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04/05/2022 | FRANCE | N°19BX04974

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 mai 2022, 19BX04974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 22 juin 2018 par laquelle la présidente de la Communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) l'a licencié pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1801035 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Guyane a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2019 et le 16 mars 2021, la CACL, représentée par sa

présidente en exercice et par Me Lepron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 22 juin 2018 par laquelle la présidente de la Communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) l'a licencié pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1801035 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Guyane a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2019 et le 16 mars 2021, la CACL, représentée par sa présidente en exercice et par Me Lepron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Guyane du 24 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la requête de M. C... B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative s'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal tiré de ce que l'insuffisance professionnelle reprochée à M. B... n'est pas suffisamment caractérisée pour justifier son licenciement.

Sur le bien-fondé du jugement :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'insuffisance professionnelle de M. B... en tant que directeur de la Régie communautaire de transports (RTC) est suffisamment caractérisée par les éléments précis et étayés avancés concernant tant les insuffisances managériales dont il a fait preuve notamment son incapacité à régler les conflits, la multiplication des grèves et retraits des agents, son incapacité à organiser le service, que les insuffisances techniques et organisationnelles notamment son incapacité à proposer un budget optimisé, à mettre en œuvre la passation des marchés publics et son absence de transmission de sa capacité de transport pourtant nécessaire à l'exercice de sa mission ;

- les autres moyens invoqués par M. B... dans sa demande ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2020 et le 13 avril 2021, M. B..., représenté par Me Bursztein, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la CACL de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Recruté par la Communauté d'agglomération du centre littoral (CACL), en qualité de directeur de la Régie communautaire de transport, par un contrat à durée déterminée de trois ans à compter du 15 juillet 2016, M. B... s'est vu notifier par décision du 22 juin 2018 de la présidente de cet établissement public son licenciement pour insuffisance professionnelle. M. B... a demandé et obtenu devant le tribunal administratif de la Guyane l'annulation de cette décision. La CACL relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il résulte de l'examen du jugement attaqué qu'il précise les motifs pour lesquels le moyen tiré de l'absence d'insuffisance professionnelle du demandeur devait être accueilli. Les premiers juges, qui étaient tenus de répondre aux moyens soulevés, mais non à tous les arguments des parties, ont ainsi respecté l'obligation de motivation prescrite par les dispositions précitées. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement manque en fait.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article 42 du décret du 15 février 1988 relatif à la fonction publique territoriale et aux agents contractuels des collectivités locales : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle (...) ". Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche de poste de M. B..., qu'en sa qualité de directeur de la Régie communautaire des transports, il avait pour mission de coordonner les actions et les activités des différents pôles (production, clientèle et support) et fonctions (ressources humaines, marketing-communication et missions transversales), de manager et d'accompagner les différents responsables du service, d'être un interlocuteur du dialogue social en lien avec sa hiérarchie, d'assurer le pilotage et le suivi de l'activité de la Régie (qualité du service, gestion budgétaire et comptable), de gérer les investissements propres à l'exploitant, de procéder au reporting régulier des indicateurs et du plan d'action relatif à la mise en œuvre de la nouvelle organisation, et d'élaborer des propositions pour améliorer la qualité du service proposé aux usagers.

5. Pour licencier l'intéressé par la décision du 22 juin 2018, la présidente de la CACL s'est fondée sur l'insuffisance professionnelle de M. B... qui ne serait pas parvenu à remplir les missions qui lui ont été confiées. Il lui est ainsi notamment reproché une insuffisance à veiller à une sécurisation du cadre de la commande publique, une incapacité à remplir les formalités courantes, des manquements dans la gestion quotidienne qui ont dû être palliés par d'autres services ainsi que des carences managériales.

6. Il est constant que M. B..., qui a été recruté à compter du 15 juillet 2016, a été placé en congé pour maladie du 20 mars au 13 juin 2017, du 20 juin 2017 au 4 mars 2018, du 23 mars au 25 avril 2018 et du 24 mai au 1er août 2018, date de son licenciement, de sorte qu'il a exercé effectivement ses fonctions de directeur de la Régie communautaire des transports pendant environ seulement dix mois.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, dès sa prise de poste, M. B... a établi un diagnostic organisationnel et une feuille de route et rédigé un point d'étape deux mois plus tard. Il a également diffusé plusieurs notes internes les 16 décembre 2016, 9 janvier 2017 et 14 avril 2017 relatives respectivement à la validation des parapheurs de bons de commande, au recrutement d'un service médiation pour faire face aux conflits sociaux existants au sein de la Régie et à la sécurisation des achats par la mise en place de procédures de passation de marchés publics. Il a, en outre, mis en place des formations à destination des chefs de service en charge de la commande publique et rédigé une partie du cahier des clauses techniques particulières (CCTP). Afin d'assurer un reporting régulier, il a enfin décidé d'instaurer la tenue de réunions périodiques d'encadrement.

