Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Bordeaux d'annuler la décision du 28 août 2015 du ministre de la défense portant refus de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle de traumatisme du grand trochanter droit.
Par un jugement n° 19/14 du 21 mars 2019, le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 mai, 5 et 14 novembre 2019, M. B..., représenté par Me Essombé, a demandé à la cour régionale des pensions militaires de Bordeaux :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de lui reconnaître un droit à pension au taux de 20 % pour l'infirmité de traumatisme du grand trochanter droit ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise afin de se prononcer sur le lien entre cette infimité et les accidents des 19 mai 1988 et 15 février 1995.
Il soutient que :
- alors qu'il était en service, il a, en mai 1988, subi un accident de voiture et, en février 1995, été renversé par un cycliste au cours d'une intervention de gendarmerie ; lors de ces accidents de service, il a subi des traumatismes au niveau de la hanche droite ; alors que l'expert désigné par l'administration a retenu l'existence d'un lien de causalité entre la raideur de sa hanche droite et ces traumatismes et évalué l'invalidité résultant de cette infirmité à 20 %, sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité n'a pas été accueillie ;
- cette infirmité est distincte de la coxarthrose droite au titre de laquelle sa demande de révision a déjà été rejetée ; il sollicite aujourd'hui une pension au titre des séquelles de la fracture chondrale détectée tardivement, à l'occasion de l'intervention du 9 septembre 2009 de pose d'une prothèse de la hanche droite ; il ne présentait aucune douleur au niveau de la hanche droite avant ses accidents ; lors de l'accident survenu en 1995, il a lourdement chuté sur sa hanche droite ; il a ressenti des douleurs à la hanche droite à la suite de cet accident, et suivi des soins en relation avec ces douleurs à partir de 1997 ; il n'est pas en mesure de produire une radiographie contemporaine des accidents, et un cliché radiographique n'aurait en tout état de cause pas permis de visualiser une fracture chondrale ; il produit des éléments médicaux qui retiennent l'existence d'un lien de causalité entre l'infirmité et les traumatismes subis lors des accidents ;
- l'expert désigné par le tribunal des pensions, qui ne l'a pas examiné, ne s'est pas interrogé sur l'existence de problèmes de hanche avant les accidents de 1998 et 1995, les raisons de l'apparition de douleurs à la hanche droite après la chute survenue en 1995 et sur l'étiologie de ces douleurs ; il convient à tout le moins d'ordonner une nouvelle expertise.
Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie de la requête de M. B..., enregistrée sous le n° 19BX04004.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le requérant n'apporte pas d'élément nouveau en appel ;
- M. B... ne présentait pas de séquelle au niveau de la hanche droite lors de son examen du 28 mars 1997 ; aucune anomalie n'a été détectée avant le diagnostic de coxarthrose droite posé en janvier 2009, cette pathologie s'étant développée, au vu de l'IRM de 2002, entre 2002 et 2009 ; la fracture chondrale est donc sans relation avec la contusion du grand trochanter survenue en 1995 ; l'expert désigné par le tribunal a précisé que cette fracture ne saurait être confondue avec une fracture du grand trochanter ou du col fémoral ;
- les séquelles alléguées par le requérant, à savoir un blocage et une raideur de la hanche, ne peuvent médicalement relever de l'infirmité " traumatisme du grand trochanter droit " qui n'a pas entraîné de traumatisme osseux ;
- le requérant a falsifié le certificat de visite du 18 juillet 1997 en y ajoutant des mentions ;
- le certificat médical du 23 avril 2018 n'est pas probant ;
- une nouvelle mesure d'expertise serait inutile.
Par une ordonnance du 24 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 26 janvier 2021.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- et les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., adjudant-chef de la gendarmerie, rayé des cadres le 29 octobre 1997, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux global de 45 % par arrêté du 8 avril 2013, pour les infirmités de séquelles d'entorse grave du poignet droit, syndrome de canal carpien droit et entorse cervicale bénigne aggravant une arthrose cervicale préexistante. Le 21 octobre 2013, il en a sollicité la révision pour l'infirmité nouvelle de traumatisme du grand trochanter droit qu'il attribuait à des accidents survenus en service les 19 mai 1988 et 15 février 1995. Par une décision du 28 août 2015, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que l'infirmité invoquée était inexistante. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Bordeaux, lequel, par un jugement avant dire droit du 11 janvier 2017, a ordonné une expertise médicale, puis, par un jugement du 21 mars 2019, a rejeté la demande en l'absence de causalité directe et certaine entre un fait de service et l'infirmité invoquée de traumatisme du grand trochanter. M. B... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service / (...). " Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". Il résulte de ces dispositions, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. Aux termes de l'article L.4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que M. B..., alors qu'il était en service, a subi un accident de véhicule le 19 mai 1988 et été renversé par un cycliste le 15 février 1995. Lors de ces accidents, l'intéressé a notamment présenté des contusions au niveau de la hanche droite. Il a été déclaré inapte au service en 1997 et rayé des cadres pour ce motif. Des examens radiologiques réalisés au début de l'année 2005 ont révélé qu'il présentait une coxarthrose droite. Par un jugement du 6 septembre 2013, devenu définitif, le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette nouvelle infirmité au motif que son imputabilité au service n'était pas établie. Le requérant a de nouveau sollicité dès le 21 octobre 2013 la révision de sa pension pour l'infirmité nouvelle tenant cette fois, selon lui, aux séquelles d'un traumatisme du grand trochanter droit lors des accidents de service des 19 mai 1988 et 15 février 1995. Toutefois, si l'expert désigné par l'administration dans le cadre de cette nouvelle demande retient finalement, au regard de la période d'apparition des premières douleurs à la hanche droite, un lien entre la coxarthrose droite et le traumatisme à la hanche droite survenu lors de l'accident du 15 février 1995, il ne retient pas l'existence d'un traumatisme osseux ou cartilagineux lors de cet accident. Le requérant, qui allègue avoir subi une fracture du grand trochanter droit lors de cet accident, ne produit toutefois aucun élément médical de nature à établir qu'il aurait présenté une telle fracture, et l'expertise ordonnée avant-dire droit par le tribunal des pensions militaires de Bordeaux souligne que si l'intéressé avait subi une telle lésion traumatique, l'évolution clinique aurait été beaucoup plus rapide. M. B... fait aussi valoir que, lors d'une intervention chirurgicale de pose d'une prothèse de hanche réalisée en septembre 2009, le chirurgien a constaté visuellement la présence d'une fracture chondrale. Cependant, l'expertise ordonnée par le tribunal relève qu'une telle fracture du cartilage, localisée au niveau de la tête fémorale droite, ne saurait être confondue avec une fracture du grand trochanter droit. Les éléments médicaux versés par M. B..., relatifs à l'étiologie de sa coxarthrose droite, ne permettent pas davantage d'établir qu'il présenterait des séquelles d'une fracture osseuse ou cartigilineuse du grand trochanter droit. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'infirmité invoquée dans le cadre du présent litige soit en lien avec un fait de service.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04004