violent avec la cadre de santé ; elle est ainsi fondée à demander l'annulation du refus d'imputabilité au service de cet accident ;
- contrairement à ce que soutient le CHU, qui conteste seulement l'existence d'un accident de service et non celle d'un syndrome dépressif réactionnel à ses conditions de travail, elle n'a pas pu rejoindre le piquet de grève après l'échange avec sa cadre de santé, mais s'est rendue en salle de repos puis au service de médecine du travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2020, le CHU de Toulouse, représenté par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés ;
- l'accident déclaré par Mme B... ne peut être reconnu comme imputable au service dès lors que l'intéressée était en grève le 19 mai 2017 à partir de 9 heures, lorsqu'elle a " décompensé " au cours de sa visite à la médecine du travail, après avoir travaillé une heure au bloc opératoire ;
- la circonstance que la cadre de santé a invité Mme B... à se rapprocher des chirurgiens concernés pour savoir si du matériel spécifique devait être préparé ne caractérise pas un fait accidentel, et l'épuisement professionnel invoqué, qui implique une durée, est incompatible avec la notion d'accident de travail.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 86-388 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., infirmière puéricultrice titulaire affectée depuis 2008 au bloc pédiatrique de l'hôpital Purpan relevant du CHU de Toulouse, a été orientée le 19 mai 2017 par le service de santé au travail des hôpitaux de Toulouse vers son médecin traitant, lequel lui a prescrit le même jour un arrêt de travail jusqu'au 31 mai 2017 pour anxiété et dépression, prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 31 décembre 2017. Elle a déclaré un accident du travail survenu le 19 mai 2017 en invoquant un effondrement lors de la consultation du médecin du travail après avoir, lors de sa prise de service entre 8 et 9 heures, et alors qu'elle s'était déclarée gréviste pour le reste de la journée, été confrontée " encore une fois " à un manque de matériel, à une désorganisation du service et à une réflexion de l'encadrement. Par une décision du 19 décembre 2017, le directeur général du CHU de Toulouse a rejeté sa demande. Mme B... relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a présenté des observations écrites devant la commission de réforme hospitalière, laquelle a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du travail déclaré par l'intéressée. Ni le fait que cet avis initialement dactylographié dans un sens défavorable porte une modification manuscrite, ni la circonstance que le directeur général du CHU de Toulouse, qui n'était pas tenu de le suivre, n'a pas fait état de son caractère favorable dans la décision du 19 décembre 2017, ne sont de nature à caractériser une violation de la procédure de consultation de la commission de réforme.
3. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité compétente, lorsqu'elle rejette une demande d'imputabilité au service d'un accident sur laquelle la commission de réforme a émis un avis favorable, de préciser pour quel motif elle ne suit pas cet avis. En l'espèce, la décision du 19 décembre 2017, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est régulièrement motivée, et il n'en ressort pas que le directeur général du CHU de Toulouse n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme B....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...). "
5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une expertise réalisée en juillet 2016 à la demande du CHSCT et des témoignages de collègues de Mme B..., que les conditions de travail au bloc pédiatrique étaient difficiles depuis plusieurs années, avec des locaux insuffisants, une gestion à flux tendus des salles d'opération générant des difficultés d'organisation pour la prise en charge des urgences et des tensions parmi le personnel, du matériel inadapté à la taille des enfants imposant un surcroît de travail pour l'installation des patients en salle d'opération, et des départs du service ayant conduit à une surreprésentation des infirmiers non formés à la technicité particulière du bloc pédiatrique, avec un alourdissement des tâches de vérification et de formation incombant à leurs collègues plus expérimentés. La pénibilité du travail, précisément décrite par Mme B... dans ses observations du 28 septembre 2017 à la commission de réforme hospitalière, n'apparaît pas contestable. Toutefois, le manque de matériel et la désorganisation mentionnés par l'intéressée dans sa déclaration d'accident du travail ne constituaient pas un événement soudain, mais des désagréments habituels. Quant à la " réflexion de l'encadrement " également invoquée par la requérante, elle n'est documentée que par le rapport de la cadre de santé. Cette dernière rapporte que Mme B..., qui préparait les interventions à venir durant l'heure de service précédant la grève, lui a demandé s'il y avait du matériel spécifique pour l'une des interventions, et que n'ayant pas d'information, elle lui a répondu de s'adresser aux chirurgiens concernés. Si Mme B... fait valoir, pour la première fois dans ses dernières écritures en appel, que son échange verbal avec la cadre de santé aurait été " extrêmement violent ", elle n'en apporte aucun commencement de preuve. L'échange banal rapporté par la cadre de santé, quand bien même il aurait déclenché l'effondrement psychique de Mme B..., ne peut être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, exclusivement fondée sur la notion d'accident de service, en déniant cette qualification à la situation en litige. Par suite, ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le CHU de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Nicolas Normand, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2021.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02955