Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2100628 du 21 avril 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mai 2021, M. C..., représenté par Me Galbrun, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 21 avril 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 12 avril 2021.
Il soutient que :
- les conditions dans lesquelles lui a été notifiée la décision du préfet de la Haute-Vienne, quant à sa compréhension et les explications qui lui ont été données de cette décision, n'ont pas été régulières ;
- sur le fond, il entend reprendre les termes du mémoire qu'il avait déposé devant le tribunal administratif ;
- cet arrêté porte gravement atteinte à ses droits puisqu'il sera dans l'incapacité d'exercer sa profession de chauffeur-routier et constitue une double peine dès lors qu'il a déjà été lourdement sanctionné et a fini de purger sa peine.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et au rejet du surplus des conclusions.
Elle soutient que :
- les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont sans objet dès lors que ces décisions ont été exécutées le 20 mai 2021 ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/014816 du 24 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant portugais né le 15 mars 1983, a fait l'objet d'un contrôle routier le 3 octobre 2020, par des agents de la douane alors qu'il traversait la France, selon ses déclarations, pour se rendre en Suisse, et a été placé le jour même en rétention douanière. Il a été déféré le 5 octobre 2020 devant le procureur de la République de Limoges et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention. Il a ensuite été condamné par le tribunal correctionnel de Limoges puis par un arrêt de la cour d'appel de Limoges en date du 5 février 2021 à une peine d'emprisonnement de 18 mois dont 6 mois avec sursis pour des faits notamment d'importation non autorisée de stupéfiants ainsi qu'à une interdiction de séjour sur le territoire français pour une durée de 5 ans. Incarcéré à la maison d'arrêt de Limoges, il a été entendu par les services de police le 22 mars 2021. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 21 avril 2021 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :
2. Il ressort des propres écritures de la préfète de la Haute-Vienne que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse a été exécutée le 20 mai 2021, de sorte que cette décision, qui a ainsi reçu exécution, n'a pas été retirée. Cette décision qui n'a d'ailleurs pas davantage été abrogée, ayant produit des effets, les conclusions de M. C... dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cette mesure conservent leur objet. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée par la préfète doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 avril 2021 :
3. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. (...) " Aux termes de l'article L. 511-3-2 du même code : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L.511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. (...) ".
4. Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un contrôle routier par des agents des douanes le 3 octobre 2020, au cours duquel il a été révélé que M. C... conduisait un véhicule dans lequel se trouvait une valise contenant 13 kg d'herbe de cannabis, l'intéressé a été interpellé et condamné par le tribunal correctionnel de Limoges le 8 octobre 2020 puis par la cour d'appel de Limoges le 5 février 2021 à une peine d'emprisonnement de 18 mois dont 6 mois avec sursis ainsi qu'à une interdiction de séjour sur le territoire français pour une durée de 5 ans, pour des faits d'importation non autorisée de stupéfiants, trafic, complicité et transport non autorisé de stupéfiants, complicité et transport de marchandise dangereuse pour la santé publique. Il ressort des termes de l'arrêt du 5 février 2021 de la cour d'appel de Limoges que le transport illégal de stupéfiants a été réalisé par M. C... sous couvert d'une activité licite de transport de personnes et de marchandises entre le Portugal et la Suisse. Par ailleurs, ainsi que l'a soutenu le préfet en première instance, l'intéressé réside au Portugal avec son épouse et ses deux enfants et ne dispose d'aucune attache particulière en France. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité des faits commis récemment et qui ont justifié sa condamnation à une peine d'emprisonnement, compte tenu de ce que M. C... transite fréquemment par la France dans le cadre de son activité de chauffeur routier dont il s'est servi pour commettre les faits délictueux précédemment décrits, et alors même qu'il aurait exécuté sa peine, le préfet de la Haute-Vienne a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, estimer que la présence en France de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public et prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de circuler sur le territoire français d'un an, cette dernière mesure n'ayant au demeurant pas pour but de l'empêcher d'exercer sa profession de chauffeur routier mais seulement de circuler en France pendant un an.
6. Enfin, les conditions de notification de l'arrêté attaqué sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré par l'intéressé de ce que l'arrêté attaqué lui aurait été irrégulièrement notifié en raison de l'absence d'un interprète est inopérant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.
La rapporteure,
Laury B...
La présidente,
Elisabeth JayatLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 21BX02213