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03/02/2022 | FRANCE | N°19BX02862

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 03 février 2022, 19BX02862


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier Comminges Pyrénées à lui verser une somme totale

de 869 997,96 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par cet établissement dans sa prise en charge.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne a demandé à ce que ses droits soient réservés dans l'attente du dépôt d'un nouveau rapport d'expertise.

Par un jugement n°

1800681 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier Comminges Pyrénées à lui verser une somme totale

de 869 997,96 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par cet établissement dans sa prise en charge.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne a demandé à ce que ses droits soient réservés dans l'attente du dépôt d'un nouveau rapport d'expertise.

Par un jugement n° 1800681 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier Comminges Pyrénées à verser à Mme C..., une somme totale de 4 000 euros en réparation de ses préjudices, a mis à la charge de l'établissement de santé une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 000 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 8 juillet 2019,

26 novembre 2019 et 3 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me Gourbal, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 mai 2019 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a limité à 4 000 euros le montant de l'indemnisation mise à la charge du centre hospitalier Comminges Pyrénées ;

2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier Comminges Pyrénées à lui verser la somme totale de 869 997,96 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Comminges Pyrénées les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le diagnostic du cancer du poumon a été posé tardivement en raison de l'erreur d'analyse commise lors du scanner du 1er février 2011, au cours duquel apparaissaient déjà des signes qui auraient dû alerter les médecins ; l'absence de suivi après son hospitalisation a retardé une prise en charge adaptée de sa pathologie ; le retard fautif de prise en charge de son cancer n'est pas contesté par le centre hospitalier ;

- ce retard lui a fait perdre une chance d'éviter le traitement lourd mis en place en 2012 ; en l'absence de faute, elle aurait probablement bénéficié d'une lobectomie, et non pas d'une pneumonectomie ; l'expert n'affirme pas que la sanction chirurgicale aurait été la même si le diagnostic avait été plus précoce, mais évoque seulement une probabilité ; or, une lobectomie entraîne des séquelles moins importantes que la pneumonectomie ; le traitement diffère en fonction du stade d'avancement d'un cancer ; en juin 2012, lors du diagnostic, sa tumeur était classée en T2 ; en septembre suivant, elle était classée en T3 ; son cancer présentait ainsi un caractère évolutif ; il n'est donc pas certain qu'elle aurait suivi le même traitement en l'absence de faute ;

- ce retard a aussi compromis ses chances d'une meilleure guérison en évitant la dyspnée au moindre effort, la toux sèche et les importantes douleurs thoraciques dont elle souffre, outre des douleurs neuropathiques aux membres supérieurs et inférieurs, et réduit ses chances de survie ; en effet, et comme l'expert le relève, un diagnostic précoce augmente les chances de guérison ;

- une nouvelle expertise est nécessaire dès lors que l'expert ne se prononce pas clairement sur les conséquences du retard de prise en charge et ne chiffre pas la perte de chance qu'elle a subie d'éviter un traitement lourd et d'obtenir une meilleure guérison ; le sapiteur a clairement conclu à l'existence d'une perte de chance ; sa demande d'expertise est justifiée ; le centre hospitalier et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) reconnaissent d'ailleurs que l'expert n'a pas chiffré la perte de chance occasionnée par la faute commise ;

- ses préjudices en lien avec ces fautes devront être évalués aux sommes suivantes :

o 44 744 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, qui doit être estimé à 80 % du 29 janvier 2011 au 4 août 2017;

o 343 800 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, qui doit être estimé à 90 % ;

o 40 000 euros au titre des souffrances endurées, qui doivent être évaluées à 7/7 et non pas à 1/7 comme retenu par l'expert ;

o 22 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, qui ne saurait être inférieur à 5/7 en raison de cicatrices au niveau du thorax ;

o 22 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

o 10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

o 60 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

o 61 880 euros au titre de l'aide par tierce personne temporaire jusqu'au 4 août 2017;

o 250 573,96 euros au titre de l'aide par tierce personne permanente ;

o 15 000 euros au titre de son préjudice d'agrément lié à l'abandon par manque de souffle de ses cours de Pilates et activités de jardinage, horticulture, cuisine et randonnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL Birot Ravaut et Associés, conclut à sa mise hors de cause et au rejet des conclusions de Mme C... tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise.