8. Si, pour établir que M. B... a fait preuve d'insuffisance professionnelle pendant la période d'exercice de ses fonctions, la présidente de la CACL invoque le caractère " irréalisable et insoutenable " des budgets proposés par l'intéressé, aucun élément précis ni étayé ne vient justifier ces allégations alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité un agent comptable afin de réaliser une analyse complète des budgets précédents en vue de dégager des pistes d'économie budgétaire en 2017 et qu'il a organisé une réunion de travail en décembre 2016 avant de présenter des propositions budgétaires collégiales validées par les acteurs financiers. Il ne saurait lui être adressé aucun reproche en ce qui concerne le budget 2018 préparé par son remplaçant pendant qu'il se trouvait, ainsi qu'il a été dit, en arrêt maladie en raison d'un accident de la route survenu en juin 2017.

9. Si, ainsi que le fait également valoir la CACL, une proposition de commande de gré à gré avec un tiers, et au demeurant non suivie par la collectivité, était irrégulière, cet élément est demeuré isolé et ni celui-ci ni aucun autre élément produit au dossier ne vient justifier la décision de la CACL de confier la gestion des marchés publics de la Régie à la Direction des affaires générales.

10. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a effectivement pas adressé au service compétent les documents nécessaires pour démontrer sa capacité de transport en temps utile, M. B... a procédé très rapidement, le 14 mars 2017, à la régularisation de son dossier après avoir été informé le 10 mars précédent de cette carence par son adjoint.

11. Enfin, si les réunions périodiques d'encadrement dont il avait décidé la tenue n'ont pu avoir lieu, c'est en raison du refus du directeur adjoint et des agents régulateurs de s'y présenter.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a pris son poste dans un contexte social difficile, a par un courrier du 3 février 2017 alerté sa hiérarchie sur le comportement inapproprié de certains agents. De même, par notes de service des 30 janvier 2017, 3 février 2017 et 8 février 2017, il a informé la présidente de la CACL de l'insubordination et du refus d'exécuter les consignes de l'un de ses agents ainsi que du comportement d'insubordination et de l'attitude de blocage permanent de certains agents appartenant au syndicat UTG. Si la CACL reproche à l'intéressé l'existence de relations conflictuelles au sein de la Régie, il ne ressort d'aucun élément précis et étayé que la situation de grave tension existant au sein de la Régie et les mouvements sociaux constatés au cours de sa mission seraient imputables même partiellement à M. B... alors que de nombreux conflits préexistaient au sein de ladite Régie laquelle a vu se succéder 17 directeurs en une trentaine d'années et que M. B... qui, ainsi qu'il a été dit, a alerté sa hiérarchie à plusieurs reprises sur les difficultés existantes, a été rapidement évincé du dialogue social par cette dernière. Ainsi que l'a relevé le tribunal, le compte rendu de la séance extraordinaire du 20 juin 2017 essentiellement relative aux relations conflictuelles de M. B... avec certains agents de la Régie et membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) relève son absence de responsabilité faute d'éléments autre que les allégations des uns et des autres. Si trois attestations font cependant état de manière concordante de l'attitude provocatrice de M. B... à l'égard d'un de ses collègues lors d'une réunion du 19 juin 2017, cet incident ponctuel, en l'absence notamment d'élément démontrant que son comportement aurait donné lieu à des mises au point ou des rappels à l'ordre de l'intéressé sur sa manière de servir au cours de son mandat, ne saurait être regardé comme caractérisant à lui seul une insuffisance professionnelle justifiant le licenciement de M. B....

13. Enfin, il ressort de l'attestation et de la note interne du 18 juillet 2017 que la gestion des congés du personnel par les services de la Direction générale des services était nécessaire du fait de la finalisation du fonctionnement du logiciel kélio " récemment mis en place " et non en raison d'une insuffisance professionnelle du directeur de la Régie. De même si le déplacement de l'agent comptable (Mme A...), a été décidé à la demande de cette dernière en raison d'un conflit existant avec sa collègue, aucun élément précis et étayé ne permet d'imputer la responsabilité de cette situation à M. B....

14. Il résulte de tout ce qui précède que la CACL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guyane a annulé pour erreur d'appréciation la décision du 22 juin 2018 par laquelle la présidente de la collectivité a licencié M. B... pour insuffisance professionnelle.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la CACL demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de M. B... et de mettre à la charge de la CACL, partie perdante, une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Communauté d'agglomération du centre littoral est rejetée.

Article 2 : La Communauté d'agglomération du centre littoral versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la Communauté d'agglomération du centre littoral et au préfet de la Guyane. Copie en sera délivrée pour information au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mai 2022.

La rapporteure,

Caroline E...

La présidente,

Karine ButériLa greffière,

Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04974


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04974
Date de la décision : 04/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET LBBA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-04;19bx04974 ?
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