Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile De Part et d'Autre a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2013.
Par un jugement n° 1704423 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019, la société civile De Part et d'Autre, représentée par Me Jany, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les rectifications sont infondées dès lors que le produit de 4 000 000 euros correspondant à l'abandon de créance constaté en 2013 devrait être rectifié afin de tenir compte de l'avenant du 23 décembre 2014 ;
- la convention d'abandon de créance prévoyait une clause résolutoire de retour à meilleure fortune applicable dès 2017, dont la mise en œuvre a un effet rétroactif aboutissant à ramener le montant de l'abandon de créance consenti au titre de l'exercice 2013 à 1 499 729 euros.
Par mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2021 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dominique Ferrari,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société De Part et d'Autre, qui a pour objet social une activité de holding prestataire de services administratifs pour ses filiales exerçant dans le secteur viticole et le secteur de la restauration, s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû par le groupe en optant pour le régime de l'intégration fiscale prévu à l'article 223 A du code général des impôts. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en tant que société membre, pour la période du 1er août 2010 au 31 décembre 2013, ainsi que d'un contrôle sur pièces en tant que société mère redevable de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2013. Dans le cadre de cette dernière vérification, l'administration a constaté que la société avait imputé sur son résultat bénéficiaire déclaré de l'exercice 2013 des déficits pour un montant supérieur au plafond prévu par l'alinéa 3 du I de l'article 209 du code général des impôts, soit 1 million d'euros majoré de 50 % de la fraction du bénéfice excédant ce seuil. A l'issue de la procédure, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mises à la charge de la société De Part et d'Autre pour un montant total, en droits et majorations, de 769 646 euros. Suite au rejet de sa réclamation contentieuse, la société De Part et d'Autre a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge de ces suppléments d'imposition, résultant du plafonnement des déficits imputables, mis à sa charge au titre de l'exercice 2013 en tant que société mère redevable de l'impôt sur les sociétés du groupe. Elle relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuée par les entreprises (...). / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les comptes de tiers inscrits au bilan de clôture d'un exercice doivent exprimer les situations débitrices ou créditrices de ces derniers telles qu'elles sont résultées des créances et des dettes nées au profit ou à la charge de la société vis-à-vis de ces tiers, dès lors que lesdites créances et dettes sont devenues certaines, au cours de cet exercice, dans leur principe et dans leur montant. Après la clôture de l'exercice, ces comptes ne peuvent être modifiés rétroactivement, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification que pour corriger les erreurs comptables dont ils sont entachés et qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise.
4. D'autre part, aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d'un montant de 1 000 000 € majoré de 50 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté dans les mêmes conditions sur les exercices suivants. Il en est de même de la fraction de déficit non admise en déduction en application de la première phrase du présent alinéa. La limite de 1 000 000 € mentionnée au troisième alinéa est majorée du montant des abandons de créances consentis à une société en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ou dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ouverte à son nom (...) ".
5. La société requérante conteste le supplément d'impôt sur les sociétés résultant du plafonnement des déficits imputables, qui a été mis à sa charge au titre de l'exercice 2013, en faisant valoir qu'elle a bénéficié d'une convention d'abandon de créance consenti par son associé majoritaire le 16 novembre 2012, portant sur un montant de 4 millions d'euros, sur lequel elle a imputé des déficits antérieurs conduisant à une neutralisation du bénéfice. La société requérante ne conteste pas la remise en cause par l'administration du montant des déficits imputables, à hauteur du plafond prévu par le I de l'article 209 du code général des impôts, qui l'a conduit à porter le résultat nul déclaré par la société à un montant bénéficiaire mais fait valoir que l'abandon de créance a fait l'objet d'un avenant le 23 décembre 2014 prévoyant son étalement sur quatre ans, soit 1 million d'euros pour chaque exercice de 2014 à 2017 et qu'ainsi le montant du produit exceptionnel correspondant à l'abandon de créance doit être rectifié lui permettant ainsi d'imputer les déficits au regard du plafond prévu par l'article 209 du code général des impôts. Par ailleurs, la société requérante fait également valoir que la convention initiale d'abandon de créance prévoyait une clause résolutoire de retour à meilleure fortune applicable dès 2017, dont la mise en œuvre aurait un effet rétroactif aboutissant à ramener le montant de l'abandon de créance consenti au titre de l'exercice 2013 à 1 499 729 euros, compte tenu de l'amélioration de sa situation financière.
6. Cependant, d'une part, comme cela a été rappelé au point 3, les contribuables ne peuvent se prévaloir que des erreurs qu'ils ont commises de bonne foi à leur détriment mais en revanche ils ne sont pas admis à remettre en cause les décisions de gestion qu'ils ont prises et qui leur sont opposables, même si elles sont irrégulières. En l'espèce, en acceptant, par convention du 16 novembre 2012, un abandon de créance d'un montant de 4 millions d'euros consenti par son associé majoritaire, alors qu'elle avait la faculté juridique de le refuser, la société requérante a pris une décision de gestion qui lui est opposable, l'obligeant à enregistrer en comptabilité un produit exceptionnel de même montant, imposable au titre de l'exercice clos en 2013. Par ailleurs, la société requérante n'ayant pas commis d'erreur comptable dont il lui serait possible de demander la correction après la clôture de l'exercice litigieux, elle ne peut utilement se prévaloir de l'avenant du 23 décembre 2014 à la convention du 16 novembre 2012 prévoyant l'étalement de l'abandon de créance à hauteur de 1 000 000 euros au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 à 2017, qui ne peut produire d'effet que pour l'avenir, et reste sans incidence sur la rectification opérée. Par suite, l'administration fiscale a pu, à bon droit, refuser de rectifier le montant de l'abandon de créance enregistré au cours de l'exercice 2013 au regard de l'avenant du 23 décembre 2014 dont se prévalait la société De Part et d'Autre.
7. D'autre part, aucun effet rétroactif au titre de l'exercice 2013 ne peut être donné à la mise en jeu de la clause de retour à meilleure fortune. En effet, une obligation consentie avec une clause de retour à meilleure fortune ne devient certaine, dans son principe et dans son montant, qu'à la date de la réalisation des conditions de retour à meilleure fortune telles qu'elles sont stipulées dans cette clause. Dès lors, en l'espèce, les effets résultants de la réalisation partielle au cours d'un exercice ultérieur de la condition de retour à meilleure fortune (cession d'actifs réalisée en 2016), qui doivent être rattachés à la période d'imposition correspondant à cette réalisation, ne peuvent être pris en compte pour obtenir la rectification du montant de l'abandon de créance initialement enregistré au cours de l'exercice clos en 2013. En conséquence, le plafonnement des déficits imputables opéré par l'administration est fondé.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que la société de Part et d'Autre n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2013.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société de Part et d'Autre demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société civile de Part et d'Autre est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de Part et d'Autre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.
Le rapporteur,
Dominique Ferrari
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Véronique Epinette
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04982