Il soutient que :

- l'expertise sollicitée ne remplit pas la condition d'utilité, le premier expert ayant répondu à toutes les questions ;

- les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies ; les séquelles non imputables au retard de diagnostic ne résultent pas d'un accident médical mais de la pathologie initiale de Mme C....

Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2020, le centre hospitalier Comminges Pyrénées et son assureur la société hospitalière d'assurances mutuelles (Sham), représentés par Me le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- une expertise a déjà été réalisée, et il n'est pas utile d'en ordonner une nouvelle ; si l'expert n'a pas chiffré la perte de chance occasionnée par un retard de diagnostic, il s'est prononcé sur les préjudices occasionnés par ce retard ; la requérante n'apporte pas d'élément nouveau dont l'expert n'aurait pas eu connaissance ;

- selon l'expert, si une surveillance radiologique aurait permis de diagnostiquer plus précocement le cancer, elle n'aurait pas modifié la prise en charge médicale ; en l'absence de faute, la requérante aurait subi une pneumonectomie et suivi une chimiothérapie adjuvante ; les troubles entraînés par ces traitements n'auraient donc pas pu être évités ;

- aucune récidive n'étant à déplorer, la requérante ne peut affirmer qu'elle a perdu une chance de guérison ;

- la somme de 4 000 euros allouée par le tribunal en réparation des préjudices en lien avec le retard de diagnostic et de traitement n'est pas insuffisante ;

- les autres préjudices dont la réparation est demandée ne sont pas en lien avec la faute commise.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été admise le 29 janvier 2011 au service des urgences du centre hospitalier Comminges Pyrénées pour des douleurs thoraciques. Elle a été hospitalisée jusqu'au 2 février suivant dans le service de médecine-2 Pneumologie de cet établissement pour une pneumopathie, traitée par antibiotiques. Présentant une toux persistante,

Mme C... a subi, les 18 juin, 29 juin et 11 juillet 2012, un scanner thoracique, un TEP scan et des biopsies sous scanner. Ces examens ont révélé qu'elle présentait un adénocarcinome mucoïde du lobe inférieur du poumon gauche envahissant la lingula.

Du 16 au 24 septembre 2012, l'intéressée a été hospitalisée pour subir une pneumonectomie gauche. Les suites de cette intervention ont été marquées par une surélévation de la coupole diaphragmatique gauche. Mme C... a ensuite suivi, afin de prévenir toute récidive, un traitement par chimiothérapie adjuvante à partir du 29 octobre 2012 et jusqu'à la fin du mois de janvier 2013.

2. Par une ordonnance du 6 juin 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande de Mme C..., ordonné une expertise médicale, dont le rapport a été remis le 14 septembre 2016. Par un courrier du 20 novembre 2017,

Mme C... a sollicité auprès du centre hospitalier Comminges Pyrénées l'indemnisation des préjudices liés, selon elle, aux fautes commises dans sa prise en charge au sein de cet établissement. A la suite du rejet implicite de cette réclamation, elle a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme totale de 869 997,96 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 27 mai 2019, le tribunal a retenu la responsabilité du centre hospitalier Comminges Pyrénées pour un retard de diagnostic lié au défaut de surveillance de l'état de santé de Mme C... à la suite de son hospitalisation, en particulier l'absence de réalisation d'un nouveau scanner thoracique en avril 2011, date à laquelle, au regard des images suspectes apparues en février, il convenait de vérifier après la fin du traitement antibiotique de l'infection des bronches si celle-ci n'avait pas masqué une tumeur cancéreuse. Le tribunal a estimé qu'en raison de ce retard de diagnostic, l'intéressée avait subi, d'avril 2011 à juin 2012, des souffrances et un déficit fonctionnel temporaire en lien avec une toux rebelle et un essoufflement, et a évalué ces préjudices à la somme globale de 4 000 euros. Il a enfin rejeté le surplus des prétentions indemnitaires de l'intéressée en estimant que le retard fautif de diagnostic n'était pas à l'origine des autres préjudices invoqués. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 4 000 euros et demande à la cour d'ordonner une nouvelle expertise médicale. Le centre hospitalier Comminges Pyrénées ne conteste pas, en appel, le principe de sa responsabilité, engagée sur le fondement des dispositions du I de

