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10/03/2022 | FRANCE | N°19BX02087

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 mars 2022, 19BX02087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Thybrum a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les refus implicites que la commune des Abymes a opposé à ses demandes préalables présentées le 16 décembre 2016 et le 6 avril 2017, de condamner la commune à lui verser la somme de 2 506 549 millions d'euros à parfaire, et de lui enjoindre de diligenter une procédure d'expropriation afin que la propriété de la rue du Morne Torudu et de son tréfonds soit transférée dans l'intérêt public. r>
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Thybrum a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les refus implicites que la commune des Abymes a opposé à ses demandes préalables présentées le 16 décembre 2016 et le 6 avril 2017, de condamner la commune à lui verser la somme de 2 506 549 millions d'euros à parfaire, et de lui enjoindre de diligenter une procédure d'expropriation afin que la propriété de la rue du Morne Torudu et de son tréfonds soit transférée dans l'intérêt public.

Par un jugement n°1700387, 1700620 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mai 2019 la SCI Thybrum, représentée par Me Dillenschneider, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 mars 2019 ;

2°) de condamner la commune des Abymes à lui verser la somme de 1 158 280,27 euros avec intérêts au jour de la première demande en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

3°) de mettre à la charge de la commune des Abymes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- la commune a commis des fautes : en délivrant des permis illégaux de 2006 à 2013 alors que le terrain était enclavé et ne permettait pas le raccordement au réseau public d'assainissement, en ne mettant pas en œuvre des solutions pour y remédier et notamment l'expropriation ou en mettant en œuvre des solutions illégales ;

- son préjudice est de 122 407 euros représentant l'indemnité versée pour l'intervention d'un tiers dans la négociation pour l'accès au chemin Torudu ainsi que les frais de perte de la garantie de parfait achèvement soit 699 456,12 euros, les intérêts moratoires pour 132 417,15 euros et les frais divers pour 204 000 euros, soit au total la somme de 1 158 280,27 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, la commune des Abymes, représentée par Me Lafay, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Entre 2006 et 2010, un permis de construire et des permis modificatifs ont été accordés à la SCI Les Hauts de Bougainville, pour la construction de logements sociaux, sur des terrains cadastrés section CD nos 242 à 252, situés au lieu-dit de Chauffours, sur le territoire de la commune des Abymes. La SCI Thybrum est devenue propriétaire, en lieu et place de la SCI Les Hauts de Bougainville, de ces terrains et elle a déposé, le 25 octobre 2012, une nouvelle demande de permis de construire que la commune des Abymes a autorisé le 4 mars 2013. Les terrains sur lesquels l'ensemble immobilier a été construit n'ayant pas d'accès direct au réseau collectif d'assainissement des eaux usées situé sur la route de Chauvel, la SCI Thybrum devait nécessairement traverser des terrains ne lui appartenant pas, et elle s'est heurtée à des refus des propriétaires riverains. La SCI Thybrum a demandé à la commune des Abymes d'exproprier les habitants de la voie privée dénommée chemin du Morne Torudu, afin de permettre la réalisation de ses travaux de raccordement et par un courrier du 10 novembre 2016, puis par un courrier du 6 avril 2017, la SCI a demandé à la commune qu'elle diligente une procédure de transfert dans la voirie communale du chemin du Morne Torudu et de son tréfonds sur le fondement des dispositions de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme. Après avoir saisi la commune d'une demande préalable, la SCI Thybrum a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant notamment à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 2 506 549 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subi du fait des fautes commises par la collectivité. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 21 mars 2019 qui a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, la SCI Thybrum soutient que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en délivrant depuis 2006 des permis de construire illégaux dès lors que les terrains sur lesquels elle a accordé ces permis ne permettaient pas de réaliser l'assainissement eu égard à l'absence de voie publique depuis le terrain sur lequel la construction était projetée jusqu'au point de raccordement au réseau public d'évacuation des eaux usées.

3. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse (...) indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement (...) ". Les autorisations d'urbanisme étant accordées sous réserve des droits des tiers, ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'imposer aux pétitionnaires de justifier, dans leurs demandes d'autorisations d'urbanisme, des autorisations éventuellement nécessaires sur le fondement du droit privé pour assurer le raccordement aux réseaux publics des ouvrages projetés.

4. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande de permis de construire présenté en 2012 par la SCI Thybrum comportait un plan de masse sur lequel figurait le tracé du réseau d'évacuation des eaux usées, depuis la construction projetée par un poste de refoulement puis un passage sur la parcelle cadastrée CD 214 et la route de Daran jusqu'au point de raccordement avec le réseau public d'assainissement. La circonstance que la demande de permis ne contenait pas l'autorisation des propriétaires riverains quant au passage de la canalisation des eaux usées est sans incidence sur la légalité de ce permis. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire avait fourni à la commune la convention de passage conclue avec le propriétaire apparent de la parcelle CD 214 et il n'appartenait pas à la collectivité de vérifier la validité de cette autorisation. Enfin, si la société requérante fait valoir que les permis antérieurement délivrés à la SCI Les Hauts de Bougainville étaient également illégaux sur ce point, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dossiers de permis comportaient des éléments différents quant au tracé de l'assainissement des constructions projetées.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, qu'après s'être heurtée à l'opposition des indivisaires de la parcelle CD 214 pour le passage de la canalisation destinée au refoulement des eaux usées des logements construits par la société requérante, la SCI Thybrum a modifié le tracé de l'évacuation des eaux usées en prévoyant un passage par le sud de la parcelle, par le chemin du morne Torudu. Le maire de la commune lui a accordé une permission de voirie à cet effet le 9 novembre 2015. Toutefois, cette voie construite depuis plus de 30 ans et ouverte à la circulation publique a été réalisée en partie sur des propriétés privées. Les propriétaires des parcelles sur lesquelles est édifié ce chemin s'étant opposés à la réalisation de la canalisation d'assainissement de la SCI Thybrum, cette dernière a sollicité de la commune l'expropriation des parcelles en cause ou leur transfert d'office dans le domaine public de la commune. Elle fait valoir que le refus fautif de la commune est de nature à entrainer sa responsabilité.

6. La société requérante n'invoque la méconnaissance d'aucune disposition législative ou règlementaire pour soutenir que la commune aurait commis une faute en refusant de demander aux autorités compétentes d'engager la procédure d'expropriation en vue d'acquérir les parcelles privées du chemin du morne de Torudu, et en refusant de mettre en œuvre la procédure d'incorporation d'office dans le domaine public des parcelles privées sur lesquelles est édifié le chemin en cause. Au demeurant, et ainsi que le fait valoir la commune, il existait d'autres voies judiciaire ou amiable qui permettaient à la SCI Thybrum d'obtenir l'autorisation du passage de la canalisation d'assainissement. Enfin, la commune soutient sans être contredite, que la SCI a finalement obtenu l'autorisation des propriétaires du chemin du morne Torudu et que les immeubles construits sont désormais raccordés au réseau public d'assainissement. Par suite, la commune n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en ne mettant pas en œuvre les procédures ci-dessus décrites.

7. En dernier lieu, il ne résulte des pièces du dossier ni que le comportement de la commune des Abymes ait été hostile au projet porté par la SCI Thybrum, ni qu'elle ait invité les propriétaires des parcelles du chemin du morne Torudu à refuser de donner leur accord au passage de la canalisation sur leurs terres, ni enfin qu'elle ait délivré une permission de voirie erronée dès lors que celle-ci ne valait que pour la portion publique du chemin en cause ainsi que l'a fait valoir le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe dans son ordonnance du 16 juin 2016. Par suite, la commune des Abymes n'a pas davantage commis, sur ce fondement, de faute de nature à engager sa responsabilité.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que la SCI Thybrum n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de ces agissements.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune des Abymes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SCI Thybrum au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Thybrum une somme de 1 500 euros qu'elle versera à la commune des Abymes sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Thybrum est rejetée.

Article 2 : La SCI Thybrum versera la somme de 1 500 euros à la commune des Abymes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Thybrum et à la commune des Abymes.

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.

La rapporteure,

Fabienne Zuccarello La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02087
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

71-02 Voirie. - Régime juridique de la voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LAFAY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-10;19bx02087 ?
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