l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à raison d'un retard fautif de 14 mois à poser le diagnostic de cancer du poumon gauche que présentait la requérante.

3. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...). ". Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

4. Par ailleurs, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'en raison du retard fautif de diagnostic du cancer du poumon gauche de Mme C..., cette dernière a présenté, pendant

14 mois, une toux persistante s'accompagnant d'une dyspnée. Il résulte du rapport d'expertise du 14 septembre 2016 que ces troubles, directement en lien avec l'absence de diagnostic pertinent, ont entraîné pour l'intéressée des souffrances, estimées par l'expert à 1/7, et un déficit fonctionnel temporaire, estimé par l'expert à 2 %. Si la requérante soutient devant la cour que les souffrances qu'elle a endurées devraient être évaluées à 7/7 et son déficit fonctionnel temporaire à 80 %, elle ne conteste pas que, d'avril 2011, date à laquelle une surveillance adéquate aurait permis de diagnostiquer sa pathologie cancéreuse, à juin 2012, date d'établissement du diagnostic, elle n'a présenté aucun autre trouble que ceux décrits par l'expertise. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise sur ce point, il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances subies par la requérante d'avril 2011 à juin 2012 en évaluant ces préjudices aux sommes de, respectivement, 140 euros et 1 000 euros. Le centre hospitalier Comminges Pyrénées ne présentant pas de conclusions d'appel incident, Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a condamné cet établissement à lui verser une somme globale de 4 000 euros en réparation de ces préjudices.

6. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le retard de traitement de son cancer du poumon gauche a compromis ses chances d'une " meilleure guérison ". Il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressée n'a, à la date du présent arrêt, présenté aucune récidive cancéreuse. Dans ces conditions, les préjudices invoqués à raison d'une perte de chance de guérison totale présentent un caractère purement éventuel. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise sur ce point, ses prétentions indemnitaires à ce titre ne peuvent être accueillies.

7. Mme C... soutient en dernier lieu que, du fait du retard de diagnostic fautif, elle a subi un traitement chirurgical lourd, consistant en une pneumonectomie gauche, dont elle conserve d'importantes séquelles, l'ablation de son poumon gauche ayant entraîné une élévation de la coupole diaphragmatique qui lui occasionne des troubles digestifs et cardiaques. La requérante soutient aussi que, compte tenu de l'évolution défavorable de son cancer durant la période de 14 mois correspondant au retard de mise en place d'un traitement, elle a dû subir, outre cette pneumonectomie, une cure de chimiothérapie adjuvante.

8. Le rapport d'expertise du 14 septembre 2016 indique qu'" il est impossible d'affirmer qu'une prise en charge chirurgicale plus précoce aurait limité la résection pulmonaire ", que " les séquelles actuelles auraient été probablement identiques même en cas de lobectomie " et qu'une chimiothérapie aurait " sûrement été mise en place pour conforter la chirurgie chez cette jeune patiente ". Ces conclusions, ambiguës, ne sont étayées par aucun élément médical en pneumo-oncologie, et sont en contradiction avec l'avis du sapiteur, pneumologue, qui a pour sa part évoqué une perte de chance pour la patiente de bénéficier d'un geste chirurgical plus restreint, sans chimiothérapie. Il résulte en outre des éléments médicaux produits par la requérante que le traitement précoce d'un cancer limite la gravité des séquelles et que, s'agissant du cancer broncho-pulmonaire, la technique chirurgicale, discutée en fonction du volume de la tumeur et de sa topographie, consiste le plus souvent en une lobectomie. L'état de l'instruction ne permet ainsi pas à la cour de déterminer le lien de causalité entre les dommages subis par Mme C... du fait du traitement subi à partir de juin 2012 et la faute commise par le centre hospitalier Comminges Pyrénées, ainsi que le taux de perte de chance éventuel. Par suite il y a lieu, avant de statuer sur les droits de Mme C... à la réparation des préjudices liés au traitement de son cancer du poumon gauche, d'ordonner une expertise aux fins et dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt.

9. Enfin, Mme C... ne conteste pas que, comme le fait valoir l'ONIAM, les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas en l'espèce, réunies. Par suite, l'ONIAM est fondé à demander sa mise hors de cause.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : Les conclusions de Mme C..., en tant qu'elles portent sur les préjudices subis, d'une part, avant l'établissement du diagnostic de son cancer du poumon gauche, d'autre part, à raison d'une perte de chance de " meilleure guérison ", sont rejetées.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de

Mme C..., procédé par un expert, désigné par la présidente de la cour administrative d'appel, à une expertise menée au contradictoire de Mme C..., du centre hospitalier de Comminges Pyrénées et de la CPAM de la Haute-Garonne.

L'expert aura pour mission de :

1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de

Mme C... et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics réalisés lors de sa prise en charge par le centre hospitalier Comminges Pyrénées ; prendre connaissance du rapport d'expertise du Dr B... du 14 septembre 2016 ; convoquer et entendre les parties ainsi que procéder à un examen médical de

Mme C... ;

2°) indiquer si la faute du centre hospitalier Comminges Pyrénées retenue, soit le retard de diagnostic du cancer du poumon gauche qu'elle présentait, a eu une incidence sur les modalités de traitement de sa pathologie, en précisant si, au vu de la littérature médicale disponible à l'époque et des spécificités de la situation de Mme C..., cette faute lui a fait perdre une chance de bénéficier d'une résection chirurgicale plus restreinte et d'éviter un traitement par chimiothérapie adjuvante ;

3°) le cas échéant, quantifier cette perte de chance, en retranscrivant au besoin les passages de la littérature scientifique pertinents ;

4°) dire si l'état de Mme C... est consolidé au regard des troubles consécutifs à sa pneumectomie ²ou s'il est susceptible d'amélioration ou de dégradation ; proposer, si possible, une date de consolidation de l'état de santé de l'intéressée ;

5°) décrire, dans les conditions fixées ci-dessous et sans imputer le taux de perte de chance éventuellement retenu, la nature et l'étendue des préjudices ayant résulté, pour

Mme C..., du traitement de son cancer du poumon gauche par pneumonectomie et chimiothérapie adjuvante, en les distinguant de son état antérieur et des conséquences prévisibles de sa prise en charge médicale si celle-ci s'était déroulée sans retard de diagnostic :

a) préjudices patrimoniaux :

- préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) : dépenses de santé et frais divers, assistance d'une tierce personne dont la nature et le volume horaire seront précisés, pertes de gains professionnels au regard des arrêts et aménagements de travail ;

- préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) : dépenses de santé et frais divers, assistance d'une tierce personne dont la nature et le volume seront précisés, frais de logement et de véhicule adaptés, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle ;

b) préjudices extra patrimoniaux :

- préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation) : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire ;

- préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation) : déficit fonctionnel permanent, préjudice sexuel, préjudice d'agrément, préjudice esthétique permanent ;

6°) de donner à la cour tout autre élément d'information qu'il estimera utile.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour sous forme dématérialisée et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision le désignant. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au centre hospitalier Comminges Pyrénées, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à la caisse primaire d'assurances maladie de la Haute-Garonne et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Copie en sera adressée au docteur B..., expert.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve DupuyLa présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

19BX02862


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02862
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : ACTUAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-03;19bx02862 ?
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